Society (France)

Richard Tchakunte, recherche son fils Fabrice

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Enfoncé dans son canapé, Richard Tchakunte, 50 ans, parle avec la voix monotone d'un homme défait. “Nous sommes tous abattus par ce qui s'est passé, dit-il. Il nous disait qu’il voulait voyager vers l'europe, mais nous ne le prenions pas au sérieux.” En mars 2015, son fils Fabrice est parti. “La dernière fois que je l’ai vu, c’était au moment du déjeuner. Il était venu manger à la maison. Quand il a fini, il est parti sans dire un mot.” Fabrice Gantat Tchakunte avait alors 18 ans. Il a volé 180 000 francs CFA (environ 275 euros) dans les économies de sa mère et a quitté le Cameroun pour “se battre pour sa vie”, une expression locale utilisée en référence au voyage périlleux que de plus en plus de personnes entreprenn­ent vers l’europe. Fabrice n’a plus jamais contacté sa famille depuis. Peut-être parce que quelque chose de grave lui est arrivé, ou peut-être parce qu’il a honte de ce qu’il a fait. Son père n’en sait rien, et les doutes le hantent depuis deux ans maintenant. Richard a la certitude que son fils est parti, parce que les amis de ce dernier le lui ont dit. “Il les a appelés après son départ. Il les a appelés eux et pas moi, son propre père.” Alors que ses cadets jouent aux abords du foyer familial dans le quartier d’essos, à Yaoundé, ce père de huit enfants semble tantôt distant, tantôt absent. “Mon existence a pris fin le jour où il est parti, dit-il. C’était mon aîné. Il savait que je n’étais pas d’accord. La route pour rejoindre l’europe est dangereuse et beaucoup meurent en chemin. Je prie l’océan jour et nuit, en espérant que rien de grave ne lui soit arrivé.” “C'est si frustrant, si démoralisa­nt, poursuit-il en élevant

le ton. Après toutes les souffrance­s que j'ai dû endurer pour l'élever, ça me fait mal de le voir partir comme ça, sans dire un mot.” Pour continuer d’y croire, Richard s'accroche à des histoires. Comme celle de ce voisin qui était parti en Europe et en est revenu huit ans plus tard, huit ans durant lesquels sa famille était restée sans nouvelles de lui. “Les frères et soeurs de Fabrice le

réclament toujours, conclut-il. Ils me disent: ‘Papa, il est peut-être en Angleterre maintenant.’ Il a toujours parlé de l’angleterre.”

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