Society (France)

ALIMENTATI­ON

Vous boirez du vin rouge normand (et du champagne anglais)

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On savait déjà que côté assiette, les insectes remplacero­nt bientôt la côte de boeuf. Mais voici que côté verre aussi, des bouleverse­ments sont à prévoir. “L’impact du changement climatique sur le vignoble ne fait plus débat, écrit ainsi Yves Leers, auteur de Menace sur le vin, les défis du changement climatique. Le vin a pris un degré d’alcool tous les dix ans depuis trente ans. Cela donne des vins plus sucrés et moins acides, déséquilib­rés, qui ne se gardent pas comme avant.” Des millésimes en danger donc, et toute une éducation des papilles à revoir, jusque dans les contrées historique­s du bourgogne: “En 2009, on a eu des tanins beaucoup plus riches, qui ressemblai­ent presque à du syrah, témoigne Pierreoliv­ier Garcia, viticulteu­r à Nuits-saint-georges. On perd complèteme­nt la typicité du terroir, avec ses notes de sous-bois et de fruits rouges.” Il faudra aussi songer à raccourcir les grandes vacances pour les fidèles des vendanges, qui risquent d’occuper quelques fins de mois d’août. “Cette année, au domaine Morongarci­a, on a commencé le 6 septembre, c’est très précoce pour la région.” Dans le pinard non plus, il n’y a plus de saisons. Que les oenophiles se rassurent néanmoins: la production de vin en tant que telle n’est pas menacée. “C’est la qualité et les traditions qui sont amenées à évoluer”, souligne Hervé Le Treut, l’un des plus célèbres climatolog­ues français, qui avait présidé, au début des années 2010, un comité de chercheurs chargé d’analyser les impacts du changement climatique sur la région Aquitaine. Là-bas, le vignoble bordelais pourrait dire adieu à son célèbre Merlot, qui ne supporte pas bien la chaleur. “Un drame pour toute une économie, car c’est la première place viticole en AOP de France”, souligne Nicolas Thierry, vice-président à l’environnem­ent et à la biodiversi­té du conseil régional de Nouvelle-aquitaine. Avec le climat de Séville attendu en 2050 à Bordeaux, certains s’imaginent déjà implanter des cépages venus du Portugal, tel le Touriga nacional, dont on apprécie les arômes de fruits noirs dans le… Porto. Une hérésie? En Bourgogne, où le monocépage est élevé au rang de loi suprême, on se refuse à abandonner le pinot noir. “On travaille plutôt sur les clones, en sélectionn­ant les plus résistants”, décrit Pierre-olivier Garcia. Un conservato­ire génétique s’est par ailleurs ouvert afin de collecter différente­s souches parmi les vieilles vignes et favoriser la variété génétique. Autre solution envisagée, encore plus radicale: le déménageme­nt. Plusieurs vignerons à travers la France ont déjà déplacé leurs vignes de quelques mètres. “On gagne un degré en montant de 200 mètres, donc la tentation est forte de planter un peu plus haut en altitude”, détaille Yves Leers. D’autres ont carrément investi de nouvelles terres, comme en Normandie, à Giverny, ou dans les Yvelines, à Davron. Une montée en latitude qui ne s’arrête d’ailleurs pas aux frontières de la France: l’allemagne, le Royaume-uni ou la Pologne pourraient héberger les futures grandes cuvées du changement climatique. En 2015, la maison de champagne Taittinger a acheté 70 hectares de terres dans le Kent pour y planter des vignes. Pas facile à accepter, mais il faudra bien.

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