“Je n’ai pas envie d’être transparent parce que je suis limousin”
La Communauté révolutionnaire indépendantiste limousine a pignon sur rue. Un QG de 200 mètres carrés mais aussi un café, où l’on sirote des bières locales pour faire descendre les tranches de jambon de porc cul noir. Le tout en plein coeur historique de Limoges. Créée en 2009, la CRIL aurait-elle profité de la fusion des RG avec la DST survenue un an plus tôt pour voir le jour? En réalité, pas vraiment: “Au début, j’ai eu les RG au cul”, se marre Laurent Mandon, son fondateur. Le président de la chambre de commerce du coin lui a d’ailleurs confirmé, bien plus tard, que des officiers du renseignement étaient venus l’interroger, plutôt furax: “C’est quoi ce mouvement indépendantiste?” C’est que, si la CRIL fait désormais dans l’humour et la dentelle, les premiers stickers ou t-shirts véhiculaient, à l’origine, des slogans et une iconographie caractéristiques d’une organisation paramilitaire hard-core qui avance visage masqué. “La petite mamie avait tendance à prendre le fusil mitrailleur au premier degré, mais tant mieux si personne ne sait si c’est du lard ou du cochon, dit-il. Plus ça provoque, plus ça marche.” Lui, dont l’arbre généalogique fait remonter les origines limousines de sa famille côté maternel à 1781, a toujours brandi cette identité en étendard quand il voyage. “Quand tu vas à une fête, tu viens avec un truc de chez toi, que tu sois d’origine basque ou congolaise. Moi, je préfère être de quelque part et venir avec une spécialité qu’être le mec orphelin qui arrive les mains vides. Je n’ai pas envie d’être transparent au fond de la classe parce que je suis limousin. Je veux être devant, avec les Alsaciens ou les Bretons.”
En créant la CRIL, Laurent affirme avoir redonné de la fierté à des Limousins qui se laissaient volontiers résumer à la viande, le basket et la porcelaine. “Ils acquiesçaient et baissaient la tête quand on leur disait qu’ils venaient du trou du cul du monde. Ils étaient complexés, jusqu’à mettre un sticker ‘64’ sur leur bagnole alors qu’ils ne sont même pas basques. Pourquoi? Parce qu’on ne leur donnait pas les outils.” Laurent, lui, le fait. Il leur vend des drapeaux limousins qu’ils n’ont plus qu’à coller sur leur plaque d’immatriculation. “Si vous pensez Corse ou Bretagne, vous voyez immédiatement à quoi ressemble le drapeau. Le Limousin, c’était la seule région où la population connaissait mieux le sigle du conseil régional que son drapeau historique”, affirme-t-il, avant de déplorer que sa région ait été absorbée dans la Nouvelle-aquitaine. Laurent se souvient aussi de la déception du représentant local du FN, qui pensait avoir trouvé un banc de poissons pour poser ses filets quand il lui a dit “ce n’est qu’une marque”. “Je suis bien content d’avoir pensé à mettre ‘révolutionnaire’ dans le nom, ça fait bien gauchiste, parce que ‘indépendantiste’, c’est quand même souvent à droite”, avance-t-il. Et que l’on ne vienne surtout pas le traiter d’opportuniste qui fait son beurre sur l’identité limousine: “Aujourd’hui, je fais tout seul le boulot que faisait le conseil régional du Limousin.” C’est un peu triste, peut-être, mais c’est la folie Bienvenue chez les Ch’tis qui a donné à Laurent, en 2009, l’idée de fonder la CRIL, “pour déconner”. “En voyant le succès du film, je me suis dit: ‘Je vais commencer par les produits dérivés, et ensuite je ferai ma fiction.’” Aujourd’hui, la CRIL, c’est donc du cola, du tonic, de la bière et d’autres boissons de la marque Limouzi, mais aussi une collection spéciale de Seat Ibiza, un événement estival sur les bords de Vienne et une ligne de vêtements qui comprend, notamment, toute la panoplie nécessaire à une administration: de l’uniforme de policier à ceux de garde-frontière et de sauveteur. “Car on n’a pas la mer, mais on a plein de lacs”, fait remarquer Laurent Mandon. Visiblement tout à fait prêt à se mouiller.