Society (France)

La série de l’été – Enquêteurs

- PAR WILLIAM THORP, À PORTLAND, OREGON PHOTOS: ALANA PATERSON POUR SOCIETY

C’est l’histoire d’hommes et de femmes qui sont lancés dans une quête a priori perdue d’avance, mais qui leur prend tout leur temps: retrouver un trésor, prouver l’existence d’une bête, démontrer scientifiq­uement quelque chose qui n’existe pas… Premier épisode cette semaine avec les aventurier­s partis à la recherche du Bigfoot, le yeti américain.

Les forêts de l’ouest américain regorgent d’ours, cougars et autres bêtes sauvages. Mais il en est une plus mythique que les autres: le Bigfoot, sorte de yeti local, que personne n’a jamais capturé mais dont la légende passe de génération en génération. Encore aujourd’hui, ils sont des dizaines à partir chaque année à la recherche de cette créature mi-homme, mi-gorille. On les a accompagné­s dans leur quête.

"Putain, quelqu’un a pris le spray antiours?” demande Jason, casquette vissée sur le crâne et tatouage du drapeau américain sur le bras. “Non, je ne pense pas. Mais prends-le au cas où”, répond Russ, engoncé dans un large sweat noir, debout devant les pick-up. Les phares éclairent les dix premiers mètres, mais le reste n’est qu’obscurité. Les pins et sapins, hauts d’une dizaine de mètres, longent le mince sentier sur lequel les deux véhicules se sont garés l’un derrière l’autre. À côté d’eux, Shelly, 54 ans, enveloppée dans une combinaiso­n camouflage, vérifie sa lunette de vision nocturne. “Prête”, dit-elle. Garrett et Steve, lampe frontale sur le crâne, écoutent simplement la forêt. Face à eux se dresse la face sud du mont Hood. Portland, la grande ville de l’oregon, est à plusieurs heures de voiture. “On est seuls, ici”, souffle Shelly. Et les ours, cougars et autres bestioles qui rôdent entre les arbres? Pas de quoi inquiéter les aventurier­s. “J’ai grandi dans le Montana, et tous ceux qui sont nés là-bas sont chasseurs et armés”, dit Russ, 56 ans. Une cinquantai­ne de mètres plus loin, après un fossé creusé par une chute d’arbres, Russ et Shelly modifient la lumière blanche de leur lampe frontale en un léger halo rouge. “Il fuit devant la lumière”, reprend Shelly, mystérieus­e. Il? Le Bigfoot, une bête mythique mi-homme, mi-singe, censée peupler discrèteme­nt les forêts des États-unis et du Canada. C’est cette créature que ces hommes et femmes sont venus pister cette nuit de juin, malgré une températur­e proche de 0°C. “Woooop!” hurle soudain Russ alors que Shelly frappe un arbre avec un bout de bois. Puis il tourne brusquemen­t la tête comme s’il avait entendu un bruit de l’autre côté. “Je dis toujours que lorsque vous frappez un coup sur un arbre pour l’appeler, vous devez être prêt mentalemen­t à ce qu’il vous réponde. Car il est là.”

“Ici, tu es seul avec ton couteau”

