“Ça paraît tellement plié d’avance”
Thierry Vedel, chercheur au Cevipof (Centre de recherche politique de Sciences Po), professeur de communication politique.
Quels ont été les enseignements en termes de communication politique lors de cette campagne? Emmanuel Macron a montré que l’on pouvait gagner sans parti, sans structure partisane. Il y avait une organisation, évidemment, mais ce n’était pas celle d’un parti de masse, de gouvernement. Jusqu’ici, il fallait conquérir un parti puis gagner une élection, ce n’est plus le cas. La comparaison que je vois, c’est avec Tony Blair, qui était également jeune et voulait réformer en douceur. Lorsqu’on regardait les études d’opinion, tous les candidats avaient des traits de personnalité très forts qui ressortaient: Fillon avait une stature d’homme d’état, Le Pen était celle qui voulait changer les choses, Hamon était honnête. Emmanuel Macron, lui, était juste considéré comme sympathique. C’est quelqu’un sur lequel on peut projeter des choses.
Quelles devront être les stratégies des deux candidats qualifiés dans l’entre-deux-tours? C’est très dur pour Marine Le Pen, son potentiel était plus élevé mais elle n’a pas su mobiliser ses troupes. Macron n’a quasiment rien à faire, son seul risque serait une abstention élevée, donc il voudra peut-être dramatiser un peu l’enjeu pour que les gens se déplacent. Le FN, lui, va se tourner vers les fillonistes qui ne veulent pas voter Macron, vers les électeurs de Dupont-aignan, pas forcément pour qu’ils votent pour elle, mais au moins pour qu’ils s’abstiennent. Ils vont jouer sur la défiance d’une partie des Français envers le système que représenterait Macron. L’enjeu est que Marine Le Pen ne perde pas la face, qu’elle fasse au moins 40% pour pouvoir dire qu’elle représente quatre Français sur dix. Je pense de toute façon que l’intérêt pour l’élection et la campagne va retomber, ça paraît tellement plié d’avance… Dès l’entre-deux-tours, tout le monde va se tourner vers les législatives. Le FN va essayer de renforcer sa présence là où il a fait des scores élevés. Des gens comme Wauquiez vont lancer des thèmes pour se démarquer des Républicains macronistes, qui eux vont essayer de se placer. Tout cela va déjà se jouer entre les deux tours.