“Trois électeurs sur quatre ont dit leur volonté d’en finir avec le système politique en place”
Laurent Bigorgne, directeur de l’institut Montaigne, think tank libéral
Quel est l’enseignement principal à tirer des résultats du premier tour? Alors que toutes les démocraties du monde font face à une crise de leur système politique, la France a eu une réponse différente des autres puisqu’elle n’a choisi ni le populisme de droite, du type Trump ou Brexit, ni le populisme de gauche à la Podemos ou Syriza. Par ailleurs, ce qui dépasse tous les autres clivages, c’est celui qui se marque entre ceux qui aspirent au changement et ceux qui ont fait le choix des partis politiques classiques. Le véritable séisme, c’est que si vous additionnez le PS et Les Républicains, vous avez 25%. Cela veut dire que trois électeurs sur quatre ont dit leur volonté d’en finir avec le système politique en place.
Ces résultats valident-ils l’analyse faite par le FN et Emmanuel Macron de la recomposition du paysage politique français, et du passage d’un clivage gauche-droite à un clivage mondialiste-antimondialiste ou libéraux-antilibéraux? Cela n’a rien à voir avec le libéralisme. Si nous étions sur une révolution antilibérale, Mélenchon serait au deuxième tour, or il a plafonné. Il a plafonné quand les gens ont dit: ‘C’est quoi cette alliance bolivarienne?’ ou ‘Pourquoi devraiton sortir de L’OTAN?’ Du côté du FN, il y a certes tout un bloc qui a toujours été étatiste, mais il y a aussi tout un tas de gens qui, comme l’était Jean-marie Le Pen, sont sur des thèses ultralibérales. Il y a au FN des aspirations contradictoires alors que le camp de Mélenchon est plus unitaire de ce côté-là. Par ailleurs, je ne suis pas sûr non plus que tous les gens qui ont voté Macron soient des promarché. Il va sans doute faire 60 ou 70% au second tour, pensez-vous que ses électeurs seront tous des libéraux?
Marine Le Pen a-t-elle une chance de l’emporter au second tour? Aucune. Il faudrait qu’elle passe de 21 à 50% alors que tous les grands responsables politiques vont appeler à voter pour le candidat républicain. Il faudrait qu’elle double son score alors qu’elle n’a ni le réservoir ni la dynamique de campagne. Tous les analystes vous diront qu’elle a fait une très mauvaise campagne. Il ne faut pas oublier qu’on la plaçait à un moment à 28% des voix au premier tour.
Cette année, les législatives ne pourraient-elles pas être plus déterminantes que la présidentielle? L’élection qui fait le pivot reste la présidentielle. Si Fillon avait été au second tour, il n’y a aucun doute sur le fait qu’il aurait pu monter une majorité. Mais ici, effectivement, il va falloir regarder les législatives. La différence entre François Bayrou en 2007 et Emmanuel Macron cette année, c’est que ce dernier est parvenu à fracturer la gauche et le centregauche. Lors des législatives, il y aura quatre forces politiques importantes, mais aussi le PS à surveiller. Il faudra voir s’il arrive à se relever de sa plus forte défaite depuis sa recomposition par François Mitterrand en 1971, de ce qui ressemble à la fin d’un cycle de près de 50 ans.