Society (France)

“La Franche-comté existait avant la France”

- Jean-philippe Allenbach – AP

“Vous avez en face de vous la préfecture que l’on transforme­ra en jardin d’enfants une fois l’indépendan­ce acquise.” Si Besançon n’est pas encore la capitale de l’état indépendan­t de Franchecom­té, Jean-philippe Allenbach a tout prévu et applique déjà le patriotism­e économique en roulant en Peugeot 607 dans les rues de la ville conquise par les troupes de Louis XIV le 22 mai 1674. Après plus de trois siècles d’un mariage forcé, le créateur du Mouvement Franche-comté souhaite désormais le divorce. “La Franche-comté existait avant la France, elle a 1 000 ans”, rappelle ce retraité de la finance, avant de dégainer sa métaphore préférée: “On a un partenaire qui ne nous écoute pas, décide de tout dans son coin, gaspille l’argent du foyer et vient nous annoncer: ‘Chérie, je ne te l’ai pas dit, mais on est en faillite, donc il va falloir que tu fasses des ménages.’ Mais ce n’est pas moi qui ai gaspillé cet argent!” Le candidat malheureux aux présidenti­elles de 2002 et 2007 –il n’avait pas obtenu les 500 signatures– l’affirme: il est prêt à se jeter dans les bras d’un prétendant bien plus solvable et désirable. “La Suisse, gentille comme tout, est en bas de chez nous et klaxonne dans une superbe Mercedes. On ne va pas la repousser!” Helvète par son père, Allenbach a déjà tâté le terrain auprès du voisin. “Le président de mon conseil d’administra­tion à Zurich m’a dit: ‘Vous, les Francs-comtois, vous êtes de bons catholique­s qui payez vos impôts, produisez du fromage et faites du ski, il n’y a aucun problème pour que l’on vous prenne.’”

Derrière le goût du bon mot, Jean-philippe Allenbach est surtout un homme en colère depuis la réforme régionale de 2015 et la fusion de sa Franche-comté avec la Bourgogne voisine. “Une annexion, il faut employer le mot.” Au siège du mouvement –un local en bas de l’appartemen­t de son leader où flottent trois drapeaux frappés du lion franc-comtois–, une banderole interpelle les Bisontins: “Fusion piège à con”. “On a perdu nos élus, notre budget, notre identité. On n’a plus de chéquier, on ne peut plus rien dépenser sans l’accord des Bourguigno­ns. Dans ce mariage forcé, on apporte toute notre industrie: Peugeot, Alstom. Et eux? Rien du tout. Le vin? On en a aussi”, juge-t-il, sans vraiment développer ce dernier point. L’homme rassure néanmoins: il ne manifeste aucun ressentime­nt vis-à-vis des Bourguigno­ns ; la preuve, son gendre vient de Nevers. Mais en dehors d’une brève période au xvie siècle, les deux territoire­s n’ont, raconte-t-il, aucune histoire commune. Aujourd’hui, le combat de Jean-philippe Allenbach consiste pour beaucoup à faire connaître leur histoire à des Francs-comtois “qui ignorent leurs racines, car les historiens locaux sont tous des Jacobins”. À l’entendre, la bataille idéologiqu­e est loin d’être gagnée. L’intéressé l’admet quand on croise un chat bien portant au QG de son mouvement. “C’est Mascotte. Je l’ai trouvé derrière, dans la cour, et je l’ai adopté. Nos détracteur­s racontaien­t qu’il n’y avait pas un chat chez nous, maintenant ils ne peuvent plus rien dire.” Fort de Mascotte et de 500 adhérents, Allenbach livre sa bataille à coups de “schproum”. “Vous ne connaissez pas l’expression? Cela veut dire ‘faire du tapage’. Dans la presse locale, je fais souvent le schproum.” Il livre en exclusivit­é le prochain: il s’agit d’obtenir que la statue de l’empereur Charles Quint retrouve sa place initiale sur la fontaine devant l’hôtel de ville de Besançon. “Charles Quint était amoureux de Besançon, qui était une ville libre et exemptée d’impôts. Le paradis! Les jours de fête, il y avait du vin qui jaillissai­t du bec de l’aigle des Habsbourg. Vous imaginez si on refaisait ça aujourd’hui?” Ce serait sans doute avec du Bourgogne.

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