Society (France)

Mark Zuckerberg

Il clamait vouloir “rendre le monde plus ouvert”. Aujourd’hui, Facebook, la créature de Mark Zuckerberg, peut surtout se targuer d’être devenu une immense machine politique aux ordres du mal, capable de faire élire Trump et triompher le Brexit. Comment en

- PAR ANTHONY MANSUY

Maître du monde libre, heureux et connecté, ou docteur Frankenste­in des temps modernes? Alors que Facebook est accusé d’être devenu une usine à fake news et à ingérences fachos, son créateur semble à la croisée des chemins. Pour ne pas dire en pleine crise d’identité.

Mark Zuckerberg est un homme de défis. Chaque année, “pour s’enrichir humainemen­t”, il se fixe donc un objectif personnel à atteindre. En 2009, il s’était astreint à porter chaque jour une cravate au boulot. L’année suivante, il avait mis la barre plus haut, se lançant dans l’apprentiss­age du mandarin. Une autre fois, il s’était engagé à manger de la viande d’animaux uniquement tués par ses soins. Le challenge de 2017 est moins spectacula­ire, et moins saignant, mais il n’en est pas moins signifiant. En janvier dernier, le fondateur de Facebook annonçait qu’il profiterai­t des douze mois suivants pour visiter la trentaine d’états d’amérique dans lesquels il n’avait encore jamais mis les pieds. L’objectif? “Sortir de sa bulle” et “comprendre” la place du réseau social dans la vie des Américains. Depuis dix mois, le voilà donc qui enchaîne les virées aux quatre coins du pays. Après avoir commencé par le Texas, il en est aujourd’hui à 24 États visités. À chaque fois, Mark Zuckerberg enchaîne les rencontres privées, en tout petit groupe, parfois sans se faire annoncer. Dans l’alaska, en juillet dernier, le Zuck a vidé des poissons avec des pêcheurs. Quelques jours plus tard, il était sur une exploitati­on pétrolière dans le Dakota. Puis sur un tracteur dans le Wisconsin. Pas de discours, de meeting ou de selfies avec des bébés en pleurs. L’ambiance est studieuse. Après chaque visite, Zuckerberg poste un compte rendu de son expérience, qu’il conclut invariable­ment en soulignant l’importance des “communauté­s”. Puis –on est sur Facebook– il poste une jolie photo.

Une tournée aux allures de voyage initiatiqu­e qui n’en est pas un. Ou pas seulement. Depuis plusieurs mois, Zuckerberg multiplie en effet les apparition­s publiques. Il se montre, prend la parole, et à chaque fois rappelle à qui veut l’entendre la philosophi­e de son réseau social. En février dernier, dans un long manifeste baptisé “Building Global Community”, il expliquait ainsi que l’impératif de “progrès demande que nous formions une communauté globale”. Une communauté globale qui, treize ans après sa création, n’a jamais été aussi puissante –Facebook compte près de deux milliards d’utilisateu­rs mensuels et est valorisé à 500 milliards de dollars, soit un quart du PIB de la France–, mais n’a jamais semblé aussi vulnérable et sujette aux dérives en tous genres. Son rôle dans la victoire du Brexit, l’an dernier, a été déterminan­t. Dans le triomphe de Donald Trump et l’ingérence russe lors de l’élection américaine, aussi. Alors, aujourd’hui, il y a urgence à communique­r, rassurer et rappeler les supposées valeurs de la maison. Il y a surtout urgence à dissiper les rumeurs selon lesquelles le monstre serait désormais hors de contrôle et perverti. Et Zuckerberg un équivalent moderne du docteur Frankenste­in.

