Carmen Sammut dénonce les inégalités hommes-femmes dans l’église.
La religieuse maltaise Carmen Sammut n’a qu’une obsession: dénoncer les inégalités hommes-femmes au sein de l’église catholique. Pour quel résultat?
Vous êtes allée plaider la cause des religieuses devant le pape François au Vatican. Quelles sont vos revendications? Nous aimerions que le travail des femmes dans l’église soit enfin reconnu à sa juste valeur. Nous représentons 82% des effectifs de l’église, mais nous ne recevons pas les mêmes contreparties salariales que les hommes. Les religieuses sont très peu payées, voire pas du tout! Pourtant, elles font un travail immense: elles enseignent le catéchisme aux enfants, préparent les gens au baptême, visitent les malades, les détenus dans les prisons… Les prêtres font le même travail, mais ils reçoivent un salaire. Nous avons dit tout cela au pape François lors de cette audience. Il a répondu: ‘Vous comme moi sommes des serviteurs de l’église, pas des esclaves.’ Il a dit que la femme devait avoir sa place, sousentendant qu’aujourd’hui, elle n’a ni la place ni la dignité qu’elle mérite.
“Vous comme moi sommes des serviteurs de l’église, pas des esclaves” Le pape François
Une autre de vos revendications est le droit pour les femmes de devenir diacres, le grade juste avant celui de prêtre, ce qui leur permettrait notamment de célébrer des baptêmes et des mariages. Le pape nous a dit que ce serait une ‘bonne idée’. Il a immédiatement constitué une commission sur ce sujet, composée de six hommes et six femmes. Pour l’instant, la commission étudie surtout ce qui se faisait dans le passé, aux premiers temps de l’église, parce qu’il y a eu une époque où il y avait des femmes diaconesses. Mais au moins, le débat est ouvert.
Vous pensez qu’il y a des chances que cela aboutisse? Oui, car l’église ne peut pas être la dernière institution à reconnaître la place de la femme dans la société. Ce sont les femmes qui animent l’église en l’ouvrant au monde réel, à travers l’éducation, l’accompagnement des pauvres et des malades, l’évangélisation: ce sont des tâches immenses, dont on parle peu. Il faudrait que les femmes puissent prêcher pendant les célébrations, que l’église s’ouvre à notre intelligence. Il faudrait aussi que les femmes puissent donner l’onction aux malades: dans les prisons et les hôpitaux, ce sont elles qui les accompagnent, parfois pendant des années, mais quand on a besoin de donner un sacrement, il faut aller chercher un homme. Quelque chose cloche…
L’église est-elle misogyne? Bien sûr, toutes les soeurs le vivent, comme toutes les femmes dans le monde. Mais au Vatican, il y a des choses vraiment dysfonctionnelles. Prenez la Congrégation pour les instituts de vie consacrée. C’est une institution officielle qui s’occupe du quotidien des religieux, des soeurs et des moines. Régulièrement, cette congrégation organise des grandes sessions de consultation sur certains sujets. Mais elle ne consulte que des hommes.
L’église s’est toujours appuyée sur la Bible, le rôle de Jésus et de ses apôtres masculins pour justifier le fait que seuls les hommes ont le droit d’exercer des fonctions officielles… Oui, mais c’est lire la Bible de façon partielle! Dans l’ancien Testament, déjà, il y a des figures féminines très fortes, extraordinaires, comme Esther ou Judith. On a aussi tendance à oublier que la première ‘apôtre’ envoyée sur la tombe de Jésus après sa résurrection, c’est Marie-madeleine.