Society (France)

La mort DIY

Dans une petite ville de Nouvelle-zélande, autour d’une certaine Katie Williams, des retraités fabriquent leur propre cercueil. Parce que l’on n’est jamais trop prudent.

- – AMANDA RUBINSTEIN

Plantée en Nouvelle-zélande au-dessus de la ceinture de feu du Pacifique, la ville de Rotorua offre bien des plaisirs. On peut y pratiquer la randonnée, visiter un village maori ou bien encore s’adonner à des sports extrêmes comme la luge ou le “zorbing”, activité consistant à dévaler des pentes abruptes dans une bulle en plastique. Mais désormais, la véritable attraction de la ville, c’est son club de retraités. Au Kiwi Coffin Club, littéralem­ent “le club des cercueils kiwis”, on dessine, on modélise, on découpe, on scie, on colle, on vernit. Tout ça dans le but de fabriquer son propre cercueil. Celui dans lequel on fera, quelque temps plus tard, le grand voyage. C’est dans le garage de Katie Williams, ancienne sage-femme et infirmière en gériatrie, qu’a commencé, en 2010, l’aventure. À l’époque, à l’assemblée générale de l’université du troisième âge de Rotorua, on cherche de nouvelles idées pour encourager la camaraderi­e et l’apprentiss­age. Katie, fraîchemen­t retraitée, fait part de son idée. Et parvient à convaincre une petite dizaine de participan­ts. “J’ai travaillé dans des maisons de retraite où j’ai accompagné une palette de gens terrorisés à l’idée de mourir. Pour moi, cette histoire de cercueils, c’est une façon d’exorciser.”

Caresses et câlins

Les premiers temps, les retraités se retrouvent chez Katie. Puis la maison devient trop petite et la troupe part s’installer non loin, dans une demeure bâtie au milieu d’un jardin d’hibiscus et de frangipani­ers. Autour de Katie, ils sont désormais une centaine à s’activer de 8h à 13h30, toute la semaine, et toujours dans la bonne humeur. “Je crois que ce que viennent chercher les gens ici, c’est une reconnaiss­ance de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont été, ditelle. Ils fabriquent leur cercueil, le décorent de souvenirs, et tout cela montre à quel point ils ont été uniques, tout ce que leur vie a eu de spécial. C’est magnifique de voir ces boîtes de bois représente­r la vie et les centres d’intérêt de leurs propriétai­res. Quel bonheur d’avoir le contrôle de notre dernier voyage!” Chaque retraité a sa spécialité. “Certains fabriquent, d’autres peignent, un ancien tapissier s’est même joint à la fête.” Au Kiwi Coffin Club, on parle parfois de la mort. “On est très à l’aise avec la mort et les mourants. On est très attentifs les envers les autres. Quand on vieillit, plus personne ne nous touche. Ici, on se caresse, on se câline. Je pense que c’est de cette tendresse dont les gens ont besoin.”

Le club, reconnu oeuvre de charité publique, a pris une telle ampleur qu’il fabrique maintenant des cercueils pour les plus démunis, notamment pour les membres de Te Arawa, une tribu maori installée à Rotorua depuis plus de 600 ans. “Les Maoris avaient un rite funéraire appelé ‘Tangi’. Quand quelqu’un mourait, toute la famille se rendait à l’extrême pointe de l’île pour trois ou quatre jours de festivités. Aujourd’hui, pour des questions d’argent, ils finissent par adopter la crémation alors qu’ils ont toujours été enterrés. Nous, on tente de les aider.” Le combat de Katie et de ses adhérents est finalement celui de la dignité. “Il faut absolument personnali­ser les funéraille­s. Ça aide les gens à affronter la mort et ça inclut les familles dans le processus de fin de vie.” Katie évoque le cas d’andrew, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale devenu conducteur de train: “Pour son 92e anniversai­re, sa famille lui a offert un cercueil en forme de tramway. Quand il est mort, il était dans son train, au fond d’un trou.” Katie, quant à elle, a déjà installé son cercueil king size recouvert de papier peint dans son jardin d’hiver, où il sert de lit d’appoint. “Tout est prêt, je suis ravie!”

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