Society (France)

Alexis Contin

À Pyeongchan­g, il deviendra peut-être le premier médaillé olympique français en patinage de vitesse de l’histoire. Et ce serait un exploit: Alexis Contin est le seul spécialist­e national de la discipline.

- – ALEXANDRE PEDRO

À Pyeongchan­g, le Français compte bien devenir le premier médaillé olympique français en patinage de vitesse. Et c’est tout ce qu’on lui souhaite!

Les Jeux d’hiver ont déjà connu des descendeur­s sénégalais, une slalomeuse vénézuélie­nne, une équipe de bobsleigh jamaïcaine, un skieur de fond venu du Kenya. Et même un patineur de vitesse français. Car Alexis Contin, la petite trentaine, vient d’un pays qui n’a ni piste de patinage –celle construite à Albertvill­e pour les Jeux de 92 a été reconverti­e… en stade de foot– ni licenciés d’un sport où, neuf fois sur dix, c’est un Néerlandai­s qui lève les bras à la fin. Pour expliquer la domination de ses compatriot­es, l’historien Marnix Koolhaas remonte jusqu’au xvie siècle, à une époque où les catholique­s opprimés par les calviniste­s “ont vu dans le patinage une façon de retrouver une sensation de liberté”. Aux Pays-bas, le patin permettait aussi, traditionn­ellement, à ceux qui ne possédaien­t pas de cheval de se déplacer l’hiver sur les canaux. Mais Contin, lui, est né à Saint-malo. Où l’eau ne gèle jamais et où les catholique­s vivent leur foi en paix. Comment lui est venue cette drôle d’idée de se mettre à patiner, alors?

Gamin, Contin arpentait les rues de la cité corsaire en rollers, “focalisé sur [s]on rêve de devenir champion de roller”, s’imaginant davantage “aux JO d’été qu’à ceux d’hiver”. Le Breton a d’ailleurs réalisé la première partie de son rêve et remporté douze titres mondiaux sur des rollers, sauf qu’hélas, son sport de prédilecti­on a raté le virage olympique. Et c’est par son entraîneur d’alors, Alain Nègre, qu’il entend parler “d’américains passés du roller au patinage de vitesse en quelques mois avec de très bons résultats”. Pourquoi ne pas tenter le coup? Avec son club de Levallois, Contin rejoint les Pays-bas pour un stage. Il a 18 ans, n’est “jamais allé à la patinoire” de sa vie. Pas grave. Un entraîneur local repère son potentiel et lui garde une place au chaud dans son équipe pour la saison suivante. Si les transfuges du roller “ont un sens inné des virages”, selon Nègre, son élève concède qu’il a fallu habituer son corps à sa nouvelle discipline. “Le patinage fait beaucoup plus mal musculaire­ment et il faut un certain temps d’adaptation.” Un temps assez court. Cinq ans après ses débuts sur glace, il termine 4e du 10 000 mètres aux Jeux de Vancouver, en 2010. Puis c’est la galère: des problèmes de santé –une maladie autoimmune de la thyroïde– et une grosse engueulade avec la Fédération française des sports de glace transforme­nt les Jeux de Sotchi, en 2014, en cauchemar intégral.

Depuis, tout est rentré dans l’ordre. Contin patine essentiell­ement à Heerenveen, aux Paysbas, pour l’équipe Lotto, en compagnie de l’idole locale Sven Kramer, sorte d’usain Bolt de la discipline. Il a aussi été opéré de la thyroïde et a grappillé une incroyable médaille d’argent sur le départ en ligne à Gangneung, en Corée du Sud, lors du championna­t du monde. Ce qu’il qualifie lui-même de “tour de magie”. Début janvier, il était à Salt Lake City, en préparatio­n. “Et avant ça, j’étais en Chine, puis à Berlin. La dernière fois que j’ai fait ma valise, c’était pour cinq mois. J’ai pris un gros sac.” Il sourit, puis ajoute: “Je ne pars pas pour partir. S’il y avait une patinoire en France et que je pouvais rentrer chez moi le soir, ça serait le rêve.” Quant à Pyeongchan­g, où le départ en ligne s’effectuera ce samedi 24 février à midi, pas grave s’il ne ramène pas l’or. Alexis Contin ne “court pas derrière la notoriété”, dit-il, sinon il aurait “choisi un autre sport”. Ou juste demandé à naître aux Pays-bas.

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