“J’envoie des autocollants ‘Bourgogne Libre’”
Germain Arfeux, dont les racines bourguignonnes remontent jusqu’au xvie siècle, “du côté canton de Corbigny”, le reconnaît lui-même: un Bourgognexit n’est pas à l’ordre du jour. “Je suis assez réaliste pour savoir que la Bourgogne ne sera pas indépendante, c’est davantage un idéal”, évacue d’entrée le jeune homme de 33 ans, fondateur du Mouvement de libération de la Bourgogne (MLB). Alors? Comme la vie est d’abord une histoire de rencontres, la sienne doit beaucoup à celle de Charles le Téméraire, quatrième et dernier duc de Bourgogne, mort sur les champs de bataille en 1477. “Après m’être rendu sur sa tombe en 2007 à Bruges, j’ai décidé de reprendre son flambeau, avance son lointain héritier spirituel, qui a capté son identité pour animer un blog où se concentre l’essentiel de l’activité du MLB. C’est un personnage shakespearien. Il était l’homme le plus puissant d’europe, mais plutôt que profiter de sa situation, il a tout risqué en faisant la guerre. Et mieux vaut être un loser magnifique qu’un bourgeois mesquin.” Surprise! l’héritier donne rendez-vous à Paris, du côté de Châtelet. Après une enfance passée à Semur-en-auxois –“le seul coin de la région où il n’y a pas de vin”–, des études à Dijon, un passage par Sciences Po Lyon et une année d’erasmus à Alicante, Germain vit depuis trois ans dans la capitale de ces Capétiens honnis. La faute à son travail de bibliothécaire à Paris XIII: “J’ai demandé mon affectation à Dijon, mais je crois que je suis un peu tricard à cause de mes activités politiques”, dit-il devant un kir servi aligoté avec sa crème de cassis. “À Paris, ils mettent du sirop, les hérétiques!” S’il ose la comparaison avec Ho Chi Minh, père de l’indépendance vietnamienne “qui a étudié à Paris”, Germain, adepte du velours côtelé même en été, entend surtout mener la lutte sur le champ culturel pour revendiquer l’identité bourguignonne. “Les Français sont apolliniens, les Bourguignons plus dionysiaques, annonce-t-il ainsi. Déjà à l’époque des grands ducs, les moeurs étaient plus libres. Il existait même le titre de ‘grand bâtard de Bourgogne’. ” L’exemple le plus frappant de cette différence est selon lui La Princesse de Clèves et son adaptation récente par Christophe Honoré (La Belle personne). “La dernière scène est la plus française du cinéma, attaque le Bourguignon. La fille est amoureuse du prof, le prof est amoureux d’elle, l’obstacle est le petit copain et il meurt. On pense qu’ils vont enfin coucher ensemble, ils sont l’un contre l’autre sur le canapé, mais la fille trouve tout un tas de raisons et déballe un sentimentalisme insupportable et rien ne se passe. Alors que ça pourrait être beaucoup plus simple.” Pour l’instant, ses diatribes contre le cinéma d’auteur français ou cette maudite loi Évin qui proscrit la consommation de vin chez les mineurs rencontrent surtout un succès d’estime auprès de ses proches. “J’ai une dizaine de militants autour de moi, surtout des amis, et une centaine de sympathisants à qui j’envoie des autocollants ‘Bourgogne libre’.” Germain Arfeux mène aussi un combat épistolaire. “J’ai écrit à Ban Ki-moon et Nicolas Sarkozy. Je n’ai pas eu de réponse. J’ai aussi harcelé Antoine Griezmann, qui est de Mâcon, sur sa page Facebook. Je lui proposais d’effectuer le ban bourguignon (le salut traditionnel en agitant les deux mains, ndlr) pour célébrer ses buts à l’euro. Bon, il a préféré faire son truc de rap.” Quant à se lancer en politique, “si c’est pour faire 0,5%…” D’autant que la parité n’est pas la tasse de thé du MLB. “On est un mouvement très masculin pour l’instant. J’ai proposé à ma mère, mais elle ne voit pas trop l’intérêt. Elle n’est pas trop convaincue par l’intérêt de l’indépendance de la Bourgogne.”