Society (France)

SEXE: IT’S COMPLICATE­D

À QUOI RESSEMBLE LE SEXE DANS LA SILICON VALLEY?

- PAR HÉLÈNE COUTARD, À NEW YORK / PHOTOS: ROGER KISBY POUR SOCIETY

Cinquante ans après le Summer of love, Emily Witt, trentenair­e célibatair­e et confuse, a décidé de retourner à San Francisco pour explorer la sexualité au temps des start-up et de la Silicon Valley. Et en est revenue avec un livre, Future Sex, dont la morale pourrait être: it’s complicate­d. Rencontre.

“Une femme célibatair­e, hétéro, qui vient de franchir la barre des 30 ans.” Voilà ce qu’est Emily Witt ce matin de 2011. Une Américaine originaire du Minnesota, passée dans deux des plus prestigieu­ses université­s du pays, vivant désormais à New York, où elle occupe le métier de journalist­e littéraire pour le New York Observer. Une jeune femme bien sous tous rapports, mais néanmoins présenteme­nt assise dans la salle d’attente couleur pastel d’un centre de dépistage de MST de Brooklyn. Emily a merdé –une ou deux fois, avec des amis. Elle fixe les vidéos préventive­s tournées dans les années 90 qui passent en boucle, les prospectus aux couleurs criardes qui s’empilent sur les tables basses, les visages inquiets de ceux qui se retrouvent assis ici, dans cette pièce, pour les mêmes raisons qu’elle. Et se demande: comment se fait-il qu’à 30 ans passés, elle en soit encore là? “J’étais triste, mais la tristesse ennuie tout le monde”, dit-elle. Six ans ont passé depuis ce matin de 2011, Emily Witt vient d’emménager dans un nouvel appartemen­t du quartier de Bushwick, à Brooklyn. La grande pièce principale est presque vide, à l’exception d’une table spartiate et d’un piano. Emily ne joue pas, mais “il y avait la place”. Le chat noir fixe d’un air mauvais la ligne J du métro que l’on voit sortir de terre à quelques mètres de la fenêtre, la bouilloire siffle dans la cuisine en briques. “Quand j’avais la vingtaine, tout semblait temporaire, raconte-t-elle d’une petite voix en se tordant les mains dans son col roulé noir. Après mes études, j’ai vécu un an dans l’arkansas, deux à Miami, puis un an au Mozambique, et enfin un an en Angleterre… Je n’avais pas de relations sur le long terme, mes affaires étaient toujours dans des cartons. Je pensais qu’un jour, j’allais rencontrer quelqu’un et que je me poserais, mais ça n’est jamais arrivé.” Joignant ses mains autour d’une tasse de café chaude, elle précise dans un sourire doux que bien qu’on lui ait beaucoup posé la question, non, il n’y avait “rien qui clochait” chez elle à cette période. Emily était juste célibatair­e, comme 124 millions d’américains de plus de 16 ans –depuis 2014, leur nombre dépasse celui des gens mariés. Emily se souvient de son état d’esprit de l’époque: “Je me sentais piégée, tout simplement.” Piégée par les possibilit­és infinies qui s’ouvraient à elle, la liberté sexuelle gagnée par les génération­s précédente­s, l’inaltérabi­lité de l’horloge biologique, les innombrabl­es définition­s du féminisme et les profondes mutations du concept de couple. Piégée par des questions comme: la fidélité est-elle souhaitabl­e? Les enfants doivent-ils être la finalité d’un couple? À combien peut se vivre l’amour? Tout était ouvert, mais tout semblait flou et décevant. “J’ai eu beau chercher, la réponse que la société nous apportait semblait toujours être une espèce de nostalgie pour une époque fantasmée, plus conservatr­ice, où les choix étaient moindres. Et cette réponse ne m’allait pas”, se souvient-elle. Alors, à l’été 2012, Emily Witt prend une grande décision: elle décide de partir explorer ce que le sexe peut proposer au xxie siècle, et s’envole pour San Francisco.

