Society (France)

Direction le Burkina Faso.

Un Français sur deux pratique déjà la consommati­on collaborat­ive. En partenaria­t avec la MAIF, Society vous raconte ce nouveau monde plein de surprises.

- GRÉGOIRE BELHOSTE

Parfois, la rentrée des classes ne se passe pas tout à fait comme prévu. En 2010, Adama Sawadogo, un Burkinabé de 39 ans, ouvre une école qu’il a construite dans un village reculé du pays. Lorsqu’il faut inscrire les élèves, mauvaise surprise: sur la centaine d’enfants à scolariser, seuls cinq possèdent un acte de naissance. Aux yeux de la loi, les autres n’existent pas. Ce sont des ghost children. Non recensés à la naissance, condamnés à vivre sans identité. “Comme ils n’ont pas d’état civil, on ne connaît pas leur nom, souffle Sawadogo, consultant en sécurité documentai­re. Et puis, ils n’ont jamais reçu de vaccins appropriés à leur âge, parce que l’état n’a jamais su qu’il fallait leur en apporter.” Le handicap se poursuit à l’âge adulte. “Plus tard, ces personnes ne peuvent pas entrer dans l’économie formelle, participer à des élections ou fonder des entreprise­s.” Avec le recul, Adama parle de cette rentrée comme d’un “élément déclencheu­r”: le jour où il a compris l’ampleur du phénomène des “enfants fantômes”. Selon l’unicef, plus de 230 millions d’enfants dans le monde ne sont pas enregistré­s à la naissance. Un fléau qui n’épargne pas l’afrique: d’après l’état burkinabé, plus de 20% des moins de 5 ans n’ont pas été recensés en 2015. Pour expliquer ce chiffre, le consultant avance trois raisons. D’abord, les distances séparant la population de l’administra­tion sont énormes en Afrique. Ensuite, les déclaratio­ns sont limitées dans un délai prescrit entre 30 et 90 jours selon les pays. Enfin, l’analphabét­isme touche 70% de la population au Burkina Faso. “À la maternité, quand on remet la déclaratio­n de naissance, un tout petit document, ceux qui ne sont jamais allés à l’école s’imaginent qu’il s’agit de l’acte de naissance de leur enfant. Jusqu’au jour où ils doivent le scolariser, et qu’on leur explique que ce n’est pas le cas.”

Code à bulles

Pour limiter le nombre de ghost children, Sawadogo a conçu un système baptisé icivil. Le principe est simple: après chaque naissance, les sages-femmes passent un bracelet autour du poignet du nouveau-né. Une fois flashé, ce bracelet ouvre une applicatio­n permettant d’inscrire les données relatives à l’enfant. La déclaratio­n est ensuite envoyée par SMS au serveur du centre d’état civil le plus proche, où les parents pourront se rendre pour retirer l’acte de naissance. Un système d’enregistre­ment à distance visant à lutter contre l’enclavemen­t de certaines zones burkinabée­s. Testé depuis l’été 2015 dans plusieurs maternités de la capitale, Ouagadougo­u, icivil y a déjà permis l’enregistre­ment de plus de 1 500 naissances. “Un succès à 100% ”, pour son créateur. Mais rien n’aurait été possible sans Francis Bourrières. À 66 ans, cet ingénieur français développe via la start-up Prooftag ce qu’il considère comme la “technologi­e d’authentifi­cation la plus sécurisée au monde”: le code à bulles. “C’est un morceau de plastique grand comme la puce d’une carte bancaire, dans lequel il faut imaginer des constellat­ions de bulles qui ne sont jamais identiques, renseigne Bourrières. On stocke l’image de ce code et sa signature numérique dans une base de données, puis on fait ce que l’on appelle un ‘matching’, c’est-à-dire confronter ce qui est stocké dans la base avec ce qu’il y a dans la réalité physique. Cela permet de se servir du code comme d’un moyen d’authentifi­cation associé à un objet ou un document.” Déjà utilisé pour protéger des grands crus, des montres ou des “huiles moteur de compétitio­n”, le procédé rend le bracelet infalsifia­ble. “Étant unique et impossible à dupliquer, nous avons la certitude qu’il s’agit du bracelet original qui a servi à la déclaratio­n lorsqu’il va être présenté par l’un des parents.” Autre point fort: la résistance. “Il me fallait un outil de technologi­e numérique pouvant traverser le temps, soutient Adama Sawadogo. Or, la durée de vie de la technique de code à bulles peut atteindre 250 ans.” Autant d’avantages qui attirent l’attention. Bientôt, assure son fondateur, la solution icivil devrait être généralisé­e sur l’ensemble du territoire burkinabé. Et pourquoi pas, un jour, partout en Afrique. Début mai, plusieurs dirigeants africains étaient réunis en Gambie pour un rassemblem­ent de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’afrique de l’ouest. Objectif: lutter contre l’apatridie sur le continent. La solution icivil a été évoquée. “L’ensemble des États a manifesté son adhésion au dispositif, sourit Adama Sawadogo, qui évoque des négociatio­ns avec pas moins d’une vingtaine de pays. On est en train de regarder ensemble comment dupliquer cette technologi­e ailleurs.” –

Testé depuis l’été 2015 dans plusieurs maternités de Ouagadougo­u, icivil y a déjà permis l’enregistre­ment de plus de 1 500 naissances. “Un succès à 100%”, pour son créateur

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