Retour une dizaine d’heures plus tôt. Joe Beelart, 70 ans et une main recouverte de pansements, roule vers le fond des forêts. Joe est l’auteur, avec Cliff Olson, de The Oregon Bigfoot Highway, un livre écrit comme une enquête, avec noms de code et témoignage­s anonymes, sur la possible existence de la bête. Pour cet ancien militaire, tout a commencé au coeur des années 90. C’était peu de temps après Noël. Alors que Joe est avec ses jeunes neveux, âgés de 8 et 10 ans, il décide de les emmener voir des cerfs. “C’est quelque chose de fréquent dans l’ouest”, dit-il. Mais l’expédition prend vite une autre tournure. “Je pensais que c’était un ours, reprend Joe en évoquant la rencontre qu’il fit ce soir-là dans les bois. Puis il s’est retourné et nous a regardés. Ce n’était pas un ours. Cela ressemblai­t à un énorme homme poilu. Il était nu et trempé, et semblait irrité de nous voir ici. Ça a duré quelques secondes, puis il est parti.” Quelques années plus tard, en 1998, Joe découvre en surfant sur Internet que des professeur­s ont travaillé sur le sujet et que des organisati­ons très sérieuses se sont formées. Il se rapproche de la Western Bigfoot Society, composée de “croyants” comme lui. Il y fait la connaissan­ce de Peter Byrne, un Irlandais déjà parti chercher le yeti dans les montagnes népalaises ; de Todd “Zilla”, pour Godzilla, un homme qui jure avoir vu trois Bigfoot d’un coup, en 1993, alors qu’il était dans l’armée ; ou encore de Cliff Olson, qui deviendra son coauteur. Tous deviennent des amis. Des gens à qui Joe peut “enfin parler”. Car sa femme, à l’époque, ne veut pas entendre un mot de ces histoires, de peur que son mari “passe pour un fou”. Quant aux voisins, ce n’est même pas la peine d’y penser. “L’oregon est très traditionn­aliste. Quiconque a des idées qui ne sont pas ‘bonnes’ est mal regardé ici. C’est le genre de région où vous pouvez croire en Dieu, mais pas au Bigfoot.” En 20 ans, Joe dit avoir fait plus de 200 sorties en forêt et avoir aperçu “trois fois” le Bigfoot. Un joli résultat, à l’écouter. “Il faut en général environ 20 ans d’expédition­s pour en voir un”, dit-il, sûr de son chiffre. Son pick-up suit le courant de la rivière Clackamas. D’un mouvement de menton, il montre une petite bicoque en bois qui sert de toilettes aux randonneur­s. “Il y a quelques années, des gars l’ont fait exploser avec de la dynamite, dit-il. C’était un bâtiment fédéral. Le lendemain, le FBI et les flics ont déboulé. Ils n’ont jamais chopé les gars qui avaient fait ça...” Joe dit que c’étaient des “rednecks, sans aucun doute”, le genre d’individus pour qui le deuxième amendement, celui qui garantit le port d’armes à chaque citoyen, est un peu plus qu’une simple ligne sur un texte de loi. “Des types armés qui n’aiment pas grand-chose et pas grand monde.” Des gars à éviter autant que les ours et cougars quand on part à la recherche de Bigfoot, reprend Joe. “Un jour, un de ces gars est venu me voir un flingue à la main pendant que je campais, et il m’a dit: ‘Je veux la glacière.’ Je lui ai répondu: ‘Fais-toi plaisir.’ J’avais laissé mon arme dans la voiture.” Depuis, Joe fait attention. Quand un homme le double en montagne, pile devant lui et sort un fusil à la main, il a déjà le pistolet pointé sur lui. “Là où on va, il n’y a personne: pas de police, pas de réseau et les transmissi­ons radio sont mauvaises. Donc tu es seul avec ton couteau, prévient-il. C’est le far west.”

“La plus grande preuve qu’ils sont parmi nous”

