Et ce n’est pas tout. Avec “Open Homes”, Airbnb veut aussi organiser l’hébergement gratuit de réfugiés. Et ça, ça marche?
Le futur d’airbnb ne se limite pas aux Expériences. Autre nouveau projet: Open Homes, consacré à l’hébergement gratuit de réfugiés. Explications par Joe Gebbia, 35 ans, Californien bon teint en jogging-baskets et cofondateur du géant du logement.
En quoi consiste précisément votre projet Open Homes? L’idée est venue en 2012 lorsque l’ouragan Sandy a frappé New York. Du jour au lendemain, des milliers de personnes se sont retrouvées à la rue. On a reçu un mail de l’un de nos utilisateurs qui demandait à pouvoir mettre gratuitement son appartement à la disposition des personnes dans le besoin. Comme on a trouvé l’idée excellente, on a décidé de la généraliser. En 24 heures, on avait complètement reconfiguré le site. Le lendemain, on offrait plusieurs milliers de logements aux personnes déplacées. Depuis, dès qu’il y a une catastrophe naturelle ou un attentat, on déploie cette fonctionnalité. On l’a fait 65 fois au cours des cinq dernières années. On s’est posé la question suivante: et si, au lieu de ‘réagir’, on décidait d’anticiper ce genre d’événements? L’un de nos ingénieurs a proposé que l’on utilise notre technologie dans le cadre de la crise migratoire. C’est comme ça que l’on en est arrivés au projet Open Homes. On propose aux propriétaires de notre communauté de mettre leur maison à la disposition des personnes dans le besoin selon les causes qu’ils souhaitent défendre. Pour les cinq prochaines années, on s’est fixé un objectif ambitieux: procurer des abris à plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées. Se fixer un tel objectif alors que Donald Trump est à la Maison-blanche et qu’il fait passer des décrets anti-immigration, estce une façon de politiser votre action? On travaillait sur Open Homes avant que Donald Trump n’accède à la présidence des États-unis. Si un démocrate avait été élu, on aurait fait la même chose. On pense que les humains, quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau, leur âge, peuvent partager un repas et un toit. Je ne crois pas que ce soit vraiment politique, c’est juste la vie.
Pensez-vous que c’est le rôle du secteur privé de se substituer à l’état pour l’accueil des réfugiés, par exemple? Je ne crois pas que l’on doive endosser le
rôle de l’état, je vois davantage cela comme un partenariat: l’état doit agir et nous aussi. L’action humanitaire d’une entreprise du xxie siècle ne peut plus simplement consister à signer des chèques à des associations. Il y a aujourd’hui 65 millions de personnes déplacées dans le monde, autant d’habitants qu’au Royaume-uni. Au regard des profits que l’on fait, c’est de notre responsabilité de les aider.
Qu’est-ce qui a fait le succès d’airbnb, selon vous? En vérité, avec Airbnb, on n’a rien inventé. Tout ce que l’on a fait, c’est adapter le concept d’hospitalité au xxie siècle, avec un design sympa. Si on avait créé Airbnb dix ans plus tôt, en 1997, ça n’aurait jamais fonctionné parce que les gens se méfiaient trop d’internet. En 1999, presque personne n’aurait dégainé sa carte bancaire sur le web. En 2002, y poster des photos de soi était vraiment impensable. On est arrivés après Flickr et Facebook, donc le public était préparé. Si les internautes étaient prêts à partager autant de choses en ligne, ils devaient aussi l’être à accueillir des étrangers à qui ils n’avaient parlé que via Internet.
Vous la voyez comment l’aventure Airbnb dans dix ans? On reçoit énormément de messages du type: ‘Hey Airbnb, je suis sur place et je recherche un quartier cool pour boire un verre, pouvez-vous m’aider à le trouver?’ On voudrait développer la communauté de façon à ce que les utilisateurs puissent donner leur avis, partager leurs passions et leurs bons plans. L’un d’eux, Ludovic, s’est fait 3 000 euros en louant son appartement pendant six mois. Mais au cours de ces six mois, il s’est aussi fait 15 000 euros en servant de guide touristique à ses invités! Ces derniers laissaient d’excellentes notes sur Airbnb, ils étaient très heureux et disaient qu’ils avaient pu découvrir la ville comme de véritables Parisiens. Nous, ce que l’on essaie de faire pour l’avenir du site, c’est simplement donner une structure à ces comportements.
Il y a quand même une contradiction chez Airbnb: votre communication s’axe sur le partage, mais en même temps, en 2015, Airbnb n’a payé que 69000 euros d’impôts en France alors que la société aurait enregistré 69 millions de bénéfices –le reste part en Irlande. Ce n’est pas très ‘partage’ ça, comme philosophie. Pour nous, ce qui compte, c’est que nos propriétaires français soient les principaux bénéficiaires de notre activité. L’argent que l’on produit en France leur revient en grande partie. Grâce à nous, des millions d’euros sont allés directement dans la poche de la classe moyenne française. Le fait que notre siège soit en Irlande, c’est finalement quelque chose de très banal. La plupart des entreprises qui font des affaires en Europe s’installent à Dublin. Tout notre service client s’y trouve car l’irlande a un réel savoir-faire en la matière.
Bien sûr. Cela n’a rien à voir avec la politique fiscale très flexible de l’irlande? Pas que. Vous savez, en Irlande, ils parlent l’anglais, et c’est vraiment important, cela permet d’établir un fort lien de confiance avec les équipes qui sont éloignées géographiquement du siège américain.
“Il y a aujourd’hui 65 millions de personnes déplacées dans le monde. Au regard des profits que l’on fait, c’est notre responsabilité de les aider”