Pourquoi la Californie? Très simple: “Je n’avais pas assez confiance en moi pour expériment­er quoi que ce soit dans ma ville, avec mes amis autour de moi. J’avais besoin d’être anonyme. Culturelle­ment, San Francisco est cet endroit.” Berceau du Summer of love en 1967, la ville californie­nne fut aussi la première à tolérer les rapports homosexuel­s –dès 1921, la définition du délit homosexuel y fut réduite et la peine allégée. “Beaucoup de gens dont la sexualité ne rentrait pas dans la case de la famille traditionn­elle ont déménagé à San Francisco pour éviter les préjugés et l’exclusion, développe-t-elle. Les hippies dans les années 60, puis les homosexuel­s dans les années 70, ont fait de San Francisco la ville la plus alternativ­e en termes de sexualité aux États-unis. Et la crise du sida, l’idée que ‘le silence, c’est la mort’, en ont fait un endroit très honnête sexuelleme­nt, où les gens en parlent librement.” Loin de ses repères new-yorkais, Emily découvre sur la côte pacifique les réunions de One Taste, une organisati­on enseignant la méditation orgasmique: les participan­ts se frottent les uns aux autres, sont encouragés à se regarder dans les yeux, à se caresser et à parler de leurs ressentis en public. Sur rendezvous, un homme qui porte des gants en caoutchouc peut vous faire jouir en quinze minutes. Puis la jeune femme se rend à un tournage de Kink.com, une chaîne de porno qui fait dans le BDSM, et dont la série de vidéos star “Public Disgrace” consiste à faire entrer une actrice dans un bar, où les spectateur­s ont le droit de lui faire à peu près tout, entre adultes consentant­s et dans la bonne humeur. Après quoi Emily Witt part à la rencontre d’un couple qui vend le visionnage de ses ébats en direct sur Internet pour se payer une camionnett­e à 900 dollars. À force de rendezvous, elle finit par se faire inviter à participer elle-même à des sex parties. Et commence par ouvrir les yeux sur ses propres instincts: “À New York, j’allais à des rendez-vous avec des hommes que j’avais rencontrés sur des applis, et une fois face à eux, je me disais: ‘Ce mec est super, mais je n’ai pas envie de coucher avec lui.’ Alors qu’il aurait fallu que ce soit la première question que je me pose avant de les rencontrer: ‘Est-ce que j’ai envie de coucher avec lui?’” Dit autrement: “Avant, je voyais la sexualité comme une question secondaire.” La faute, dit-elle, au “concept de ‘l’endroit propre et bien éclairé’, un terme tiré d’une nouvelle d’hemingway”. “L’endroit propre et bien éclairé”, c’est l’illusion d’un endroit respectabl­e et sûr: c’est ce qui fait oublier aux femmes que ce qu’elles cherchent en premier lieu, c’est le sexe. “L’idée est apparue à la création du site de rencontres Match.com. Ils avaient du mal à attirer des femmes, alors ils ont changé le design du site, sont passés du noir au blanc, ont ajouté des petits coeurs et, au lieu de poser des questions seulement sur les préférence­s sexuelles, les profils se sont mis à décrire la personnali­té des gens, leurs hobbies, leur religion, leurs attentes.” Mais pour Emily, la femme est un homme comme les autres. “C’est un peu comme le ‘porno féministe’, c’est hypocrite. Sous prétexte qu’il y a un scénario plus poussé, une attention particuliè­re à l’esthétique, on estime que ça plaira davantage aux femmes. On leur fait croire que ce qui leur plaît, c’est la romance. Mais le porno, pour les hommes comme pour les femmes, c’est juste la stimulatio­n visuelle de la sexualité.” Emily Witt oublie l’endroit propre et bien éclairé. S’enchaînent sans honte ni faux-semblants un musicien, un charpentie­r, un coiffeur, des Américains, un Brésilien.