Après des kilomètres et des kilomètres, Joe stoppe son véhicule à l’orée d’une clairière, là où stationnen­t déjà les pick-up de Shelly, Russ, Garrett, Steve, Jason et les autres. Devant chaque véhicule, une tente, un abri ou un sac de couchage. Dave, 62 ans, s’avance vers Joe et vient lui serrer vigoureuse­ment la main, avant de retourner au feu de camp. Il y a deux mois, Dave s’est fait tatouer un Bigfoot sur une large partie de son avant-bras gauche. “Je rendais visite à ma soeur près de Bakersfiel­d, en Californie, et je suis passé devant un tatoueur qui proposait cela sur sa vitrine. Je lui ai dit: ‘Vous êtes dispo? Oui? OK.’ Et hop! en une heure, c’était fait, rigole-t-il. J’étais bourré.” Si Dave est ici ce soir, c’est en grande partie à cause d’une vidéo qu’il a vue quand il avait 11 ans. Celle qui est érigée par tous les “croyants” du Bigfoot comme la preuve de son existence: The Patterson-gimlin Film. Un document d’une minute à peine, tourné en 1967 en Californie du Nord par Roger Patterson et Robert Gimlin, dans lequel apparaît furtivemen­t une bête qui ressemble à un gorille, mais qui présente un visage différent et une démarche humaine. “C’est la plus grande preuve qu’ils sont là, parmi nous, assure-t-il. Il y a des anthropolo­gues, des experts, des scientifiq­ues qui ont vu ce film, et qui disent que tout ce que l’on y voit est réel. À un moment, tu vois les muscles de sa jambe se raidir. Il est impossible qu’en 1967, des personnes soient parvenues à fabriquer un

Shelly, 54 ans, enveloppée dans une combinaiso­n camouflage, vérifie sa lunette de vision nocturne.“prête”, dit-elle

costume qui apparaisse si naturel. Patterson et Gimlin ont touché le jackpot.” Dave vit depuis des années dans l’attente d’un moment comparable. Un peu comme tout le monde au camp, il a eu une expérience avec le Bigfoot, une fois. Mais un peu comme tout le monde au camp, et à l’inverse de Gimlin et Patterson, Dave n’en est pas sûr à 100%, et n’a rapporté aucune preuve. Il raconte quand même. “Je marchais de nuit dans la forêt avec des amis. Tout à coup, on a entendu deux pierres s’entrechoqu­er. J’ai fait deux ‘Woop!’ et j’ai entendu ‘Woop! Woop!’ au loin. J’en ai refait un, et ça a répondu à un autre endroit. Puis, plus rien. On était sur le cul. Qui d’autre ferait ça, à part un Bigfoot?” Dave se retourne vers Barbara, à l’origine, avec Russ, de cette expédition. “Tu penses que je dis des conneries ou tu me crois?” “Tu dis que des conneries”, rigole-t-elle. “Certains ont peur de passer pour fous à raconter leur histoire, mais moi je m’en fous, je le suis déjà”, s’esclaffe-t-il à son tour.

Sur le pick-up de Shelly flottent deux drapeaux: ceux des États-unis et du Texas. “Mon père est un ancien policier infiltré qui ressemble à Chuck Norris. Il porte un grand chapeau blanc, des bottes et un jean”, explique-t-elle. Shelly a, de par ce père, des origines amérindien­nes. Même si elle “n’en parle pas en famille”, elle dit que ce sang qui coule dans ses veines a peut-être joué dans sa décision de se lancer à la recherche du Bigfoot, très présent dans les mythes des Amérindien­s – qui, eux, le surnomment sasquatch. Ce n’est pas la seul raison. “Mon mari l’a vécu”, dit-elle aussi. Dans les années 80, Don avait l’habitude de chasser dans la forêt nationale d’angelina, au Texas. Un soir, alors qu’il est seul, l’homme entend une bête tourner autour de sa tente, casser des branches puis passer son chemin. Elle marche comme un humain, mais semble bien plus massive. Le lendemain soir, l’animal revient. “Cette fois, Don a pris ses cliques et ses claques et s’est enfui, poursuit Shelly. Pendant 25 ans, il m’a dit qu’il ne savait pas ce que c’était. Et puis un jour, je lui ai demandé: ‘C’était un Bigfoot, n’est-ce pas?’ Et il m’a répondu qu’il ne me l’avait pas dit parce qu’il ne voulait pas que je le prenne pour un fou. Ça fait 40 ans

“Il y a des anthropolo­gues, des experts, des scientifiq­ues qui ont vu ce film et qui disent que tout ce que l’on y voit est réel. À un moment, tu vois les muscles de sa jambe se raidir”

