Society (France)

Steppe by steppe

Dans le genre défi à la con, difficile de faire mieux. Un Nord-irlandais et un Sud-africain ont traversé la Mongolie en jouant au golf: ils ont tapé 20 093 fois dans leur petite balle blanche pour parcourir 2 011 kilomètres. Et pourquoi donc? Ils s’expliq

- – PIERRE-PHILIPPE BERSON

Oubliez la traversée de l’atlantique à la rame ou celle du Pacifique sur une planche à voile. Adam Rolston, rugbyman nord-irlandais en fin de carrière, cherchait un exploit ayant un peu plus de panache que ces défis de petit joueur. “Je voulais un truc qui claque, un truc qui change ma vie, quelque chose de fou qui me fasse vivre une expérience unique.” Déjouant les pronostics, il opte pour le golf, sa seconde passion. Ramasser du frisson dans un sport pratiqué en voiturette­s électrique­s s’annonce compliqué, mais l’aventurier des greens ne manque pas d’idées. Il pense à jouer sur tous les parcours d’amérique ou d’asie. Des projets finalement écartés, car trop coûteux. Le déclic viendra de son ancien partenaire d’entraîneme­nt, Ron Rutland. Ancien rugbyman et ex-trader à Hong-kong, ce solide Sud-africain de 43 ans s’y connaît en matière de dépassemen­t de soi. Il a traversé l’afrique et l’europe à vélo en 2015, un voyage de 42 000 kilomètres entre Le Cap, en Afrique du Sud, et Brighton, en Angleterre. Autour d’un café, alors qu’adam lui fait part de ses envies d’épopée golfique, Ron lui suggère de jouer, tout simplement, sur le plus long parcours du monde. “Allons en Mongolie! Le pays est recouvert d’herbe, il n’y a pas de ville et pas de barrières. C’est tout simplement le plus long fairway du monde. Parfait!”

Vodka, frigos et bivouac

Les deux tiennent leur challenge. En quelques semaines, ils persuadent des sponsors, bouclent leur budget et se retrouvent le 28 juin dernier sur le mont Khuiten, à l’extrême ouest de la Mongolie, pour commencer leur aventure. Adam plante son tee et balance son premier drive au milieu d’un décor minéral et dépeuplé. La scène se reproduira 20 092 fois en trois mois. À raison de 250 coups par jour, Adam propulse la balle toujours dans la même direction: cap à l’est, vers Oulan-bator, la capitale, qu’ils finiront par atteindre le 17 septembre, après un ultime putt sur le 18e trou du Bogt Golf Club, le seul parcours de Mongolie. Adam shoote et Ron, lui, joue le rôle de caddie. Il porte un chariot d’une centaine de kilos d’eau, de nourriture et de balles de golf –500 au total. Car leur parcours au milieu des steppes se fait sans assistance. Pas de voiturette, et encore moins de 4x4: les deux hommes se déplacent à pied et bivouaquen­t en pleine nature. De quoi récolter quelques moments de frousse? Pas tant que ça. “Notre plus grande frayeur, c’est quand des Mongols bourrés à la vodka ont failli rouler sur notre tente avec leur 4x4 en pleine nuit, s’émeut Adam. Mais globalemen­t, les gens ont été adorables avec nous.” De son côté, Ron retient le potentiel golfique insoupçonn­é de la population mongole: “Plusieurs gars sont venus taper la balle avec nous. Ils n’ont pas une super technique, mais comme ils sont forts en équitation et au tir à l’arc, ils ont un bon sens de l’équilibre. Les Mongols feraient d’excellents golfeurs.” Prendre en main un fer 8 et s’essayer au swing était, pour la population locale, le seul bénéfice à tirer du périple des deux étrangers en goguette. Pas un centime n’a été reversé sur place. La Mongolie, placée 143e au classement de la Banque mondiale des pays selon leur PIB par habitant, ne servait que de décor aux deux aventurier­s. Adam et Ron, qui ont levé 20 000 dollars grâce à leur action, se défendent néanmoins et rassurent sur leur humanisme: l’argent ira en Afrique du Sud, reversé à la fondation Laureus, qui favorise le sport dans les quartiers défavorisé­s. En attendant, ils pensent déjà à la suite. Quelle idée plus originale que du golf en Mongolie? Adam l’avoue, la compétitio­n est féroce: “Je connais un gars qui a traversé l’irlande à vélo avec un frigo sur le porte-bagages.”

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