Society (France)

Un dimanche soir à Montretout.

Étienne Astoul, élu du Sud-ouest, a été le seul maire de France à donner son parrainage à… Lionel Jospin. Il explique pourquoi.

- – THOMAS PITREL

Pendant que sa fille accédait au second tour, Jean-marie Le Pen organisait une soirée chez lui, à Montretout, devant la télévision. Où régnait une ambiance un peu forcée.

Ils sont peu nombreux à pouvoir se targuer d’avoir fait rompre son voeu de silence à Lionel Jospin, mais Étienne Astoul est de ceux-là. “Comme un clin d’oeil à votre clin d’oeil, je sors un instant de ma réserve pour vous dire que, si mes collègues du Conseil constituti­onnel ont accueilli de façon souriante ce geste singulier, j’ai bien compris le sens que vous accordiez à ce témoignage, et j’y ai été sensible.” Ainsi débutait la missive reçue il y a quelques semaines à peine. Retiré de la vie politique depuis le séisme du 21 avril 2002, l’ancien Premier ministre avait pourtant trouvé dans le devoir de réserve inhérent à son statut de membre du Conseil constituti­onnel, rejoint en 2015, une bonne excuse pour ne pas s’exprimer durant la longue campagne présidenti­elle écoulée. Donc qu’est-ce qui a bien pu toucher l’homme de l’île de Ré au point de le pousser à prendre la plume pour remercier ainsi le maire de Villebrumi­er, village de 1 315 habitants situé à la lisière de la Haute-garonne et du Tarn-etgaronne? “J’ai vu que des maires avaient parrainé François Hollande pour la présidenti­elle 2017,

explique l’édile. Moi, je suis membre du PS depuis 37 ans mais je ne pouvais vraiment pas parrainer Hamon ni Hollande, alors j’ai mis le nom de Lionel

Jospin.” “Vallsiste” lors de la primaire de la gauche et rocardien d’origine, Étienne Astoul n’a en effet jamais réussi à digérer la victoire de Benoît Hamon qui, pour lui, “ne représenta­it pas le PS” puisqu’il a “jeté à l’eau ce qui avait été décidé dans nos congrès, c’est

à dire la social-démocratie”. Celui qui a été élu maire pour la première fois en 1989 en veut à tous ceux qui “sont restés au PS alors qu’ils étaient plus proches de Mélenchon. La droite est majoritair­e dans ce pays, donc on ne peut pas gagner une élection en n’étant qu’à gauche”. À l’inverse, Lionel Jospin reste pour lui “le dernier vrai homme d’état qu’a eu le PS. Quand il était là, la France se portait mieux”. En 2002, le maire avait été malade en découvrant les scores du premier tour. Il n’avait déjà pas supporté de voir “ces gens qui avaient voté Buffet, Chevènemen­t, etc. Ceux qui reprochaie­nt au gouverneme­nt de ne pas être assez à gauche. C’est resté gravé dans ma mémoire, c’est pour ça que j’ai parrainé Jospin”. À la fin de sa lettre de remercieme­nts, ce dernier a laissé transparaî­tre la même nostalgie: “En ces temps d’incertitud­e, (…) croyez, monsieur le maire, cher Étienne Astoul, que je reste attaché aux valeurs qui furent nôtres. Amicalemen­t.” Des mots qui sonnent aujourd’hui comme une oraison funèbre.

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