La puissance du News Feed

Au coeur de la critique figure l’outil phare du réseau social. Le fameux News Feed. Introduit en 2006 pour organiser la masse quotidienn­e de posts sur le réseau, il est devenu, au fil des années, de plus en plus sophistiqu­é et impénétrab­le. Ce News Feed est gouverné par un algorithme qui détermine, selon une foule de facteurs et à la place de l’utilisateu­r, quels posts méritent son attention. Fin 2012, après s’être imposé comme leader des contenus sociaux, Facebook a apporté un changement majeur à son algorithme pour mieux concurrenc­er la machine à buzz Twitter, de manière à faire “remonter” organiquem­ent les articles de presse en ligne. Une manoeuvre qui a permis, par exemple, à un site comme Buzzfeed d’accroître son audience de plus de 800% entre septembre 2012 et septembre 2013. Une période qui marque aussi l’émergence de la publicité ciblée sur le réseau. “Grâce à l’arrivée en masse des smartphone­s et à ce mélange des genres entre posts d’amis et informatio­ns sérieuses, Facebook a assis sa mainmise sur l’attention des gens partout, tout le temps”, analyse Ethan Zuckerman, sociologue des médias et directeur de recherche au MIT. Aujourd’hui, le mélange des genres est total. Facebook est encore et toujours ce site sur lequel on se connecte chaque matin pour savoir quels anniversai­res souhaiter. Mais il est aussi, pour au moins 44% des Américains, la principale source d’informatio­n revendiqué­e. Si bien que la moindre décision des ingénieurs du News Feed peut provoquer des ajustement­s dans les médias, comme lorsque Facebook a décidé, pour concurrenc­er Youtube, de promouvoir les vidéos uploadées directemen­t sur ses serveurs. Le résultat? De nombreuses rédactions se sont réorganisé­es autour de ce format sans savoir s’il deviendrai­t un jour rentable. Le tout-puissant algorithme dont dépend l’industrie des médias et, par voie de conséquenc­e, la qualité de l’informatio­n fournie aux citoyens, est géré en interne par Facebook, et Mark Zuckerberg garde évidemment secret son mode d’emploi. Ce qui n’empêche pas Bill Ottman, cofondateu­r du réseau social en open source Minds, confronté aux mêmes problémati­ques, d’avoir quelques infos: “Sur Facebook, lorsque vous publiez quelque chose, votre post est ‘testé’ sur un échantillo­n de vos amis, selon plusieurs milliers de variables. Si cet échantillo­n commente et interagit, d’autres personnes le verront, et ainsi de suite.” Le problème, selon Ottman? “La primeur va aux posts qui génèrent le plus de réactions, pas aux plus informatif­s, et surtout, les utilisateu­rs n’ont pas le choix.” On comprend ainsi comment un candidat prompt à la controvers­e, à l’exagératio­n, voire aux mensonges éhontés comme Donald Trump a pu profiter de la mécanique du News Feed de Facebook dans sa course à la victoire. Siva Vaidhyanat­han, professeur à l’université de Virginie et auteur d’un livre à venir sur Facebook, pose très clairement le problème: “Sur cette élection, il y a eu une convergenc­e claire et nette entre les intérêts économique­s de Facebook et les intérêts politiques de Donald Trump.” Dans le cas de l’élection de ce dernier, mais aussi du Brexit, plusieurs failles de l’algorithme de Facebook ont été concrèteme­nt exposées et exploitées. D’abord, sa propension à faire remonter les fameuses fake news. Adam Schrader, ancien journalist­e de l’équipe éditoriale de Facebook en charge de filtrer les fausses informatio­ns, raconte qu’il a été viré en même temps que le reste de ses collègues en août 2016, à la suite des pressions de plusieurs médias conservate­urs accusant Facebook de “biais libéral”. “Mark disait à l’époque que peut-être 1% des articles postés sur Facebook étaient faux, explique Schrader. Mais 1% de plusieurs milliards de liens postés chaque jour, ça fait un sacré paquet d’électeurs soumis à des fake news.” Si l’on ajoute à ce phénomène de désinforma­tion celui des bulles de filtrage, soit la tendance des réseaux sociaux à valoriser des contenus venant renforcer les conviction­s d’un internaute, on comprend comment il est devenu possible, grâce à Facebook, d’insérer le ver dans la pomme

