BABY BLUES
Si la quête du bizarre avait déjà mené la photographe Polly Borland sur bien des sentiers glissants, de la collaboration de plusieurs années avec Nick Cave (devenu sous l’objectif de l’australienne une chose grimée et informe, club kid évanescent échappé du placard de Mike Kelley) au portrait officiel glitter de la reine d’angleterre, sa nouvelle exposition enfonce encore un peu plus loin le clou dans le… berceau. “Quand je vivais en Angleterre au début des années 90, une copine m’avait parlé de l’existence de clubs secrets où des hommes d’un certain âge passaient des weekends entiers habillés et vivant comme des bébés, explique l’artiste. Je n’y croyais pas, jusqu’à ce que je tombe sur une annonce pour le Hush-abye Baby Club dans une revue fétichiste.” Borland gagne alors la confiance des hommes-bébés et les photographiera sans relâche pendant cinq ans, découvrant au passage la globalisation du phénomène, avec notamment des clubs en France et en Australie. Au programme de ces weekends métaphysiques: balades en poussette, changements des couches et immersion générale dans le planning d’un nourrisson (“Certains membres font parfois des pauses pour boire une bière ou passer un coup de fil”), le tout sous la supervision d’une “nounou” résidente, également chargée de la confection des tenues. Les clichés dévoilent une sous-culture majoritairement composée d’hommes vivant seuls, “qui ont un travail la journée mais rentrent le soir à leurs biberons et layette”, et dont l’inquiétante étrangeté comportementale serait inhérente à la condition masculine, selon la photographe: “Je pense réellement que c’est parce qu’au fond, tous les hommes ont le désir d’être cajolés et de ne jamais grandir.”