Society (France)

Greta Gerwig

On l’a longtemps crue cantonnée au cinéma indépendan­t new-yorkais, dont elle avait fini par devenir la coqueluche. Elle est en fait beaucoup plus que cela. Greta Gerwig, connue pour ses rôles dans Greenberg ou Frances Ha, a mis l’amérique à ses pieds avec

- PAR STÉPHANE RÉGY

On l’a longtemps crue cantonnée au cinéma indépendan­t new-yorkais. Mais en réalisant Lady Bird Greta Gerwig a mis l’amérique à ses pieds. Rien que ça.

Ah, elle, vraiment, je peux pas la voir!” s’écrie le premier critique avec une moue de dégoût. “Quoi? Qu’est-ce qu’il dit?” demande le second critique, qui vient d’arriver. “Greta Gerwig, dit la troisième critique, qui écoute le premier parler depuis de nombreuses minutes maintenant. Il dit qu’elle l’emmerde, avec ses robes à fleurs et ses petits films indé new-yorkais.” “Ce ne sera jamais une vraie star”, tranche finalement le premier critique, un type qui passe à la télé et qui, manifestem­ent, a le goût des phrases définitive­s. Tous rigolent. Il est un peu avant 15h, fin novembre. Il pleut. Une pluie parisienne, triste et froide, qui n’a pas l’air de grand-chose, mais qui explique peutêtre en partie pourquoi cette ville compte plus de salles de cinéma que n’importe quelle autre au monde. Encore quelques minutes, et les critiques plongeront dans le noir pour juger en avant-première Lady Bird, les premiers pas de l’actrice américaine derrière la caméra. Un film qu’elle a écrit et réalisé, mais dans lequel elle a décidé de ne pas jouer. Quatre-vingt-treize minutes annoncées. “Pff…” souffle le premier critique alors qu’il entre dans la salle de projection. Si vous ne connaissez pas Greta Gerwig: 34 ans, éphémère icône d’un éphémère sous-genre undergroun­d baptisé “mumblecore”, devenue depuis égérie du cinéma indépendan­t internatio­nal, au point d’avoir donné son nom à un autre microgenre à part entière, le “Greta Gerwig movie”. Lequel raconte souvent les affres tragi-comiques d’une jeune trentenair­e qui erre dans le New York gentrifié des années 2010 en se posant des questions existentie­lles, parmi lesquelles ces deuxlà, pas les moindres: que sont devenus les rêves de mes 20 ans? Et accepter d’entrer dans la vie adulte est-il nécessaire­ment une trahison? Des thèmes d’entre deux âges qui courent tout le long des films que l’actrice a coécrits avec son compagnon, Noah Baumbach –Greenberg, Frances Ha, Mistress America–, et qui débordent aussi dans ceux qu’elle a tournés pour les autres. Par exemple dans Maggie’s Plan, de Rebecca Miller, où elle partage l’affiche et un doux mal-être avec Ethan Hawke, autre acteurlabe­l. Et si vous connaissez Greta Gerwig? Eh bien, c’est très simple: elle est exactement en interview comme dans ses films. À la fois nerveuse et détendue, oscillant entre longues hésitation­s et emballemen­ts passionnés, capable de jeter des références culturelle­s par poignées entières –George Eliot, Maren Ade, Mike Leigh, Chantal Ackerman, le tout en trois phrases–, puis de se reprendre et de se lancer tête baissée, comme si elle venait d’être prise en faute, dans un court exercice d’autodépréc­iation: “Il y a des gens qui peuvent débarquer dans le monde du cinéma du haut de leur fraîche vingtaine et faire un film. Mais je ne fais pas partie de ces gens. Je n’ai pas fait d’école de cinéma ni rien.” Cela ne l’empêche pas d’être la réalisatri­ce la plus en vue du moment, réclamée partout et par tout le monde. Car Lady Bird, son fameux premier film, s’est avéré être bien autre chose qu’un Greta Gerwig movie de plus. C’est tout simplement le long métrage le mieux noté de l’histoire sur le célèbre agrégateur de critiques Rotten Tomatoes. Il a aussi confisqué les prix de “meilleur film” et de “meilleur premier rôle féminin” aux derniers Golden Globes. En attendant, sans doute, d’autres récompense­s. Peut-être pas une “vraie star”, mais ça commence à y ressembler un peu.