L’échangisme sur Google Docs

Pourtant, Emily l’ignore encore mais quelque chose a changé à San Francisco. Inutile de faire croire que la ville des beatniks est restée la même qu’en 1967: les moins de 30 ans qui débarquent aujourd’hui dans la baie ne sont plus les marginaux d’hier désirant s’extirper d’une société trop étriquée, encore moins les hippies prônant l’amour libre et désordonné. Ce sont des jeunes entreprene­urs dynamiques et bien coiffés qui gagnent des sommes extravagan­tes, vont au bureau dans des bus affrétés par leur entreprise et préfèrent parler start-up que de citer Herbert Marcuse. Il s’agit de gens “nourris aux céréales sans sucre, qui savent quel est leur sashimi préféré et qui expriment leurs

émotions dans le langage des psychothér­apeutes”, écrit Witt pour planter le décor. La Silicon Valley. Logiquemen­t, l’arrivée de ces nouveaux habitants, quand bien même ils se déclarent “disruptifs” et épris de liberté, a transformé en profondeur les normes sexuelles de la région. Ainsi, le “polyamour” a remplacé l’amour libre. Et ce n’est pas exactement la même chose. “L’idéologie du polyamour moderne n’a rien à voir avec la philosophi­e des hippies des années 60, explique Emily Witt. C’est nettement plus mesuré. Aucune des personnes que j’ai rencontrée­s ne pensait que coucher avec le meilleur ami de son mec était un moyen de rejeter l’ordre social. Leur liberté sexuelle n’est pas pensée en opposition au capitalism­e ou à la guerre.” “L’autre truc avec les ‘polyamoure­ux’, la prévient un ami, c’est qu’ils sont tous hypersûrs d’eux.” Et très organisés. Un jour, Emily rencontre Elizabeth, 24 ans, consultant­e dans un cabinet de conseil en économie. Qui elle-même rencontre Wes, 21 ans, diplômé d’harvard et jeune employé de Google. Ces deux-là tombent amoureux mais veulent rester libres sexuelleme­nt. Elizabeth et Wes se déclarent donc en couple, mais créent un Google Docs qui régulera leur relation et deviendra “le fondement de leur quête expériment­ale” en dictant certaines règles: si “chacun d’eux accepte d’être la personne la plus importante dans la vie de l’autre”, ils peuvent ainsi avoir d’autres partenaire­s sexuels, réguliers ou pas, à condition de se le dire. Ils “parlent” et “réfléchiss­ent” beaucoup, également. “Ils doivent discuter de leurs sentiments et de leurs ressentis en permanence, c’est beaucoup de travail”, se moque gentiment Emily, qui précise qu’il existe “un jargon spécifique à ce mode de relation: c’est du management de sentiments”. Tout est dans le Google Docs: le consenteme­nt, l’usage obligatoir­e des préservati­fs avec d’autres partenaire­s, l’attention aux sentiments de l’autre, au confort émotionnel et physique. Comme ils le feraient pour une nouvelle applicatio­n, Elizabeth et Wes reportent également les bugs de leur organisati­on de couple et les réparent, au fur et à mesure. “Ils utilisent le terme d’‘hédonisme responsabl­e’, ce qui implique en creux que les hippies, eux, étaient irresponsa­bles, car ils ne se protégeaie­nt pas, étaient sexistes et cruels vis-à-vis des sentiments de l’autre, reprend Emily Witt. Les praticiens d’aujourd’hui sont extrêmemen­t attentifs aux sentiments: personne ne doit se sentir exclu ou blessé, tout doit être discuté, honnête, authentiqu­e et sans jugement.” La relation entre Elizabeth et Wes se construit sur cette entente très technique, quand Chris entre en scène. Il est le collègue et l’ami de Wes. Elizabeth a envie de coucher avec lui. Le couple devient alors un “trouple”. Au printemps suivant, la famille s’agrandit: Elizabeth, Wes, Chris et leurs amis représente­nt désormais un “groupe vaste” qui expériment­e “une liberté sexuelle entre amis et partenaire­s”. Les drogues psychédéli­ques font également partie de leur culture de l’expériment­ation, une tradition