Dave, à propos d’une vidéo montrant le Bigfoot

que je suis avec lui, je sais qu’il ne me mentirait pas.” Chaque été, Shelly, qui collection­ne les documentai­res, reportages et articles sur le sujet, emprunte les autoroutes américaine­s et campe dans les forêts du pays à la recherche de la bête. La voilà d’ailleurs qui sort de son pick-up une large mallette recouverte d’autocollan­ts “Bigfoot”. Dedans: un arsenal de câbles, dictaphone­s, caméras, etc. “J’ai aussi des kits d’extraction D’ADN tout prêts pour récolter les empreintes et poils sans les contaminer”, dit-elle en sortant deux pochettes transparen­tes –le “Wildlife DNA Kit”–, dans lesquelles se trouvent un manuel d’utilisatio­n, des gants, des Cotons-tiges, un petit bocal, des ciseaux et d’autres ustensiles destinés à faire de ce sachet la parfaite trousse d’anthropolo­gue. Une manière d’être prête en toutes circonstan­ces. Et de ne pas crier au loup pour rien. “Dans la compagnie des chercheurs du ‘BF’, certains n’y connaissen­t rien. Ils voient une empreinte au sol et disent: ‘Oh! C’est un Bigfoot’, se désolet-elle. Non, ça c’est un ours. Ils entendent une branche craquer: ‘Oh! C’est un Bigfoot, cette fois, c’est sûr!’ Non, c’est un cerf.” Shelly dégaine un couteau. Comme la plupart des campeurs, elle dit ne jamais sortir sans une arme. “Je n’ai pas envie, comme ça m’arrive de temps en temps, qu’un mec vienne me voir le soir et me demande où est mon homme”, explique-t-elle. Puis, levant son couteau: “Ça, c’est mon homme!” Et si le visiteur du soir n’est autre qu’un Bigfoot? “Je ne sais pas comment je réagirais. Je pense que j’aurais peur de finir en burrito. Les personnes qui disent qu’elles n’auraient pas peur mentent. Tous ceux qui l’ont vu se sont pissé dessus.” Jason et Russ observent les kits de prélèvemen­t D’ADN de Shelly. “–Nous aussi, on connaît un gars comme ça, dit Russ. Hein, Jason? –Oh ouais. –Le gars avait fait 30 ans chez les Marines. Un soir, alors qu’il sortait dans les bois avec sa copine, il est tombé nez à nez avec un Bigfoot. Il l’a bien vu, il était à quelques mètres à peine, puis la bête a disparu d’un coup, comme ça. –Notre ami est rentré au camp et a pleuré en racontant l’histoire. Personne ne l’avait jamais vu comme ça.” Russ frotte ses pieds contre le sol puis, comme pour se faire peur, s’interroge à haute voix: “Qu’est-ce qu’un mec qui a fait toutes ces années chez les Marines a pu voir pour pleurer comme ça devant tout le monde?” Dans la communauté des “chercheurs” de Bigfoot, deux clans s’affrontent. Celui des “fresh and blood” (appelés aussi “Apers”) et celui des “Woo”. Le premier, qui est majoritair­e, pense que le Bigfoot est fait “de chair et de sang” et qu’il est, en quelque sorte, un cousin du singe et de l’homme. Pour le second, l’affaire est plus compliquée. Les Woo pensent que la bête est issue d’une quatrième dimension plus ou moins connectée avec les ovnis, qu’elle est douée d’une intelligen­ce supérieure, peut communique­r par télépathie, se rendre invisible et tout un tas d’autres choses paranormal­es. Thom Powell, la cinquantai­ne, fait partie des Woo. Un paquet d’amandes est ouvert devant lui et deux verres de vin sont posés sur la table. Cet ancien professeur de sciences dit qu’il était comme les autres, avant. “J’aimais bien parler de ce sujet, mais je ne prenais pas la chose au sérieux. Pour moi, c’était aussi ridicule que le monstre du Loch Ness.” Puis il s’est pris au jeu. Il a rejoint des groupes sur Internet, a participé à quelques expédition­s. Un jour, il fait la connaissan­ce d’une famille qui vit à Onalaska, une petite ville dans l’état de Washington. Ses membres lui disent être régulièrem­ent témoins de choses étonnantes, et qu’ils “les” voient, parfois. Thom Powell décide d’installer des caméras dans les bois. “Pendant deux ans, ça n’a rien donné.” Jusqu’à ce qu’on lui conseille de parler avec un certain “Crazy” Rick, qui dit être en communicat­ion télépathiq­ue avec les Bigfoot. “Je n’y croyais pas trop mais tout de même, je suis allé demander aux membres de l’autre famille s’ils entendaien­t aussi des voix. Et là, ils se sont regardés, et le mari a chuchoté: ‘On lui dit?’, puis: ‘Oui, on l’a vécu. Mais c’est surtout notre fille. Elle se réveille souvent la nuit avec une voix qui lui dit: ‘Viens et joue avec nous.’” Plus tard, sa femme a entendu à son tour une voix qui lui a soufflé: “Arrête de nous piéger.” “J’ai tout de suite compris qu’ils n’aimaient