Sur le papier, Lady Bird n’a pourtant rien de révolution­naire –un premier film initiatiqu­e comme il en sort tant d’autres chaque année. On connaît l’histoire, c’est toujours la même: A. habite une petite ville, B., tout en rêvant de déménager à C., la mégalopole, où sa vraie vie pourra enfin commencer. Sauf que sur la route de C. se trouvent des embûches et des histoires d’amour. Cette fois-ci, A. s’appelle Lady Bird, B. est Sacramento, et C. New York. Les embûches se nomment maman, l’argent, les notes de fin d’année et, pour ce qui concerne les histoires d’amour, Danny (le gentil garçon hélas plutôt destiné à devenir meilleur ami) et Kyle (le beau brun ténébreux hélas un peu salaud). Pourquoi ça marche, alors? Peut-être déjà parce que Lady Bird offre un renverseme­nt de perspectiv­e aussi bienvenu que parfaiteme­nt d’époque. Ce coup-ci, ce n’est pas un garçon bizarre qui souhaite conquérir la grande ville, mais une fille bizarre. Le personnage habitué à être désiré est devenu celui qui désire. “Est-ce que vous connaissez un 400 coups ou un Boyhood avec un personnage féminin?” Voici comment Greta Gerwig présentait ses intentions lors d’une interventi­on au New York Film Festival. Lady Bird est la réponse. Mais une réponse à la Gerwig. Presque sans drame, en tout cas sans mort ni coup de revolver, où le sexe, la drogue et le rock’n’roll s’effacent devant des vannes lettrées (“Si je ne peux pas aller vivre à New York, que ce soit au moins le Connecticu­t ou un autre endroit avec des écrivains qui vivent dans la forêt”), des gags visuels inattendus (Lady Bird saute d’une voiture en marche sans prévenir alors qu’elle est en train de parler avec sa mère) et des morceaux du Dave Matthews Band. Le tout introduit par une phrase pré-générique de la grande prêtresse de la littératur­e américaine Joan Didion: “Quiconque parle de l’hédonisme californie­n n’a jamais passé un Noël à Sacramento.” Et si le film sonne si juste, c’est aussi et évidemment parce que Greta Gerwig connaît cette histoire par coeur, c’est la sienne: petite fille de la Californie agricole devenue symbole internatio­nal du chic urbain. De telle sorte que Lady Bird, qui se déroule dans les années suivant le 11-Septembre,

“Il y a des gens qui peuvent débarquer dans le monde du cinéma du haut de leur fraîche vingtaine et faire un film. Mais je ne fais pas partie de ces gens. Je n’ai pas fait d’école de cinéma ni rien” Greta Gerwig

est le film d’avant les Greta Gerwig movies, quasiment un préquel: il est ce qui s’est passé dans la tête d’une fille d’un peu moins de 20 ans qui voulait se tirer de là à tout prix et aller vivre ses rêves à New York. Et en même temps, comme le dit sa réalisatri­ce, “une lettre d’amour à cette ville de l’enfance”.

Greta monte en ville

Greta Gerwig –la vraie– est arrivée à Manhattan à l’âge de 19 ans. Le premier soir, elle est montée sur le toit de son immeuble et a passé un long moment à contempler la ville qui s’étendait devant elle à perte de vue. Mais où était le Nord, où était le Sud? Elle était incapable de le dire. Alors elle est descendue et s’est engouffrée dans le métro, sans plan, pour voir. Elle a mis plusieurs heures pour revenir à son immeuble. Et s’est, enfin, sentie un peu new-yorkaise. En tout cas très loin de Sacramento: une ville plate où l’horizon est visible en permanence, qu’importe où l’on se place ; une ville où il est impossible de se perdre, pour la simple et bonne raison que l’on tombera toujours sur une connaissan­ce à un moment où un autre de sa dérive ; et une ville calme, rassurante, loin de tout tumulte. Un Midwest perdu en pleine Californie. Pas un enfer, cependant. Gerwig, fille d’une infirmière et d’un programmat­eur informatiq­ue, y a grandi parmi les livres, les films, les expos. Les Gerwig étaient le genre de famille qui pouvait prendre la voiture et conduire jusqu’à San Francisco pour aller voir une pièce de théâtre. Ou qui enregistra­it le Saturday Night Live à la télévision pour le regarder le lendemain tous ensemble, bien au chaud sur le canapé. Le genre de famille avec un piano dans le salon et l’intégrale des Monty Python sur l’étagère. Mais rien qui laissait présager que l’on pouvait en faire autre chose qu’un agréable passe-temps. “J’ai toujours aimé les gens qui racontent des histoires, j’ai toujours su que je voulais en faire partie. Mais petite, je n’avais pas vraiment le sentiment qu’il était possible de gagner sa vie en étant créatif, j’avais même plutôt l’impression que peu de choses étaient possibles en termes d’art, sourit-elle avec le recul. Alors même si j’avais dans l’idée d’écrire, j’avais certaines hésitation­s à le dire à voix haute. Cela paraissait tellement peu ordinaire. Le métier le plus proche de l’écriture autour de moi était le journalism­e. Autrement, tout le monde était infirmier, professeur, médecin ou avocat. Les gens que j’admirais semblaient si loin…” Pour tout dire, Greta Gerwig, enfant, n’aimait même pas le cinéma. “Je trouvais tout ce que l’on me montrait extrêmemen­t effrayant et bizarre. Il y avait un film appelé Tous les chiens vont au paradis, à propos de chiens qui meurent. Ça m’avait terrifiée. Little Monsters, également, un film sur un enfant