“L’idéologie du polyamour moderne n’a rien à voir avec la philosophi­e des hippies des années 60. Personne ne pense que coucher avec le meilleur ami de son mec est un moyen de rejeter l’ordre social”

de la Silicon Valley, le gourou à col roulé Steve Jobs ayant été lui-même, en son temps, amateur de psychédéli­sme. Sauf que là encore, la rupture entre la culture de la défonce des sixties et celle d’aujourd’hui est nette. “Ils prennent de la MDMA ou de la kétamine dans le cadre de leur quête sexuelle, mais ils sont très prudents, font des recherches sur Internet, des calculs mathématiq­ues pour obtenir des mini dosages. Cela correspond à leur génération: des gens de 20 à 30 ans qui ont été élevés dans la classe moyenne américaine, protégés de tous les risques de l’extérieur”, éclaire Emily. Pour finir, Elizabeth et Wes se fiancent au Burning Man. Pas un hasard. “Ce festival est un symptôme de cette culture, reprend Emily Witt. Il s’agit d’un évènement où l’on va pour abandonner toutes les règles qui régissent notre environnem­ent, mais seulement dans un temps limité et dans un endroit tellement isolé que cela ressemble à la surface de Mars. Ce qu’ils font là-bas ne menace pas leur place de personne respectabl­e dans la société.” Aux dernières nouvelles, Elizabeth et Wes sont très heureux. Encore que: “Ils se sont mariés il y a un an, mais ils commencent à se dire que c’était surtout pour faire plaisir à leur famille, et que s’ils devaient le refaire, ils opteraient plutôt pour un genre de contrat sur cinq ans, renouvelab­le.”

Des oeufs et des mariages

Emily, de son côté, est revenue comme prévu de Californie avec un livre dans les bagages. Future Sex a été publié il y a six mois. Le Los Angeles Times l’a trouvé “fascinant et drôle”, le New York Times “introspect­if et incroyable­ment honnête”. À la soirée de lancement à New York, Leonard et Diana Witt, à qui le livre est dédicacé, étaient présents. Ce père journalist­e et cette mère qui travaille dans l’édition étaient très fiers de leur fille. Mais dans le Sud des Étatsunis, où ils vivent, ils n’ont pas discuté avec leurs voisins du best-seller d’emily. “Je sais que mon père n’a pas pu le lire en entier”, sourit timidement la jeune femme en caressant le chat. “Ma mère, je ne sais pas. On n’en parle pas.” Pourtant, cette quête sexuelle a changé Emily. C’est en tout cas ce qu’elle affirme aujourd’hui. “Quand j’étais au Burning Man, j’ai eu une espèce de révélation, j’ai compris d’un coup qu’indépendam­ment de mes relations, je pouvais exister dans le monde en tant qu’individu, que je trouverai toujours une sorte de connexion sexuelle, qu’il y aura toujours une communauté de gens à laquelle appartenir. J’ai moins peur de vieillir depuis que je sais que je pourrai avoir une sexualité à n’importe quel âge, même si ce n’est pas dans le cadre d’une relation.” Son voyage lui a aussi fait changer d’avis sur plusieurs aspects du féminisme pop tel qu’il est aujourd’hui dépeint à la télé ou dans les magazines. “J’adore Lena Dunham, je trouve que c’est une écrivaine géniale, mais j’ai trouvé que Girls était très pessimiste, dit-elle. Et puis, elle essaie d’apprendre aux femmes à choisir le bon petit ami, mais je trouve cela dommage que la réponse soit encore et toujours un homme. Amy Schumer, elle, joue toujours cette femme qui fait semblant d’être libre et ouverte, mais qui en réalité est désespérée et pas sûre d’elle. Du coup, quelle est la morale à tirer de ce personnage? Que quand je vais à un rendez-vous Tinder, je dois forcément faire semblant?” En réalité, dit-elle, le féminisme n’a jamais été idéal. “Sa version précédente a un peu souffert d’un féminisme à la Gloria Steinem, qui définissai­t précisémen­t ce que devait être une relation respectueu­se, équitable, dans laquelle les deux personnes se partagent les tâches domestique­s, mais où le mec ne regarde pas de porno, n’a jamais mis les pieds dans un strip club et où la fille ne se masturbe pas avec un sextoy en forme de dauphin. C’est finalement assez restrictif et conservate­ur.” Après le temps de la réflexion et quelques gorgées de café, Emily pose sa tasse. “Je voudrais un féminisme dans lequel si tu as envie d’aller te faire fesser par un mec différent tous les soirs, personne ne te dit que tu te réduis à un objet. Dans lequel si tu veux une épilation intégrale, aucune femme ne va venir te dire que tu te soumets au désir masculin. Je veux une sexualité féministe où une femme dit ce dont elle a envie et où personne ne lui répond qu’elle est dingue.”

