Le porno en crochet.
Selon une légende urbaine populaire dans certains collèges au début des années 90, il était possible de déjouer le cryptage des films X du samedi soir sur Canal+ en positionnant une passoire devant l’écran de télévision, les stries de l’objet permettant ainsi à la rétine de réaliser le supposé miracle de la mise au point. L’artiste australienne Leah Emery a, pour sa part, opté pour la quête inverse: elle s’évertue à brouiller des scènes de films porno en les reproduisant sur de méticuleux tableaux en broderie. “Je travaillais dans une boîte de jeux vidéo lorsque j’ai reçu sur ma messagerie professionnelle des spams au contenu très explicite, se souvient-elle. Je me suis dit que la technique du crochet serait une bonne manière d’adoucir mais aussi d’explorer ces images que l’on m’imposait. Comme je ne connaissais rien au monde de la pornographie, j’ai dû littéralement me forger une éducation.” Si le résultat, parfois proche de l’abstraction, évoque l’esthétique low-tech des jeux Amstrad, c’est aussi à la gloire passée des cultes Ron Jeremy et Christy Canyon que renvoient ces accouplements pixélisés. “J’ai tendance à aller vers le porno vintage en raison d’une certaine candeur que l’on peut y trouver. J’aime l’authenticité des corps, les poils, les verrues, tout ça.” Un tableau équivaut à environ 200 heures de travail grappillées ici et là (“Je tricote dans le bus et aussi lors des fêtes”), et le choix des positions est le fruit d’une minutieuse recherche visant la composition picturale optimale. La suite pour Leah la pure? “Je travaille sur une nouvelle série basée sur le passage de la Bible où Adam et Eve tentent de couvrir leur nudité, et Dieu leur dit: ‘Mais qui vous a dit que vous étiez nus?’ Cette phrase m’a toujours semblé intrigante, alors je fais maintenant des collages en forme de pomme, comme une métaphore de la pornographie en tant que fruit interdit.” Mangez des pommes, disait l’autre.