“Le CBD n’est pas un stupéfiant”
Depuis juin, dans tout l’hexagone, des dizaines d’enseignes proposent du cannabis “légal” à usage récréatif, le cannabidiol (CBD). Ce qui n’a pas échappé au ministère de la Justice. Fin juillet, les pouvoirs publics adressaient une note aux parquets de France pour mettre fin à cette activité. De leur côté, les commerçants ripostent. Le point avec Sabrina Forster, de L’épicerie du Loft, à Metz, et porte-parole du Syndicat des compagnons du CBD.
C’est quoi, le CBD? Le cannabidiol, la molécule psychoactive et non psychotrope du cannabis. Quand on la fume, on ressent l’effet de détente musculaire du cannabis mais pas l’effet de trip, ça n’influe pas sur la mémoire ni sur les capacités du cerveau. Dans le cannabis classique, il y a surtout du THC, qui donne cet effet de défonce, qui peut rendre parano, etc. La quasi-totalité du CBD vendu en Europe provient de Suisse mais dernièrement, l’espagne s’est mise à en cultiver en toute légalité. On considère que dans le CBD, il y a moins de 0,2% de THC, c’est le critère pour être commercialisé sous cette appellation. Celui que je vends, j’essaie de le trouver à 0,15% ou 0,1% de THC, comme ça, s’il y a des contrôles, je suis sûre d’être en conformité. Enfin, je l’étais…
Que s’est-il passé? Le 23 juillet dernier, le ministère de la Justice a demandé à ce que les produits dérivés du CBD vendus aux particuliers ne contiennent aucune trace de THC. Le courrier a été envoyé aux parquets, partout en France. C’est impossible de trouver des fleurs sans aucune trace de THC, ça n’existe pas! Bref. À partir de cette date, des perquisitions ont été ordonnées. Sur la centaine de commerces qui ont ouvert ces derniers mois, une quinzaine ont été forcés de fermer.
Y a-t-il eu des poursuites? Aucun commerçant n’a été mis en examen pour trafic de stupéfiant. Normal, puisque le CBD n’est pas un stupéfiant. La stratégie de l’état est plus subtile que ça: il lance une guerre économique en procédant à des saisies, à des fermetures et en faisant traîner les procédures juste assez longtemps pour que les petits commerces ne puissent pas tenir le coup financièrement.
Mais vos clients viennent-ils chez vous pour fumer? Je vends les fleurs de CBD dans des sachets destinés à des infusions. Sur l’emballage, il est écrit ‘interdiction de fumer’. Même si je ne suis pas naïve. Bien sûr que la plupart des gens qui m’achètent l’herbe sous cette forme vont la fumer! Mais je ne les incite jamais à le faire. Je ne vends pas de grinder, de cigarette électronique, de feuilles à rouler. Je ne suis pas un coffee shop. D’ailleurs, à titre personnel, je ne fume pas d’herbe. Les commerçants qui vendent du CBD à la manière des coffee shops ont, eux, en partie provoqué la réaction policière de l’état. À Paris, surtout, où la réponse a été très dure, les vendeurs de CBD appelaient leur magasin ‘green house’ ou ‘canna coffee’. Ils ont joué sur l’image très ‘Amsterdam’, ce n’était pas très malin.
Comment allez-vous faire pour survivre? On a décidé de créer le Syndicat des compagnons du CBD, en riposte aux perquisitions. Pour l’instant, on est une dizaine de boutiques de la région de Metz. Quinze autres sont en attente d’adhésion. Le but serait de créer un syndicat national. Sur le plan judiciaire, on espère pouvoir mener une action commune et attaquer la note du ministère. Notre avocat aimerait saisir les juges européens. Mais notre demande prioritaire, c’est de nous permettre de poursuivre notre activité, avec –pourquoi pas– un système de vente
encadrée par l’état.
Et que pensez-vous de ceux qui disent que la solution serait simplement de légaliser le cannabis? Personnellement, je ne suis pas pour la légalisation à titre récréatif. Le THC est une substance qui reste dangereuse. En revanche, je pense que l’usage thérapeutique du cannabis est intéressant pour les malades et je ne comprends pas pourquoi on l’interdit dans ce cas. Que l’on puisse s’en procurer sur ordonnance de manière encadrée comme aux États-unis, je crois que ce serait une avancée.
“L’état lance une guerre économique pour que les petits commerces ne puissent pas tenir le coup financièrement”