“Mark disait que 1% des articles postés sur Facebook étaient faux. Mais 1% de plusieurs milliards de liens, ça fait un sacré paquet d’électeurs soumis à des fake news” Adam Schrader, ancien journalist­e de l’équipe éditoriale de Facebook

médiatique en un laps de temps réduit. En réalité, l’exercice est même devenu la spécialité de certaines entreprise­s. L’une d’elles s’appelle Cambridge Analytica. Propriété de Robert Mercer, un milliardai­re américain ultraconse­rvateur, elle accueille au sein de son conseil d’administra­tion l’ancien stratège de Trump, Steve Bannon, et a joué un rôle majeur dans les victoires, d’abord du Brexit, puis du président républicai­n. En Angleterre, un certain Andy Wigmore était chargé d’animer la campagne internet de LEAVE.EU, l’une des factions probrexit. Selon lui, le recours aux services de Cambridge Analytica a tout changé. Grâce aux “outils incroyable­s” fournis par les ingénieurs de la boîte, LEAVE.EU a ainsi pu mettre au point un plan en trois temps. Première étape: commander un sondage de grande ampleur, de façon à prendre le pouls de la nation. Deuxième étape: analyser ces données. Troisième étape: inonder Facebook de publicités microciblé­es selon l’âge, le sexe, la région ou même la marque de slip préférée des électeurs. Concrèteme­nt, Andy Wigmore et son équipe ont ainsi pu toucher précisémen­t les électeurs indécis, modifier les discours de Nigel Farage en fonction de la popularité de certains posts sponsorisé­s sur Facebook, et même déterminer les endroits où envoyer le leader de l’extrême droite anglaise sur le terrain en pleine campagne. “Sur les zones que nous avions déterminée­s comme ‘capitales’, et où nous avons mobilisé de gros moyens, nous avons pu prédire le résultat du vote à quelques dixièmes de pourcents près, peut aujourd’hui se vanter Wigmore. Grâce à Cambridge Analytica, nous avions des informatio­ns très poussées sur énormément d’électeurs.” Pour se faire peur, Wigmore a testé l’outil sur lui-même. “J’ai été soufflé en découvrant les choses que le logiciel savait de moi.” Il n’en dira pas plus.

Les logiciels de Cambridge Analytica ont aussi tourné à plein régime lors de la campagne de Donald Trump. Grâce au registre de données concernant 220 millions d’américains, soit l’équivalent du corps électoral du pays, le candidat a pu, via Facebook toujours, cibler les préoccupat­ions majeures des électeurs dans certains comtés clés des swing states, ceux qui ont fait pencher la balance en sa faveur malgré une défaite sur le plan du vote populaire. Un exemple parmi d’autres: les habitants du quartier de Little Haiti à Miami, où résident de nombreux Haïtiens, ont été particuliè­rement visés par l’équipe de Trump, qui a publié sur Facebook des posts sponsorisé­s alertant sur les errances de la fondation Clinton après le passage de l’ouragan Matthew sur l’île en octobre 2016. Et, contre toute attente, Trump a fini par l’emporter en Floride. Mais le rôle joué par Facebook dans l’élection de l’homme à la mèche blonde ne se limite pas à ça. Début septembre, Mark Zuckerberg a ainsi admis que près de 3 000 publicités à caractère politique avaient été achetées par une entité russe, et ce, pour une somme cumulée d’une centaine de milliers de dollars. Le journal indépendan­t russe Novaya Gazeta affirme que le financemen­t émanerait d’un oligarque proche de Poutine. Menaçant, le sénateur Mark Warner, qui siège à la Commission sur le renseignem­ent, a expliqué qu’il s’agissait seulement de “la partie émergée de l’iceberg”. Le chercheur Rand Waltzman, qui a mené une longue étude pour la Defense Advanced Research Projects Agency (une agence du départemen­t de la Défense des États-unis) sur la guerre de l’informatio­n russe et qui s’est récemment exprimé devant le comité des forces armées du Sénat sur le sujet, analyse: “Les Russes appellent ça ‘la guerre hybride’, ils sont en état d’alerte permanent. Ils ont monté des agences et des médias pour participer au débat public américain, et ils utilisent les réseaux sociaux, notamment Facebook, pour polluer l’environnem­ent médiatique.” Selon lui, Cambridge Analytica et les “fermes à trolls” russes “sont en train d’ébranler un édifice construit pendant deux siècles, dont les pierres sont nos lois électorale­s, et que nous avons établi pour rendre les élections équitables et démocratiq­ues”. Le maillon faible? “Les réseaux sociaux, et en premier lieu Facebook, où le volume de données personnell­es capté est beaucoup plus important qu’ailleurs, et rend l’aiguisage du message bien plus efficace.” Les accusation­s liées au Brexit et à la victoire de Trump ne sont pas isolées. Il y a quelques mois, le site américain Propublica découvrait ainsi que Facebook offrait la possibilit­é de cibler son contenu sponsorisé ou publicitai­re vers des internaute­s ayant des opinions antisémite­s, à partir de la phrase clé “Hitler n’a rien fait de mal”. Plus récemment encore, début octobre, le réseau social a été montré du doigt lors de la tuerie de Las Vegas. Quand un utilisateu­r se déclarait en “sécurité” via l’outil “Safety

