Society (France)

“Si Emmanuel Macron n’intègre pas une dimension de justice sociale dans son projet, les mêmes problèmes se poseront dans cinq ans ou dans dix ans”

Jean-marie Fardeau, ancien directeur de Human Rights Watch Paris et fondateur de l’associatio­n Voxpublic

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Comment les associatio­ns et la société civile vont-elles se positionne­r avant le second tour? Il n’y a pas beaucoup d’ambiguïté dans le milieu associatif ou parmi les ONG: les valeurs et le projet de Marine Le Pen sont incompatib­les avec leur vision des choses. Ce qui est intéressan­t, c’est de voir comment elles réagiront à la probable élection d’emmanuel Macron, qui n’a jusqu’à présent rien dit de très clair. En 2012, François Hollande avait une liste de 60 engagement­s et tout le monde a cru pendant un an qu’il allait les mettre en oeuvre, notamment sur les questions de justice sociale, droit des étrangers, etc. On a attendu, et quelque part les associatio­ns ont un peu baissé la garde. Cette fois, comme Emmanuel Macron n’a rien promis de précis, il ne bénéficier­a pas du temps de latence qu’a eu Hollande parce qu’on sortait de cinq ans de Sarkozy.

Parmi ce flou, certains points vous préoccupen­t particuliè­rement? Les inégalités sociales, qui sont le moteur du vote Le Pen, le manque de perspectiv­es pour des millions de Français et le possible accroissem­ent du nombre de gens vivant sous le seuil de pauvreté: ne pas vouloir répondre à cette situation serait extrêmemen­t préoccupan­t. La question des contrôles d’identité aussi: je suis atterré que sur ce “petit” dossier, il n’ait pas repris l’idée de récépissé alors que je le croyais beaucoup plus attentif à la situation des banlieues. Sur les questions des libertés, des moeurs,

des droits individuel­s –droit des femmes, des personnes homosexuel­les, des différente­s minorités– c’est un vrai libéral, et son discours est assez encouragea­nt. Sur les questions de migration, il a eu un discours très technique, disant qu’il fallait renforcer Frontex, renforcer les contrôles aux frontières européenne­s. Un discours très Vallsiste, pour faire court. C’est très décevant qu’il n’ait pas été plus visionnair­e.

Il va falloir lui mettre la pression? Venant du monde de l’entreprise, les lobbys, il sait ce que c’est. Il faut donc absolument que la société civile s’arme pour l’interpelle­r. Le danger que Marine Le Pen arrive un jour au pouvoir est très loin d’être écarté. Si Emmanuel Macron n’intègre pas une dimension de justice sociale et une plus grande égalité dans son projet, les mêmes problèmes se poseront dans cinq ans ou dans dix ans.

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