Society (France)

Le supermarch­é dont vous êtes le(la) patron(ne)

Chez Superquinq­uin, enseigne coopérativ­e de la région lilloise, les clients mettent la main à la pâte. Et pour cause, ils sont aussi à la tête du magasin.

- – GRÉGOIRE BELHOSTE

Un Français sur deux pratique la consommati­on collaborat­ive. En partenaria­t avec la MAIF, Society vous raconte ce nouveau monde plein de surprises.

Faut-il ouvrir le dimanche matin? Cet automne, une grosse centaine de Lillois se sont retrouvés à La Grappe, un espace de coworking, pour débattre de l’épineuse question. Tous les trois mois, les membres du supermarch­é coopératif Superquinq­uin se réunissent en assemblée générale pour évoquer les prochaines grandes manoeuvres. L’assemblée soulève les difficulté­s, soupèse les avantages puis vote à main levée –ou non, selon l’humeur du moment. “En l’occurrence, on a choisi de ne pas prendre de décision sur le dimanche. On a décidé que l’on n’était pas prêts et que l’on allait attendre”, indique Nicolas Philippe, coordinate­ur général du magasin. Un fonctionne­ment démocratiq­ue, marque de fabrique de Superquinq­uin. Dans ce supermarch­é de 300 mètres carrés planté dans une ruelle de Fives, un quartier populaire lillois, pas de patron ni de hiérarchie. Pour prendre part aux décisions, il faut devenir membre de la coopérativ­e. Et pour cela, il suffit d’acheter des parts de la société, à hauteur de 100 euros. Une fois membre, le coopérateu­r s’engage à donner trois heures de bénévolat par mois pour aider au fonctionne­ment de Superquinq­uin: tenir la caisse, recevoir les livraisons, s’occuper de la mise en rayon ou bien encore nettoyer les lieux. Depuis le lancement du commerce en avril 2017, près de 1 000 bénévoles y travaillen­t à tour de rôle, encadrés par trois salariés cadres. Ici, ceux qui font tourner la boutique sont aussi les clients. “Il est obligatoir­e d’être coopérateu­r pour avoir le droit d’acheter dans le magasin, explique Nicolas Philippe. Quelqu’un qui passe pour acheter une bouteille de lait en dépannage, on lui dit que ce n’est pas possible.”

Modèle brooklynie­n

Cet après-midi, Didier a étiqueté un arrivage de poissons, rangé des paquets au frais puis réglé les ruptures de stock dans les rayons. Cet enseignant lillois de 53 ans s’acquitte chaque mois de ses trois heures de bénévolat, affublé d’un tablier vert fluo à l’effigie de l’enseigne. “L’idée m’a tout de suite intéressé, je cherchais depuis longtemps une autre façon d’acheter. On avait déjà essayé différents paniers bio hebdomadai­res et ça ne nous convenait pas tellement, parce qu’on n’avait pas vraiment le choix des produits... Cette façon de disposer d’une épicerie, d’un supermarch­é équitable et solidaire où l’on peut trouver exactement ce que l’on cherche, ça me va bien.” Tous l’assurent: le profil des sociétaire­s est extrêmemen­t varié. Étudiants, retraités, actifs, habitants du quartier ou vivant à quelques kilomètres de Fives… Nicolas Philippe: “On souhaite un lieu où l’on n’est pas tous pareils, où l’on se rencontre, où l’on confronte différents points de vue et différente­s habitudes alimentair­es.” Car Superquinq­uin ne se présente pas comme une enseigne bio: sur les 2 500 références proposées par le magasin, certaines proviennen­t de l’agricultur­e locale, d’autres sont des produits convention­nels à bas prix. Message envoyé: il en faut pour tous les goûts. “On n’est pas là pour juger la consommati­on des gens, appuie le coordinate­ur général. Pour éviter que les clients soient obligés de retourner au supermarch­é classique juste pour acheter leur Nutella, ça m’est égal d’en mettre dans le magasin.” À terme, la supérette voudrait brasser les population­s lilloises, à l’image de son modèle, la Park Slope Food Coop de Brooklyn. Une coopérativ­e new-yorkaise de 16 000 membres, créée en 1973 et dépeinte dans le documentai­re Food Coop comme un melting-pot parfait entre hipsters vegan et population­s plus modestes. En attendant l’ouverture d’un espace trois fois plus grand prévue pour 2020, toujours à Lille, les membres de Superquinq­uin tâchent déjà de se mettre d’accord sur une playlist commune. Cette fois, pas d’assemblée générale ni de vote à main levée, mais un petit cahier posé à l’entrée dans lequel chacun griffonne le nom de son morceau préféré. Plusieurs titres sortent du lot: Les Corons de Pierre Bachelet, l’hymne du bassin minier du Nord-pas-de-calais, mais aussi Paralyzed, tube du rockeur californie­n Hanni El Khatib. Pour tous les goûts, on vous dit.

“On souhaite un lieu où l’on n’est pas tous pareils, où l’on se rencontre” Nicolas Philippe, coordinate­ur général du magasin

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