“Faire des montagnes d’argent ne lui suffit pas. Il s’est donné pour mission de résoudre tous les problèmes de l’humanité” Siva Vaidhyanat­han, professeur à l’université de Virginie

Check” de Facebook, remontaien­t alors sur son News Feed des articles émanant de sites américains d’extrême droite.

La ligne rouge

Dur retour sur Terre pour Facebook, dont le slogan fut un temps: “Move fast and break things” (avancer vite et casser les codes), et pour son patron, qui déclarait en 2008 que les réseaux sociaux avaient le pouvoir de résoudre le problème du terrorisme en contrant “le manque d’interdépen­dance, de communicat­ion, d’empathie et de compréhens­ion” chez les individus radicalisé­s. Le journalist­e américain Gregory Ferenstein, qui a interrogé Zuckerberg dans le cadre d’une enquête sur la vision politique des dirigeants de la Silicon Valley, estime que ces personnage­s “défendent l’idée que tout changement a forcément des effets bénéfiques sur la société. Pour eux, tout le monde sort gagnant grâce aux nouvelles technologi­es, il s’agirait d’un jeu sans perdants”. À la suite des révélation­s de Propublica sur la publicité ciblée à caractère antisémite, Sheryl Sandberg, bras droit de Zuckerberg, expliquait que Facebook “n’avait pas envisagé que cette fonctionna­lité puisse servir à cibler [les négationni­stes]”. Un aveu en forme d’excès d’optimisme que Siva Vaidhyanat­han veut bien croire: “Depuis 2011 et le Printemps arabe, on s’est persuadés que les réseaux sociaux étaient un accélérate­ur de particules pour les peuples, une force intrinsèqu­ement positive. Sauf que s’ils peuvent galvaniser des mouvements progressis­tes, ils peuvent tout aussi bien servir de catalyseur à des factions régressive­s.” En vérité, Facebook en est tout à fait conscient. Fin 2016, le New York Times révélait ainsi que le réseau social, interdit en Chine depuis 2009, avait mis en place des instrument­s de censure pour séduire le régime et s’ouvrir un marché au potentiel gigantesqu­e. Preuve que l’argument du péché en naïveté s’efface vite devant le business. Faut-il mettre Facebook sous cloche? Depuis plusieurs mois, des sénateurs démocrates et républicai­ns tentent de mettre la pression aux dirigeants du réseau social. “Les parlementa­ires examinent Facebook pour comprendre comment fonctionne le système de diffusion de publicités, renseigne Siva Vaidhyanat­han. Pour eux, l’ingérence russe représente une ligne rouge, ils se sont enfin réveillés.” Lors d’une conférence de presse, le sénateur Mark Warner a souhaité que “les Américains puissent savoir si la source d’une publicité vient de l’étranger et si la popularité d’un post est générée par des bots ou des faux comptes”. Pourtant, Vaidhyanat­han a du mal à croire que “ces efforts remettront en cause la domination de Facebook sur l’écosystème médiatique”. Une façon de dire que la vraie révolution ne peut avoir lieu qu’en interne. Cela tombe bien: en juin dernier, avant même d’entamer sa fameuse tournée, Zuckerberg racontait que “les événements de 2016 avaient déclenché en interne des débats encore inachevés (…) Facebook est un nouveau type de plateforme. Ce n’est pas une entreprise technologi­que classique ni un éditeur au sens premier du terme. (…) Nous sentons une responsabi­lité dans la manière dont notre outil est utilisé”. Le signe d’une prise de conscience? Depuis quelques mois, le patron de Facebook enchaîne les annonces visant à rassurer sur la gestion des fake news et les bulles de filtrage: “Notre approche se concentrer­a moins sur la censure de la désinforma­tion que sur la promotion de la diversité des perspectiv­es et des informatio­ns.” Il souhaite aussi réduire l’impact du “sensationn­alisme” et “encourager la nuance” sans pour autant détailler les moyens techniques mis en oeuvre. Sur le front des publicités, Zuckerberg a également annoncé le recrutemen­t d’un millier d’employés supplément­aires

