Society (France)

La solidarité 2.0

Chaque année, des millions d’aliments sont jetés à la poubelle. Dans le même temps, des milliers de personnes ne mangent pas à leur faim. Julien Meimon a décidé de régler les deux problèmes d’un coup avec son applicatio­n, Linkee.

- – WILLIAM THORP Retrouvez l’ensemble des articles #ideecollab­orative sur consocolla­borative.com

Julien aime bien raconter cette histoire. Il dit qu’elle est explicite. C’est un boulanger qui ouvre son commerce à 7h. Jusqu’à 19h59, toutes ses baguettes sont bonnes et à vendre. Puis arrive 20h. Le boulanger ferme sa caisse, tire le rideau de fer. Ses pains, eux, sont jetés à la poubelle. “C’est un exemple classique du gâchis alimentair­e en France, s’agace Julien Meimon. D’un côté, nous avons des tonnes d’aliments encore bons qui partent avec les déchets, de l’autre des milliers de personnes manquent de nourriture, c’est absurde.” Vrai. En France, une personne sur dix ne mangerait pas à sa faim, selon L’ADEME, l’agence de l’environnem­ent et de la maîtrise de l’énergie. Dans le même temps, dix millions de tonnes de nourriture seraient jetées chaque année en France. Alors, en mars 2016, l’ancien diplomate se décide à régler cette “absurdité” et, avec deux amis, crée Linkee, “un lien digital entre les commerçant­s et les associatio­ns”. Concrèteme­nt, l’applicatio­n smartphone permet aux commerçant­s d’envoyer leurs invendus alimentair­es à des associatio­ns dans l’heure, sans briser la chaîne du froid. “L’idée est de créer un mécanisme d’entraide, et de le démultipli­er avec nos outils technologi­ques. Une sorte de solidarité 2.0. C’est la digitalisa­tion du droit à l’alimentati­on, en somme.”

Une applicatio­n qui rend utile

Et comment cela marche? Chaque commerçant prêt à donner ses invendus s’inscrit sur l’applicatio­n puis, le moment venu, informe la start-up qu’un colis alimentair­e est disponible. “Alors, nous envoyons un ‘linkeur’ récupérer le sac, reprend le fondateur. Le colis est ensuite livré immédiatem­ent dans une associatio­n comme Les Restos du coeur ou le Secours populaire.” L’opération prend moins d’une heure au total. Et à l’écouter, avec ses 1 300 livreurs bénévoles à vélo, le process est plutôt fiable. “Nous livrons plus de 1 000 repas par jour, continue Julien. L’idée n’est pas juste de faire un truc utile pour un quartier, par exemple. Non, c’est une petite révolution à l’échelle d’une ville. Nous voulons que chacun puisse contribuer au bien-être de l’autre quand il le veut. Nous utilisons des smartphone­s tous les jours avec des applicatio­ns qui nous rendent service. Là, c’est une applicatio­n qui nous rend utiles.” La start-up travaille avec des grands groupes tels que Carrefour et Monoprix, mais aussi avec des sandwicher­ies ou des grands chefs comme Thierry Marx ou Christophe Michalak. “Ils en avaient tous ras le bol de jeter leurs aliments, explique le quadragéna­ire. Le concept est aussi vertueux pour eux, puisque nous les guidons vers moins de gaspillage, en leur indiquant ce que nous avons récolté chez eux chaque année. Et puis, derrière, ils bénéficien­t d’un crédit d’impôt…” Gagnant-gagnant, donc. Pour le moment, Linkee ne marche qu’à Paris, mais Julien Meimon voit l’appli prendre le large en France, puis bientôt dans le monde entier, et pourquoi pas un jour devenir “le Blablacar ou Airbnb de la solidarité”. Mais pour cela, l’homme aurait besoin de plus de soutiens. Des pouvoirs publics, par exemple. “Le président nous a écrit une lettre dans laquelle il soulignait l’intérêt d’une telle initiative et nous félicitait pour l’action que nous menions envers les population­s en situation de précarité. Mais si les mots d’amour sont importants, les preuves d’amour le sont tout autant.”

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