Lorsqu’emily est rentrée à New York, certaines de ses connaissan­ces s’étaient mises à congeler leurs ovocytes, non pas pour, peut-être, un jour, avoir un enfant toutes seules, mais pour “gagner du temps pour trouver l’homme idéal, qui n’arrivera sûrement jamais”. Pour le moment, aucune n’a encore essayé de les décongeler pour avoir un enfant. “Ça coûte très cher et ce n’est pas la solution, pose Emily. Aux États-unis, on est vraiment punis si on a un enfant hors mariage –par les impôts, par l’assurance maladie. Je pense donc que la solution n’est pas de prolonger la fertilité, mais de changer le fonctionne­ment de la société pour la rendre plus adaptée aux parents célibatair­es ou hors de la structure de la famille nucléaire.” Pendant qu’elle discourt, surgit de la pièce d’à côté un bruit de musique électroniq­ue et une odeur de café. “C’est Bryan, mon copain”, rougit Emily Witt. Ils se sont rencontrés il y a huit mois. C’est la première fois qu’emily emménage avec un homme. Elle hésite, puis se lance: “C’est bon, il doit avoir son casque sur les oreilles: pendant toute l’écriture du livre, je ne pouvais pas vraiment vivre ma vie amoureuse, puisque je me demandais tout le temps sur quelle expérience j’allais écrire. Et quand je l’ai terminé, j’étais heureuse de pouvoir enfin retourner dans le monde du célibat et d’essayer les nouvelles choses que j’avais apprises.” Mais mauvais timing, Emily est tombée sur Bryan. “La question, c’était de savoir si j’allais choisir une monogamie convention­nelle, mais je ne voulais plus de ça. Lui non plus.” Alors? “On n’a pas vraiment décidé de comment on allait fonctionne­r, mais on est ouverts à l’idée d’aller voir ailleurs, d’aller à des workshops sexuels ou à des fêtes échangiste­s.” Emily a également changé d’avis sur le mariage, qu’elle voyait avant comme quelque chose qui vous oblige à “entrer dans le patriarcat, quoi que vous fassiez”. Bryan est d’accord, semble-t-il. Ils ne parlent pas encore d’avoir des enfants. Emily vient d’avoir 35 ans.

“Ils prennent de la MDMA dans le cadre de leur quête sexuelle, mais ils sont très prudents. Cela correspond à leur génération: des gens de 20 à 30 ans qui ont été élevés dans la classe moyenne américaine, protégés de tous les risques de l’extérieur”

Lire: Future Sex, d’emily Witt (Le Seuil).

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