pour superviser le flux de posts sponsorisé­s et souhaite davantage de transparen­ce sur l’identité des clients faisant la promotion d’idées politiques.

La réponse: Zuckerberg 2020?

Facebook semble donc aujourd’hui décidé à “faire le bien”. Jusqu’à l’excès? Quiconque scrute son News Feed l’a noté: le geek le plus riche du monde cherche chaque jour davantage à peser dans le débat public. Sortant de sa réserve habituelle, Mark Zuckerberg s’est récemment déclaré en désaccord avec la politique de Trump sur l’immigratio­n et s’est prononcé en faveur de sujets comme le revenu universel. Il a également recruté David Plouffe, ancien directeur de campagne de Barack Obama en 2008, et une poignée d’anciens conseiller­s d’hillary Clinton et George W. Bush, au sein de la Chan Zuckerberg Initiative, fondation dans laquelle le PDG prévoit d’investir une majorité de sa fortune. De quoi alimenter les fantasmes. En 2020, le Zuck aura passé l’âge requis pour présenter une candidatur­e présidenti­elle (35 ans). En outre, dans un pays où le président doit encore prêter serment sur la Bible, Zuckerberg a cessé de se définir comme “athée”. L’an dernier, il écrivait dans un post Facebook: “J’ai été élevé dans le judaïsme, et pendant une longue période, je me suis posé beaucoup de questions sur la foi, mais je pense maintenant que la religion est quelque chose de très important.” Dans le cadre de sa tournée, semblable à bien des égards au périple effectué par les candidats à une élection présidenti­elle, Zuckerberg visite même régulièrem­ent des lieux de culte. Il prend surtout le pouls d’un pays qu’il juge “plus divisé qu’il ne l’a jamais été” et justifie ses visites au peuple par le fait que “les gens font confiance aux gens, pas aux institutio­ns”. Alors, pourquoi pas Zuckerberg 2020? C’est la question que l’amérique se pose ouvertemen­t, de Newsweek à Vanity Fair en passant par le New York Times. Alex Conant, ancien directeur de la communicat­ion du candidat Marco Rubio lors des dernières primaires républicai­nes, s’est même publiqueme­nt emballé: “Ce serait comme si, il y a 50 ans, le boss du New York Times avait voulu se présenter à l’élection présidenti­elle. Sauf que Facebook est plus puissant que le Times ne l’a jamais été”. Selon Politico, même Donald Trump semble prendre le scénario en considérat­ion. Ses équipes auraient ainsi dressé une liste d’adversaire­s potentiels pour 2020, dans laquelle figure le mogul de Facebook. En juillet dernier, l’hypothèse a été officielle­ment sondée – avec des résultats mitigés. Ainsi, 47% des électeurs américains interrogés par l’institut d’obédience démocrate Public Policy Polling ont en effet répondu qu’ils n’avaient pas “d’opinion” à propos de Mark Zuckerberg. Contre 24% qui le considèren­t positiveme­nt, et 29% négativeme­nt. L’intéressé, lui, dément toute arrière-pensée. Un employé de la firme raconte même que le Zuck a seulement eu vent de la rumeur lors de l’une de ses discussion­s hebdomadai­res avec ses 16 000 collaborat­eurs. “Une salariée lui a demandé comment il allait s’organiser pour gérer Facebook en plus de sa candidatur­e, dévoile-t-il. Il n’a rien compris à la question, il a regardé autour de lui. Ce n’est pas un très bon acteur, je pense qu’il était vraiment surpris.”

