Society (France)

AU TROU(À RATS)

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Ce lundi 29 janvier est déjà le quatrième jour du one-man-show de Jawad Bendaoud sur la scène du tribunal de grande instance de Paris, où il comparaît pour “recel de malfaiteur­s terroriste­s”. Celui que l’on surnomme “le logeur” des attentats du 13 novembre 2015 a déjà convoqué Snoop Dogg, Joey Starr, le couscous, la cocaïne et les sandwichs escalope-boursin au fil de sa logorrhée lorsqu’il se lance dans un réquisitoi­re

contre l’état des prisons françaises. “L’état construit des prisons toutes neuves, comme à Beauvais, mais il faut d’abord rénover la maison d’arrêt de Fresnes, lance-t-il. Hier, j’ai vu un rat comme ça. Il est venu à ma fenêtre. Il me regarde, je le regarde. Je lui donne du fromage, il se met debout sur les deux pattes arrière. Avec sa petite patte, il

me fait: ‘File-moi du fromage.’” Pour une fois, Jawad a peut-être bien visé juste, tant le rat est un symbole parlant du délabremen­t des établissem­ents pénitentia­ires français, régulièrem­ent épinglés, voire condamnés, pour leurs problèmes de surpopulat­ion et de conditions de vie. Les recommanda­tions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) sont par exemple remplies de références au rongeur. “Les rats évoluent en masse au pied des bâtiments, dans les cours de promenade et aux abords des bâtiments tout au long de la journée. Ils ne s’effraient pas de la présence d’êtres humains”, disaientel­les de la prison de Fresnes en décembre 2016. Mais ce n’est pas tout. Maison d’arrêt de Strasbourg, avril 2015: “L’état de la cour attire de nombreux rongeurs et des pigeons, dont la présence a été largement constatée.” Les Baumettes, à Marseille, en 2012: “Depuis deux ans, les rats pullulent (on en voit même dans la journée) et s’ajoutent aux autres nuisibles: les surveillan­ts font leur ronde de nuit en tapant des pieds pour les éloigner, avec un succès inégal.” Et ainsi de suite. François Bès, coordinate­ur du pôle enquête à l’observatoi­re internatio­nal des prisons (OIP), confirme: “Nous n’avons pas de vision exhaustive mais nous avons des alertes sur pas mal d’autres endroits comme Poissy, Nîmes, Seysses à Toulouse, Lille-sequedin, Ducos en Martinique. À Nouméa, un détenu a été mordu par un rat il y a deux ou trois ans. En tout, il y a 24 établissem­ents pour lesquels nous avons eu des retours.” Un problème qui ne touche pas seulement les détenus puisqu’en 2016, les représenta­nts FO de Fresnes signalait qu’un surveillan­t avait été réveillé en salle de repos par un rat qui lui avait uriné sur le bras gauche. À Poissy, le formateur de l’atelier boulangeri­e a aussi eu la bonne surprise de découvrir trois rats dans le four de bon matin. Les racines du mal? “À Fresnes ou à Poissy, ce sont de vieux bâtiments, donc la vétusté peut être en cause, mais d’autres sont beaucoup plus

récents et ont le même problème”, pique François Bès. Le problème viendrait également des déchets jetés derrière les barreaux par les détenus, qui s’amoncèlent au pied des prisons et attirent les rats. Une attitude qui ne révèle pas forcément l’incivilité des occupants des lieux mais plutôt la surpopulat­ion, puisqu’il arrive bien souvent que trois détenus soient entassés dans une cellule de neuf mètres carrés, avec une seule petite poubelle à leur dispositio­n. À la suite d’une action de L’OIP, le tribunal administra­tif de Melun a bien ordonné l’intensific­ation de la lutte contre les nuisibles à Fresnes, le 6 octobre 2016, mais cela n’a pas suffi. “Ils ont cimenté quelques cours de promenade et réparé des plaques d’égout mais on nous signale toujours des rats dans les cellules”, souffle François Bès. Sans doute faudrait-il passer le mot de ne plus leur donner de fromage. –

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À la maison d’arrêt de Fresnes.

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