Society (France)

NUCLÉAIRE

Vous serez sur courant alternatif (et ce sera déjà bien)

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Vous n’en pouviez plus des sempiterne­ls débats sur le nucléaire: le changement climatique pourrait régler la question. Face aux événements à venir, rien ne garantit en effet les capacités de production de nos vieilles centrales et, pour les cinq sites de la côte atlantique, l’inondation n’est pas à exclure. “Sous l’effet cumulé de la montée générale du niveau de la mer et de grosses vagues en cas de tempête, une centrale comme celle de Gravelines pourrait se retrouver sous les eaux”, analyse Yves Marignac, consultant internatio­nal sur l’énergie. Une situation qui s’est déjà présentée lors de la tempête de décembre 99. L’estuaire de la Gironde déborde alors et inonde la centrale du Blayais, qui subit dans le même

temps une perte d’alimentati­on électrique, les bourrasque­s faisant s’effondrer les lignes à haute tension. “Cela montre qu’un événement extrême peut générer une combinaiso­n de situations qui étaient jusque-là pensées isolément, mais dont on avait exclu la simultanéi­té. Cette approche systémique est trop peu développée”, poursuit Yves Marignac. Des craintes qui n’entament pas la sérénité de l’autorité de sûreté nucléaire, le “gendarme” indépendan­t de l’atome en France. “Les installati­ons sont toutes dimensionn­ées pour faire face à ce genre d’événements, assure Rémy Catteau, directeur des centrales nucléaires à L’ASN. Il y a un réexamen périodique de la sûreté tous les dix ans.” Pas de quoi s’inquiéter donc, selon lui, quand bien même les centrales auront bientôt atteint leur limite d’âge initiale. D’ailleurs, l’exploitant (EDF) a promis que face à la hausse des températur­es, il allait renforcer son programme de technologi­es de refroidiss­ement, à base de ventilatio­ns et de groupes frigorifiq­ues. Pourtant, les auteurs du rapport “Conséquenc­es du dérèglemen­t climatique pour le ministère de la Défense” l’assurent: “Sur le plan internatio­nal, les effets du changement climatique sur le parc nucléaire commencent à devenir une préoccupat­ion majeure.” Car, aussi robustes soient les 19 centrales françaises, le réchauffem­ent climatique a plus d’une embrouille dans son sac. Les sécheresse­s, par exemple, ont pour conséquenc­e directe la baisse du débit des cours d’eau. Or, les centrales consomment chaque année environ 19 milliards de mètres cubes d’eau pour leur circuit de refroidiss­ement, soit plus de 60% des prélèvemen­ts métropolit­ains. Qui dit manque d’eau, dit arrêt des réacteurs par mesure de sécurité. Autre possibilit­é en cas de grosse chaleur, l’augmentati­on de la températur­e des cours d’eau. Or, au-dessus de 28°C, l’eau réchauffée par son passage en centrale ne peut plus être rejetée, sous peine de perturber les écosystème­s aquatiques. Même sentence: sans refroidiss­ement, on coupe les réacteurs. Deux cas de figure qui expliquent l’arrêt forcé de plusieurs centrales lors de la canicule de 2003, où 17 des 58 réacteurs avaient dû réduire ou stopper leur activité. Une chute brutale de production qui se retrouve forcément dans le réseau d’électricit­é: une étude anglo-saxonne calculait en 2012 que ces problèmes d’approvisio­nnement en eau liés au changement climatique pourraient à eux seuls faire baisser la capacité de production électrique de 6 à 19% en Europe, nucléaire et charbon confondus. Au point d’imaginer des coupures de courant significat­ives en cas de canicule? “Si on reste dans le système électrique actuel, il est clair que l’on s’expose à des périodes d’indisponib­ilités plus ou moins longues”, résume Yves Marignac. Autrement dit: il vous faudra peut-être pédaler pour actionner votre ventilateu­r.

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