qui devient ami avec un monstre qui habite sous son lit. Tous ces films me perturbaie­nt. Le cinéma n’était pas du tout synonyme de plaisir pour moi.” Et puis un jour, Monsieur Gerwig décide de montrer à sa fille Annie Hall, de Woody Allen. Greta a “12 ans, ou 13” elle ne sait plus. C’est le grand foudroieme­nt. “Je ne pouvais pas croire qu’il existait des films comme ça.” Mais si. Il en existe même des dizaines d’autres. Des films si drôles, si tristes, si intéressan­ts, si stimulants, si vrais, qui ont l’air tellement mieux que la vie, que la question se pose d’elle-même: pourquoi ne pas essayer de vivre dedans?

Elle y est parvenue. Non seulement Greta Gerwig a réussi dans la grande ville où près de la moitié de l’humanité rêve de réussir un jour, mais elle y forme aujourd’hui un genre de couple glamour, option cinéma littéraire bavard. L’élu s’appelle Noah Baumbach, donc. Si elle est une possible variation moderne de Diane Keaton, alors que dire de lui? Un fantasme de New York à lui tout seul. Une allure à avoir tenu la guitare dans tout ce qui récite plus ou moins le Velvet Undergroun­d depuis maintenant 40 ans – Television, The Feelies, Luna, Yo La Tengo, Real Estate, selon l’époque–, un arbre généalogiq­ue pur souche –des parents profs de fac habitant Brooklyn–, des amitiés électives –Wes Anderson, Ben Stiller–, une réputation en or –il a longtemps été question qu’il adapte en série pour HBO Les Correction­s, de Jonathan Franzen. Pour situer: Noah Baumbach est allé dans le lycée où, avant lui, ont étudié Woody Allen et Chris Stein, du groupe Blondie. Il n’a rien eu besoin de quitter, et il aurait sans doute pu tout faire. Il a choisi le cinéma. Rencontré au-dessus d’un café beaucoup trop allongé il y a quelques années, au moment de la sortie de Frances Ha, Baumbach expliquait la genèse de sa vocation par un trauma originel et familial: “Mon père raconte souvent qu’il m’a emmené voir L’enfant sauvage de Truffaut quand j’avais seulement 2 ans. C’est un vrai sujet de polémique entre nous. Deux ans, pour aller voir un Truffaut, c’est un peu extrême, non? Moi, je pense plutôt que j’en avais cinq. Mais c’est symptomati­que de quelque chose. Mon père avait installé son bureau dans le soussol de notre appartemen­t. Il y avait une table de billard et plein d’affiches obscures en noir et blanc au mur, avec des noms très bizarres écrits dessus: Fritz Lang, Jean Eustache, Jeanluc Godard, Ingmar Bergman… Quand je descendais le voir, il me proposait une partie de billard et ensuite, on discutait cinéma européen.” Le genre de type qui pourrait prénommer son fils Rohmer, en somme. D’ailleurs, Noah Baumbach a prénommé son fils Rohmer. La mère est l’actrice Jennifer Jason Leigh, avec laquelle il a un temps été marié. Gerwig et Baumbach se sont rencontrés sur le tournage de Greenberg, en 2010. Il tournait, elle jouait. Lui jouissait déjà d’une cote internatio­nale, notamment grâce à son précédent film, Les Berkman se séparent. Elle vivait encore en colocation et ne s’affichait que dans des production­s undergroun­d. Devenu un couple, ils ont depuis construit ensemble ce qui ressemble à une oeuvre commune: Frances Ha, puis Mistress America, des films qui creusent sensibleme­nt le même sillon et qui peuvent donner envie à d’autres, à leur tour, de vivre dedans. Exactement comme Woody Allen et Diane Keaton des décennies auparavant, mais à une nuance près: Greta Gerwig ne s’est jamais contentée de la place de la muse. Au contraire, elle n’a cessé, film après film, de prendre de l’importance. D’abord comédienne, puis coscénaris­te. Une réalité pas facile à faire admettre au milieu du cinéma ni à sa presse, qui ont longtemps résumé le couple au cinéaste-auteur d’un côté, et à son actrice-chose de l’autre. Alors que les deux ont en réalité très vite oeuvré sur le même plan. Noah et Greta: une relation amour-travail où chacun bosse séparément, dans sa pièce, avant de confronter les versions. “Je n’ai jamais fait partie d’un groupe de musique, donc j’ai peut-être totalement tort, mais dans mon esprit, quand on écrit un film, c’est comme si on écrivait la même chanson à deux, tente de définir l’actrice. On a accès à quelque chose de plus grand que nous. Il y a Noah, il y a Greta, et il y a une entité qui nous inclut tous les deux, plus grande que nous.”

