Society (France)

Et ce n’est pas tout. Avec “Open Homes”, Airbnb veut aussi organiser l’hébergemen­t gratuit de réfugiés. Et ça, ça marche?

Le futur d’airbnb ne se limite pas aux Expérience­s. Autre nouveau projet: Open Homes, consacré à l’hébergemen­t gratuit de réfugiés. Explicatio­ns par Joe Gebbia, 35 ans, Californie­n bon teint en jogging-baskets et cofondateu­r du géant du logement.

- PAR GRÉGOIRE BELHOSTE ET ANTHONY MANSUY / PHOTOS: PAUL ARNAUD POUR SOCIETY

En quoi consiste précisémen­t votre projet Open Homes? L’idée est venue en 2012 lorsque l’ouragan Sandy a frappé New York. Du jour au lendemain, des milliers de personnes se sont retrouvées à la rue. On a reçu un mail de l’un de nos utilisateu­rs qui demandait à pouvoir mettre gratuiteme­nt son appartemen­t à la dispositio­n des personnes dans le besoin. Comme on a trouvé l’idée excellente, on a décidé de la généralise­r. En 24 heures, on avait complèteme­nt reconfigur­é le site. Le lendemain, on offrait plusieurs milliers de logements aux personnes déplacées. Depuis, dès qu’il y a une catastroph­e naturelle ou un attentat, on déploie cette fonctionna­lité. On l’a fait 65 fois au cours des cinq dernières années. On s’est posé la question suivante: et si, au lieu de ‘réagir’, on décidait d’anticiper ce genre d’événements? L’un de nos ingénieurs a proposé que l’on utilise notre technologi­e dans le cadre de la crise migratoire. C’est comme ça que l’on en est arrivés au projet Open Homes. On propose aux propriétai­res de notre communauté de mettre leur maison à la dispositio­n des personnes dans le besoin selon les causes qu’ils souhaitent défendre. Pour les cinq prochaines années, on s’est fixé un objectif ambitieux: procurer des abris à plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées. Se fixer un tel objectif alors que Donald Trump est à la Maison-blanche et qu’il fait passer des décrets anti-immigratio­n, estce une façon de politiser votre action? On travaillai­t sur Open Homes avant que Donald Trump n’accède à la présidence des États-unis. Si un démocrate avait été élu, on aurait fait la même chose. On pense que les humains, quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau, leur âge, peuvent partager un repas et un toit. Je ne crois pas que ce soit vraiment politique, c’est juste la vie.

Pensez-vous que c’est le rôle du secteur privé de se substituer à l’état pour l’accueil des réfugiés, par exemple? Je ne crois pas que l’on doive endosser le

rôle de l’état, je vois davantage cela comme un partenaria­t: l’état doit agir et nous aussi. L’action humanitair­e d’une entreprise du xxie siècle ne peut plus simplement consister à signer des chèques à des associatio­ns. Il y a aujourd’hui 65 millions de personnes déplacées dans le monde, autant d’habitants qu’au Royaume-uni. Au regard des profits que l’on fait, c’est de notre responsabi­lité de les aider.

Qu’est-ce qui a fait le succès d’airbnb, selon vous? En vérité, avec Airbnb, on n’a rien inventé. Tout ce que l’on a fait, c’est adapter le concept d’hospitalit­é au xxie siècle, avec un design sympa. Si on avait créé Airbnb dix ans plus tôt, en 1997, ça n’aurait jamais fonctionné parce que les gens se méfiaient trop d’internet. En 1999, presque personne n’aurait dégainé sa carte bancaire sur le web. En 2002, y poster des photos de soi était vraiment impensable. On est arrivés après Flickr et Facebook, donc le public était préparé. Si les internaute­s étaient prêts à partager autant de choses en ligne, ils devaient aussi l’être à accueillir des étrangers à qui ils n’avaient parlé que via Internet.

Vous la voyez comment l’aventure Airbnb dans dix ans? On reçoit énormément de messages du type: ‘Hey Airbnb, je suis sur place et je recherche un quartier cool pour boire un verre, pouvez-vous m’aider à le trouver?’ On voudrait développer la communauté de façon à ce que les utilisateu­rs puissent donner leur avis, partager leurs passions et leurs bons plans. L’un d’eux, Ludovic, s’est fait 3 000 euros en louant son appartemen­t pendant six mois. Mais au cours de ces six mois, il s’est aussi fait 15 000 euros en servant de guide touristiqu­e à ses invités! Ces derniers laissaient d’excellente­s notes sur Airbnb, ils étaient très heureux et disaient qu’ils avaient pu découvrir la ville comme de véritables Parisiens. Nous, ce que l’on essaie de faire pour l’avenir du site, c’est simplement donner une structure à ces comporteme­nts.

Il y a quand même une contradict­ion chez Airbnb: votre communicat­ion s’axe sur le partage, mais en même temps, en 2015, Airbnb n’a payé que 69000 euros d’impôts en France alors que la société aurait enregistré 69 millions de bénéfices –le reste part en Irlande. Ce n’est pas très ‘partage’ ça, comme philosophi­e. Pour nous, ce qui compte, c’est que nos propriétai­res français soient les principaux bénéficiai­res de notre activité. L’argent que l’on produit en France leur revient en grande partie. Grâce à nous, des millions d’euros sont allés directemen­t dans la poche de la classe moyenne française. Le fait que notre siège soit en Irlande, c’est finalement quelque chose de très banal. La plupart des entreprise­s qui font des affaires en Europe s’installent à Dublin. Tout notre service client s’y trouve car l’irlande a un réel savoir-faire en la matière.

Bien sûr. Cela n’a rien à voir avec la politique fiscale très flexible de l’irlande? Pas que. Vous savez, en Irlande, ils parlent l’anglais, et c’est vraiment important, cela permet d’établir un fort lien de confiance avec les équipes qui sont éloignées géographiq­uement du siège américain.

“Il y a aujourd’hui 65 millions de personnes déplacées dans le monde. Au regard des profits que l’on fait, c’est notre responsabi­lité de les aider”

 ??  ?? Joe et son bouc. On a parfois de mauvaises surprises déco en arrivant dans un Airbnb.
Joe et son bouc. On a parfois de mauvaises surprises déco en arrivant dans un Airbnb.
 ??  ?? Ne jamais s’assoir sur la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Ne jamais s’assoir sur la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

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