Nosaj Thing
33 ans
Producteur
Figure de proue de la “beat scene” de Los Angeles, ce cercle de compositeurs alternatifs alliant la musique ambiante et les rythmes hip-hop. A rencontré Kendrick Lamar en 2011. Nosaj Thing est, depuis, l’un de ses fidèles compagnons de studio.
“Un jour de 2011, j’ai reçu un mail de Dave Free, le manager de Kendrick. Il avait entendu parler de moi en surfant sur des blogs et voulais que je collabore avec Kendrick. Tout simplement. Cela ne m’a pas surpris. Kendrick avait l’air d’aimer tenter des choses, il y avait quelque chose de très expérimental dans sa démarche. Un peu comme Outkast, à leur époque. On s’est donc retrouvés en studio. Les salutations ont été très courtes: on s’est tout de suite mis à travailler. Ce qui compte pour Kendrick, c’est le boulot. Il ne voulait pas que l’on perde de temps. Je me souviens que j’avais sélectionné plus d’une vingtaine de beats. Mais j’ai à peine eu le temps de jouer le premier que Kendrick a tiqué. Pour lui, c’était celui-là. Il a quitté la pièce et a écrit un texte en un rien de temps. J’ai eu l’impression qu’il avait tout modélisé dans sa tête au moment où il écoutait la musique. C’est comme s’il avait déjà une bibliothèque d’idées toutes prêtes. La session a duré trois heures et puis Dr. Dre a appelé. Kendrick avait rendezvous à Vegas trois heures plus tard. Et je me suis retrouvé tout seul. C’était très étrange. Depuis, on est restés en contact. Quand il prépare un nouvel album, il m’appelle pour que je lui envoie des playlists de morceaux ou que je vienne lui présenter des idées en studio, ou tout simplement pour que je lui donne mon avis sur ce qu’il fait. Je débarque dans la pièce, je me mets dans un coin et j’écoute. Kendrick impose quelque chose de très fort en studio. Il bouge en silence et les autres suivent. Ils lui font une confiance aveugle. Il aime aussi que l’air soit très froid. Il faut que l’air conditionné soit monté au maximum ou presque. Ça le rend plus alerte. On était ensemble, en studio, lorsque Donald Trump a remporté l’élection présidentielle. On travaillait sur DAMN, son dernier album, en suivant du coin de l’oeil CNN et d’un coup, on s’est tous arrêtés. Kendrick a fixé l’écran. Il a dû dire ‘fuck’ une centaine de fois, puis il s’est tu et il s’est remis immédiatement au boulot, sans rien dire d’autre. Il donnait l’impression qu’il avait vu venir tout ça depuis longtemps.”