Élise, 82 ans, née à Gap (Hautes-alpes) Retraitée

“Je pense que le moment où j’ai été le plus heureuse, c’est quand j’avais 16, 17 ans, en 1950. J’étais avec mes soeurs, on s’entendait bien, toutes. On n’avait pas grand-chose, mais avec n’importe quoi, on savait faire quelque chose. Moi, avec un bout de chiffon, je faisais des habits à mes soeurs. Des trucs élégants. J’avais coupé dans un vieux manteau et à Paulette, je lui avais fait une collerette en laine. C’était quelque chose de magnifique mais c’était fait avec rien du tout, hein. À 15 ans, mon père m’a appris à coudre sur une machine à pédale. Une Pfaff. J’en ai tellement gardé un bon souvenir que je m’en suis acheté une il n’y a pas longtemps, j’arrive même pas à la faire marcher... À l’époque, on se contentait de beaucoup moins. On n’avait pas de réfrigérateur, pas de télévision, pas de téléphone, pas de voiture. Tout ça, on n’en avait pas besoin. On se crée des besoins. Nous, on était à la campagne, on avait le poulet le dimanche. Le pain, on l’avait aussi parce que c’étaient mes grands-parents qui le faisaient, ils avaient un pétrin, une grande table. Ma mère, si elle avait vécu à cette époque-là – aujourd’hui, je veux dire–, elle aurait pu être grand cuisinier. Elle faisait tout, ma mère. Et sans jamais trop rien peser ni rien du tout. Elle faisait le fromage de tête, elle faisait le pâté de foie, elle faisait le boudin… Tout ce qu’on fait avec le cochon, elle savait le faire. Et mon père, il voulait pas de trucs achetés à la charcuterie. Il lui disait: ‘Tu vois pas, là-dedans,

on te met toutes les cochonneries!’ Aujourd’hui, les gens, ils veulent de plus en plus de choses et ils savent de moins en moins les faire. Je me suis jamais trop occupée de la politique. Bon, je savais qui était le président de la République, tout ça, mais c’est tout. C’était celui qui avait une fille aviatrice et une maison à Bormes-les-mimosas. Auriol. Je crois que les femmes s’occupaient pas trop de la politique. Je sais même pas si j’ai voté à 21 ans... Non, ce qui a plus marqué la vie des femmes, pour moi, c’est le droit à l’avortement. Avec la dame… Simone Veil. Bah, elle y est arrivée à la faire voter, la loi! Il y a eu des grandes choses de faites.”