pas les caméras, reprend Thom. On a ensuite essayé de discuter avec eux par télépathie, de leur demander de se laisser prendre en photo ou de nous donner une preuve, comme un os, par exemple. Et à chaque fois, on avait, les jours suivants, une forme dessinée sur les caméras ou un os laissé au même emplacemen­t.” L’homme vide la fin de son verre de vin rouge et se lève pour observer le ravin derrière lui, comme pour donner un peu de prestance à ce qu’il va dire. “Si une personne dit l’avoir vu, ça ne veut rien dire. Mais quand il s’agit de plus de 50 personnes, tu dois accepter la chose, non?”

Il est 1h. Russ, Jason et les autres continuent de regarder vers l’horizon, éclairés par la pleine lune. “Je trouve que les Woo décrédibil­isent ce que l’on fait. Ils nous font passer pour des fous”, s’agace Shelly. Depuis le début de la marche, rien à signaler. “Vous avez déjà essayé des hurlements?” questionne Steve, le nouveau de la bande, en brisant le silence d’un cri puissant qui coule sur les arbres et résonne au loin. Sans réponse. Ennuyés autant que frigorifié­s, les aventurier­s décident de remonter en voiture et de retourner au feu de camp. Un peu comme ces joueurs invétérés qui pensent que la partie suivante sera la bonne, Shelly ne cesse de regarder par intermitte­nce dans sa lunette de vision nocturne sur le retour. Si le Bigfoot existe, il n’avait pas envie de le prouver ce soir. Aucun des autres groupes partis crapahuter dans la forêt n’a vu ni entendu quelque chose. Mais est-ce vraiment important? “Chercher le Bigfoot, c’est plus que cela pour moi, dit Shelly, désormais debout face aux flammes. J’aime vivre en ville, dans ma maison, mais quand je suis seule dans la forêt, mon esprit est concentré sur les choses primordial­es comme trouver un endroit pour être en sécurité ou savoir ce que je vais manger le soir. Je suis connectée à tout ce qui m’entoure.” La plupart des membres de The Bigfoot Field Researcher­s Organizati­on devraient d’ailleurs rester ici encore plusieurs nuits. Avant de tenter leur chance ailleurs. “Vous savez, les chercheurs du Bigfoot sont un peu comme des surfeurs à la recherche de ‘la grosse vague’. Comme eux, ils ne trouvent jamais vraiment, mais pour autant, ils ne s’arrêtent jamais de chercher.”

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Kit de prélévemen­t ADN. La malette de Shelly.
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Thom Powell.
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