Funérailles spatiales
“Poussière d’étoile”. Un nom poétique pour un projet hors du commun: plutôt que d’enfermer les cendres des défunts dans une urne, les disperser carrément dans l’espace. Et pourquoi pas?
Le projet de Vivien et Lucie Tanie est hors du commun: disperser les cendres des défunts non plus dans une urne, mais carrément dans l’espace. Eh oui!
En 1931, dans le roman de science-fiction The Jameson Satellite, l’auteur américain Neil R. Jones décrit une scène surréaliste: un homme est envoyé dans l’espace après son décès et tourne à l’infini en orbite. En 1992, cette utopie prend presque forme avec Gene Roddenberry. Lors d’une mission spatiale, la navette Columbia disperse une capsule contenant une partie des cendres du créateur de Star Trek avant de rentrer sur Terre. C’est le premier homme à être envoyé dans la stratosphère postmortem. Vingt-cinq ans plus tard, Poussière d’étoile offre cette possibilité à Monsieur et Madame Tout le Monde. Derrière ce nom de chanson de Tryo se cache la première et unique entreprise française de dispersion de cendres dans l’espace. Une initiative que l’on doit à Vivien Tani, conseiller funéraire basé à Montpellier, et à sa compagne, Lucie, jeune aide à domicile. “L’idée nous est venue de récupérer les ballonssondes de Météo France, habituellement utilisés pour effectuer des tests atmosphériques, explique le jeune entrepreneur de 29 ans. On s’est dit que si l’on pouvait embarquer un certain poids dans ces ballons, on pouvait bien embarquer des cendres.” Mais pas si simple. Avant de se lancer, il a fallu obtenir les accréditations funéraires –permission de disperser les cendres dans un espace naturel– et d’aviation civile. “À partir du moment où on se retrouve dans l’espace aérien, il faut forcément déposer un plan de vol, avec l’heure, la vitesse, la direction… C’est très technique, ce n’est pas un lâcher de ballon dans un coin de jardin”, précise Vivien.
En tout, dit-il, il faut entre quinze jours et un mois pour préparer la cérémonie. Qui peut avoir lieu dans l’endroit de votre choix, même si la plupart du temps, cela se passe à Montpellier, chez Lucie et Vivien. “Il fait beau ici! Et les cendres dérivent au-dessus de la mer Méditerranée.” Le jour J, la démarche est simple. Après une période de recueillement, les cendres sont transvasées de l’urne au ballon. “Vu que le décès est déjà passé depuis un moment, c’est toujours moins dur. Puis on regarde vers le ciel, c’est très symbolique et poétique. Cela simplifie la démarche du deuil. La personne part, sans un bruit, et disparaît progressivement, sans que le voyage soit fini pour autant”, détaille Vivien. Le ballon s’envole en effet entre 30 et 35 kilomètres au-dessus du sol. “Pour vous faire une idée, c’est trois fois l’altitude qu’atteint un avion de ligne. À ce niveau, il fait -60°C, il n’y a plus d’air. C’est là où le ballon est au maximum de son élasticité, et explose.” Souvent, les cérémonies sont organisées le week-end, afin de permettre aux enfants d’y assister. Le prix d’entrée est de 990 euros. En trois mois, le couple a d’ores et déjà réalisé une vingtaine de dispersions dans le ciel. “Les personnes qui nous contactent sont généralement issues du milieu aéronautique, mais pas seulement. Il y a aussi des écrivains, des poètes, des gens provenant du milieu artistique, qui font ce choix par pur aspect poétique. Statistiquement, il y a autant d’hommes que de femmes”, assure Vivien. Loin de se satisfaire de ces chiffres, le couple a déjà de nouveaux objectifs en tête. Comme “proposer un service où une caméra suivrait le ballon”. Vivien aimerait aussi créer un cimetière virtuel. “Pour le moment, les proches des défunts n’ont pas d’endroit spécifique où se recueillir après la cérémonie, développe-t-il. J’ai pensé à mettre en place un site sur lequel s’afficherait un plan des étoiles.” Et quoi d’autre? “À la place des noms d’étoiles, on retrouverait ceux des défunts et leur localité spatiale, selon l’endroit précis du lâcher de ballon.”