Le supermarché dont vous êtes le(la) patron(ne)
Chez Superquinquin, enseigne coopérative de la région lilloise, les clients mettent la main à la pâte. Et pour cause, ils sont aussi à la tête du magasin.
Un Français sur deux pratique la consommation collaborative. En partenariat avec la MAIF, Society vous raconte ce nouveau monde plein de surprises.
Faut-il ouvrir le dimanche matin? Cet automne, une grosse centaine de Lillois se sont retrouvés à La Grappe, un espace de coworking, pour débattre de l’épineuse question. Tous les trois mois, les membres du supermarché coopératif Superquinquin se réunissent en assemblée générale pour évoquer les prochaines grandes manoeuvres. L’assemblée soulève les difficultés, soupèse les avantages puis vote à main levée –ou non, selon l’humeur du moment. “En l’occurrence, on a choisi de ne pas prendre de décision sur le dimanche. On a décidé que l’on n’était pas prêts et que l’on allait attendre”, indique Nicolas Philippe, coordinateur général du magasin. Un fonctionnement démocratique, marque de fabrique de Superquinquin. Dans ce supermarché de 300 mètres carrés planté dans une ruelle de Fives, un quartier populaire lillois, pas de patron ni de hiérarchie. Pour prendre part aux décisions, il faut devenir membre de la coopérative. Et pour cela, il suffit d’acheter des parts de la société, à hauteur de 100 euros. Une fois membre, le coopérateur s’engage à donner trois heures de bénévolat par mois pour aider au fonctionnement de Superquinquin: tenir la caisse, recevoir les livraisons, s’occuper de la mise en rayon ou bien encore nettoyer les lieux. Depuis le lancement du commerce en avril 2017, près de 1 000 bénévoles y travaillent à tour de rôle, encadrés par trois salariés cadres. Ici, ceux qui font tourner la boutique sont aussi les clients. “Il est obligatoire d’être coopérateur pour avoir le droit d’acheter dans le magasin, explique Nicolas Philippe. Quelqu’un qui passe pour acheter une bouteille de lait en dépannage, on lui dit que ce n’est pas possible.”
Modèle brooklynien
Cet après-midi, Didier a étiqueté un arrivage de poissons, rangé des paquets au frais puis réglé les ruptures de stock dans les rayons. Cet enseignant lillois de 53 ans s’acquitte chaque mois de ses trois heures de bénévolat, affublé d’un tablier vert fluo à l’effigie de l’enseigne. “L’idée m’a tout de suite intéressé, je cherchais depuis longtemps une autre façon d’acheter. On avait déjà essayé différents paniers bio hebdomadaires et ça ne nous convenait pas tellement, parce qu’on n’avait pas vraiment le choix des produits... Cette façon de disposer d’une épicerie, d’un supermarché équitable et solidaire où l’on peut trouver exactement ce que l’on cherche, ça me va bien.” Tous l’assurent: le profil des sociétaires est extrêmement varié. Étudiants, retraités, actifs, habitants du quartier ou vivant à quelques kilomètres de Fives… Nicolas Philippe: “On souhaite un lieu où l’on n’est pas tous pareils, où l’on se rencontre, où l’on confronte différents points de vue et différentes habitudes alimentaires.” Car Superquinquin ne se présente pas comme une enseigne bio: sur les 2 500 références proposées par le magasin, certaines proviennent de l’agriculture locale, d’autres sont des produits conventionnels à bas prix. Message envoyé: il en faut pour tous les goûts. “On n’est pas là pour juger la consommation des gens, appuie le coordinateur général. Pour éviter que les clients soient obligés de retourner au supermarché classique juste pour acheter leur Nutella, ça m’est égal d’en mettre dans le magasin.” À terme, la supérette voudrait brasser les populations lilloises, à l’image de son modèle, la Park Slope Food Coop de Brooklyn. Une coopérative new-yorkaise de 16 000 membres, créée en 1973 et dépeinte dans le documentaire Food Coop comme un melting-pot parfait entre hipsters vegan et populations plus modestes. En attendant l’ouverture d’un espace trois fois plus grand prévue pour 2020, toujours à Lille, les membres de Superquinquin tâchent déjà de se mettre d’accord sur une playlist commune. Cette fois, pas d’assemblée générale ni de vote à main levée, mais un petit cahier posé à l’entrée dans lequel chacun griffonne le nom de son morceau préféré. Plusieurs titres sortent du lot: Les Corons de Pierre Bachelet, l’hymne du bassin minier du Nord-pas-de-calais, mais aussi Paralyzed, tube du rockeur californien Hanni El Khatib. Pour tous les goûts, on vous dit.
“On souhaite un lieu où l’on n’est pas tous pareils, où l’on se rencontre” Nicolas Philippe, coordinateur général du magasin
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