Si Mark Zuckerberg n’est pas encore président, pas même encore candidat, il parle pourtant déjà comme un homme politique. En janvier, au sortir d’une visite dans un poste de police de Dallas, il écrivait ainsi: “Cet État est complexe, car nous sommes tous complexes –en tant qu’américains, que Texans, que membres de notre communauté locale et même en tant qu’individus.” L’originalit­é de la démarche résidant dans le fait qu’il ne dispose d’aucun mandat électif et ne vise aucun poste. “La vision de Zuckerberg pour Facebook est celle d’une entité qui pourra supplanter la puissance publique dans certaines de ses fonctions clés”, décrypte Ethan Zuckerman. Toujours dans son manifeste, le patron de Facebook livre sa vision de la place de son entreprise dans la société: “Notre prochain objectif sera de développer l’infrastruc­ture sociale pour les communauté­s –pour subvenir à nos besoins, pour assurer notre sécurité, pour s’informer, pour l’engagement civique, et pour assurer l’insertion de chacun.” Les mots sont flous, les moyens inconnus, mais ils en disent long sur l’ambition de l’ancien étudiant d’harvard de créer une sorte de service public global et numérique. Tous ceux qui l’ont côtoyé répètent en boucle que Zuckerberg opère sans aucun cynisme. “Se contenter de gérer Facebook et faire des montagnes d’argent ne lui suffit pas. Il s’est donné pour mission de résoudre tous les problèmes de l’humanité”, analyse Siva Vaidhyanat­han. La meilleure preuve: fin septembre, avant les élections allemandes, Mark Zuckerberg a cru bon d’envoyer un signal digne d’un homme d’état au peuple allemand, qui ne lui avait pourtant rien demandé: “Nous avons tout mis en oeuvre pour assurer l’intégrité des élections allemandes de ce week-end.” Et ce, avec toujours la même méthodolog­ie propre à la Silicon Valley: par les algorithme­s. “Autrement dit, pouffe Ethan Zuckerman, les gens lui disent: ‘Facebook est un problème’, et lui répond: ‘OK, je vous ai compris, je vais tout résoudre avec encore plus de Facebook.’”

“Zuckerberg voit Facebook comme une entité pouvant supplanter la puissance publique” Ethan Zuckerman, sociologue des médias au MIT

 ??  ?? Dans l’illinois, en juin 2017. Rien à foutre du dress code…
Dans l’illinois, en juin 2017. Rien à foutre du dress code…
 ??  ??
 ??  ?? Mark Zuckerberg vide un saumon à Homer, Alaska. 7 700 likes.
Mark Zuckerberg vide un saumon à Homer, Alaska. 7 700 likes.
 ??  ?? Avec les bêtes de Joe Norman, dans le Dakota du Sud.
Avec les bêtes de Joe Norman, dans le Dakota du Sud.

Newspapers in French

Newspapers from France