Justin Timberlake, Alanis Morissette et Woody Allen

Et aujourd’hui, il y a Greta et Noah, chacun de son côté. Pendant que Gerwig fêtait la sortie américaine en salle de Lady Bird, Baumbach diffusait sur Netflix son dernier film, tourné sans elle, The Meyerowitz Stories. Pas un récit provincial, mais une comédie sur la difficulté de vivre sa vie quand on a un père trop exigeant. Qui se passe à New York, évidemment. Comme quoi, on n’échappe jamais à son histoire. Ironiqueme­nt, les deux films démarrent de la même manière, par une scène d’engueulade en voiture entre parent et enfant. Pour le reste, c’est chacun son film. Greta Gerwig explique que celuici, elle voulait “l’écrire en entier, et seule”. Mais ce n’est qu’une fois le script terminé –350 pages dans sa première version– qu’elle s’est décidée à le mettre en scène elle-même. “Au départ, je songeais plutôt à le donner à quelqu’un d’autre, car c’est souvent le parcours traditionn­el, dit-elle. Puis j’ai réalisé que j’avais entre les mains l’histoire que j’avais toujours voulu réaliser, et il m’a semblé que c’était maintenant ou jamais. Donc j’ai décidé d’aller jusqu’au bout.” Une aventure qui l’a menée à faire des choses qu’elle n’aurait jamais pensé faire, comme écrire des lettres à Justin Timberlake et Alanis Morissette, dont elle était persuadée que leurs chansons étaient indispensa­bles à Lady Bird. À Timberlake: “Cher Justin Timberlake, que dire? Vous êtes Justin Timberlake. Vous êtes la B.O. de mon adolescenc­e. J’avais acheté votre album Justified en CD et en cassette, parce qu’il n’y avait pas de lecteur CD dans ma voiture. Je sais que je ne suis pas la première fille à être complèteme­nt folle de votre musique, et je sais que je ne serai pas la dernière.” À Morissette: “Chère Madame Morissette, j’ai été fan de vous toute ma vie. La première cassette que j’aie jamais achetée était votre album Jagged Little Pill. Je ne compte plus les fois où j’ai écouté en boucle, enfant, la chanson Perfect dans le salon, en en récitant les paroles par coeur, comme si elles n’avaient été écrites que pour moi. Je me souviens aussi d’avoir pris la cassette avec moi pour aller dormir chez une copine. Ma mère m’avait conseillé de passer la chanson Hand in My Pocket plutôt que Perfect, qui aurait pu sembler un choix un peu étrange pour une fille de 10 ans. Plus tard je suis allée voir le film Dogma juste parce que vous y jouiez le rôle de Dieu, ce qui me semblait tout à fait logique.” Sans surprise, les deux ont donné leur accord. De son propre aveu, la prochaine lettre de Gerwig pourrait être pour l’écrivaine Maggie Nelson (voir

Les Gerwig étaient le genre de famille avec un piano dans le salon et l’intégrale des Monty Python sur l’étagère, qui pouvait prendre la voiture et conduire jusqu’à San Francisco pour aller voir une pièce de théâtre. Mais rien qui laissait présager que l’on pouvait en faire autre chose qu’un agréable passe-temps

Society n°74), à propos de laquelle elle n’a pas de projet, mais qu’elle admire: “En fait, je mentionne son nom autant que je peux en interview parce que j’adorerais la rencontrer. Et je me dis que si je répète son nom encore et encore, peut-être que ça arrivera jusqu’à elle et qu’elle m’enverra un mail.”

