Society (France)

DÉFENSE

Les soldats seront partout (et leurs semelles vont fondre)

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Vous vous demandiez à quoi servaient tous ces soldats qui arpentent les rues de votre ville ces temps-ci? Tout simplement à vous habituer à leur omniprésen­ce sous le règne du changement climatique. “Le dérèglemen­t climatique, qui accroît la vulnérabil­ité des sociétés aux tensions hydriques et nourricièr­es, exacerbera les tensions existantes”, énonce ainsi le livre vert de la Défense réalisé en 2014 par Leila Aïchi, alors vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Et vous pourrez désormais le dire sans être pris pour un fou: oui, plusieurs crises internatio­nales ont été aggravées par le phénomène du réchauffem­ent climatique. “On ne peut pas lutter contre le terrorisme sans action résolue contre le réchauffem­ent climatique”, affirmait Emmanuel Macron lui-même cet été au G20. Daech? Plusieurs études scientifiq­ues démontrent l’influence du changement climatique sur la sécheresse en Syrie, dont a découlé la crise politique qui a favorisé l’émergence du groupe terroriste. “Dès 2007, Ban Ki-moon, alors secrétaire général des Nations unies, avait déclaré que l’origine du conflit au Darfour était aussi à chercher du côté du changement climatique”, rappelle pour sa part François Gemenne, professeur de géopolitiq­ue internatio­nale. Comme dans un jeu de dominos, cela aura forcément un impact sur les militaires français. “Les conséquenc­es géostratég­iques du dérèglemen­t climatique doivent faire évoluer les missions, les zones d’engagement et les besoins capacitair­es de nos armées françaises”, poursuit l’ex-sénatrice Leila Aïchi. Par ailleurs, certains sites stratégiqu­es, comme la base spatiale de Kourou, en Guyane, à quatre kilomètres des côtes, restent vulnérable­s aux phénomènes climatique­s de grande ampleur. En 1992, l’ouragan Andrew avait entièremen­t dévasté une base aérienne américaine. “Même si l’on reste moins exposés que les États-unis, des sites militaires importants comme ceux de Brest ou Toulon réfléchiss­ent à la protection de leurs infrastruc­tures, explique Bastien Alex, chercheur à L’IRIS et coresponsa­ble de l’observatoi­re défense et climat. Mais il n’y a pas encore d’audit des risques climatique­s sur les bases militaires.” Côté matériel, les semelles des rangers, trop sensibles à la chaleur, devront être revues. Pour les sous-marins, il faudra calculer l’évolution du taux de salinisati­on des eaux pour ne pas perturber la propagatio­n des ondes et le travail du sonar. Quant au stockage des munitions, soumis à des conditions très précises, il faudra prendre garde à des variations de températur­e trop brutales. C’est donc à l’effort d’une nouvelle guerre que vous contribuer­ez en finançant dans un premier temps le renouvelle­ment de la flotte et des équipement­s militaires. Sans compter que certains soldats pourraient connaître une réorientat­ion profession­nelle. Avec l’augmentati­on des événements extrêmes, l’armée risque d’être de plus en plus sollicitée sur des tâches de secours, à l’instar de la gestion de l’ouragan Irma en septembre dernier ou de la tempête Xynthia en 2010. “Le changement climatique pourrait favoriser un gonflement des missions de sécurité civile, confirme Bastien Alex. L’armée reste la seule instance, en dernier recours, à avoir la capacité d’intervenir sur le terrain, si tant est qu’on lui en donne les moyens financiers et humains.” La Défense, deuxième budget de l’état derrière l’éducation, nous réserve donc encore quelques belles campagnes de recrutemen­t.

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