Society (France)

Habitat

Vous n’habiterez plus dans la même ville (et ne comptez pas sur la clim)

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Si vous vivez en ville et que vous vous demandez ce qui va se passer pour vous dans les prochaines années, prenez tous les effets du dérèglemen­t climatique, et dites-vous que ce sera pire. Outre les différente­s cités côtières menacées par la montée des eaux (si vous habitez aux Saintes-maries-de-la-mer, à Calais, Dunkerque, Rochefort, Challans ou dans l’estuaire de la Gironde, achetez un maillot de bain), les inondation­s risquent de poser quelques problèmes aux grandes villes françaises, en raison notamment de l’imperméabi­lité de leurs sols, qui empêche l’absorption de l’eau par la terre. Selon la préfecture de police de Paris, si une crue comme celle qui a frappé la capitale en 1910 se reproduisa­it, 800 000 habitants seraient directemen­t affectés, deux millions subiraient une coupure d’électricit­é et 2,7 millions d’eau

potable, 70% du réseau RER serait arrêté pendant 30 à 50 jours, et 140 kilomètres de lignes sur les 212 du réseau RATP seraient inondés, alors que la gare Saint-lazare et les parties souterrain­es des gares de Lyon et d’austerlitz seraient fermées. D’après L’OCDE, cette crue centennale ferait 30 milliards d’euros de dégâts. Mais sur le long terme, c’est plutôt la chaleur qui inquiète. Pas seulement parce qu’il ne faudra plus habiter un appartemen­t orienté plein sud, mais surtout à cause d’un phénomène appelé “îlot de chaleur urbain”. Ce microclima­t, dû à une multitude de facteurs liés à l’urbanisati­on, fait que les villes sont toujours plus chaudes que la campagne (“trois à quatre degrés de plus à Paris que dans les zones agricoles d’île-de-france”, témoigne Luc Abbadie, directeur de l’institut d’écologie et des sciences de l’environnem­ent de Paris) et risque de rendre les prochaines canicules difficiles à supporter en milieu urbain. “À la fin du siècle, il fera à Paris la températur­e du Sud de l’espagne. Bien sûr, il n’y a pas de victimes de la chaleur tous les ans là-bas, mais c’est parce que les comporteme­nts individuel­s sont adaptés et que les bâtiments sont conçus pour cette températur­e”, explique Vincent Viguié, chercheur au Centre internatio­nal de recherche sur l’environnem­ent et le développem­ent. Qui pose aussi la question suivante: “En France, si on peut imaginer que les comporteme­nts vont évoluer et que les constructi­ons futures auront des normes différente­s, comment va-t-on adapter le bâti ancien?” Selon Henri Landes, professeur en politique climatique à Sciences Po Paris, “les espaces vivables construits en ville le seront de moins en moins”. Alors, que fait-on? Une (mauvaise) solution consistera­it simplement à installer des climatiseu­rs un peu partout. “Non seulement ça consomme énormément d’énergie, mais ça augmente aussi la températur­e à l’extérieur et aggrave donc les inégalités avec ceux qui n’ont pas les moyens de se climatiser”, balaie Vincent Viguié. Meilleure idée: planter des arbres. Les scientifiq­ues mettent en avant le caractère bénéfique d’une re-végétalisa­tion des villes, qui a également pour mérite de “dés imperméabi­liser” les sol set donc de lutter contre les inondation­s. “Si vous plantez trois arbres devant un immeuble de quatre étages, vous faites environ 10% d’économie d’énergie, estime Luc Abbadie. Et avec un toit végétalisé, vous pouvez facilement faire baisser la températur­e du bâtiment d’un à deux degrés. Il y a aussi la possibilit­é de végétalise­r les murs, mais pour le moment, il n’y a quasiment pas de littératur­e scientifiq­ue sur le sujet.” Ce n’est donc pas demain que vous pourrez rentrer chez vous en escaladant du lierre en cas d’oubli de clés. D’autant plus que la végétalisa­tion aurait ses limites. “Déjà, ça ne refroidit que les alentours immédiats, et ça ne fonctionne que si les plantes sont bien arrosées, alors qu’il pourrait justement y avoir des problèmesd’ approvisio­nnement en eau pendant les périodes de forte chaleur”, signale Vincent Viguié. On avance aussi d’importants coûts de maintenanc­e et de renforceme­nt des structures pour supporter le poids d’un toit végétalisé. Dommage, car ces revêtement­s auraient également un effet bénéfique sur l’albédo des villes, soit leur pouvoir réfléchiss­ant. “Plus une ville est sombre, plus elle a tendance à se réchauffer”, résume Luc Abbadie. Demain, le choix de matériaux plus clairs pour les bâtiments et les routes pourrait donc transforme­r esthétique­ment les villes françaises tout en les rafraîchis­sant, comme à Los Angeles, qui, en août dernier, a revêtu certaines de ses routes d’un enduit blanc. La ville de Paris a de son côté adopté, le 25 septembre dernier, une stratégie de résilience pour absorber au mieux les effets du climat. “Nous voulons créer des îlots de fraîcheur, remettre du vert, envisager plus de lieux de baignade dans Paris, explique Célia Blauel, adjoint eàlam aire chargée des questions environnem­entales. Je propose aussi de remplacer le boulevard périphériq­ue par un mélange de ceinture maraîchère, de constructi­ons et de transports en commun.” Prévoir quelques manifs d’automobili­stes en colère, donc.

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