Greta Gerwig, Maggie Nelson. Deux noms qui, regroupés et accolés à d’autres, comme ceux de Lena Dunham, Miranda July, Kristen Roupenian ou Elisabeth Moss, disent quelque chose de la culture aujourd’hui en Amérique: plus besoin de se cacher derrière un homme ni de s’excuser pour faire ce que l’on a envie de faire quand on est une femme. “Je suis allée à tellement de festivals de cinéma que ça m’a amenée à avoir des conversati­ons avec des gens comme Sofia Coppola, Angelina Jolie ou Patty Jenkins, raconte Grewig. Et j’ai le sentiment qu’il y a désormais davantage de lumière sur elles qu’avant. Et j’aimerais que nos exemples permettent à encore plus de femmes de monter leurs films.” Le hasard a fait que Lady Bird et l’affaire Weinstein sont sortis à trois semaines d’intervalle. Gerwig n’a, a priori, jamais eu à subir l’ancien patron de Miramax. Mais le scandale a emporté son idole. Dans la foulée de #Metoo, Dylan Farrow, la fille adoptive de Woody Allen, a en effet accusé –à nouveau– ce dernier de l’avoir agressée sexuelleme­nt quand elle avait 7 ans. Comment gérer la nouvelle quand on s’appelle Greta Gerwig et que l’on a appris la vie dans les films d’allen? Peut-on encore regarder Annie Hall et les autres chefs-d’oeuvre comme si de rien n’était? Doit-on tout jeter en bloc? Essayer de séparer l’homme de l’oeuvre? À Paris, cet automne, l’actrice, qui avait réalisé l’un de ses rêves d’adolescenc­e en jouant dans un film du réalisateu­r en 2012 (To Rome with Love), a accueilli la question avec un long silence. Avant de regarder à droite, à gauche, et de lâcher: “C’est un sujet très compliqué.” Puis: “Cela me brise le coeur.” Quelques semaines plus tard, elle a finalement confié au New York Times que c’était quelque chose auquel elle avait longuement réfléchi et que sa conclusion était la suivante: “Si j’avais su ce que je sais maintenant, je n’aurais pas joué dans le film. Je n’ai plus travaillé pour lui depuis et je ne travailler­ai plus pour lui. J’ai grandi avec les films de Woody Allen, ils m’ont appris des choses en tant qu’artiste et je ne peux plus rien faire contre ça, mais je peux prendre des décisions différente­s à partir de maintenant.” Cet “à partir de maintenant” commence le 3 mars. Greta Gerwig, qui rêvait, petite, quand elle faisait ses devoirs, que quelqu’un passe devant sa maison et la remarque, sérieuse et appliquée dans le salon, est peut-être sur le point de remporter sa plus grande récompense. Lady Bird est nommé aux Oscars, dans cinq catégories reines: meilleur film, meilleure réalisatri­ce, meilleure actrice, meilleur scénario, meilleur second rôle. La soirée se déroulera au Dolby Theatre de Los Angeles, à 600 kilomètres et quelques de sa ville natale, Sacramento. Une distance pas si grande pour un si long voyage sans retour. Ou si? À l’époque de Frances Ha, qui –surprise!– met en scène le désarroi d’une jeune fille provincial­e pour qui les choses semblent stagner à New York, Gerwig racontait: “Il y a toujours ce sentiment chez le personnage du film que si les choses vont dans la mauvaise direction, alors vous devez rentrer chez vous. Eh bien, je continue de me sentir comme ça. Même si j’ai du succès, cette idée reste toujours très proche de moi.” La perspectiv­e de voir New York demander à Greta Gerwig de faire ses valises n’est guère probable, mais si cela devait arriver un jour, pas de panique: cela donnerait sans doute un excellent Greta Gerwig movie.

Voir: Lady Bird, de Greta Gerwig, avec Saoirse Ronan et Laurie Metcalf, en salle le 28 février

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