STOP AUX PHOTOS D’ÉCRIVAIN(E) EN QUATRIÈME DE COUVERTURE
C’est un visage tout ce qu’il y a de plus banal, légèrement tourné vers la droite. Sur un fond aux teintes douces, il semble se demander quelle attitude adopter pour éviter de ressembler à celui qui hésiterait sur l’attitude à adopter. Il sourit –pas trop surtout, ouh là non!– et mâchouille l’une des branches colorées de ses lunettes. Son regard, dans le vague, affiche une neutralité bienveillante dans l’espoir vain d’avoir l’air intelligent, mystérieux, ou à défaut pas trop con. C’est une photo d’écrivain(e)-type. Elle a posé ses valises balourdes sur la quatrième de couverture du livre que vous alliez acheter, aux côtés d’un rapide résumé et d’une biographie écrite à la troisième personne par l’auteur(e) lui(elle)-même. Vous n’avez aucune idée de l’objet précis de sa dérangeante présence. Sous-discipline de la photographie qui hisse l’art du ratage à des niveaux olympiques, la photo d’écrivain(e) habille les livres comme Kanye West les mannequins: ridiculement. Elle ajoute à l’angoisse pourtant déjà conséquente de voir débouler, à chaque rentrée littéraire, le nouvel Amélie Nothomb celle de voir débouler la nouvelle photo promo d’amélie Nothomb. Sa qualité tutoie les plus grands clichés de candidats Chasse, pêche, nature et traditions à l’élection présidentielle. Tout cela pour un niveau d’utilité digne d’une inscription à Pôle emploi. Car enfin, qu’est-ce qu’une photo d’écrivain(e) en quatrième de couverture sinon une preuve supplémentaire que le ridicule ne tue pas? Ces portraits sont-ils pris sur un bateau pour que le sujet ait systématiquement la tête penchée et le regard qui scrute l’horizon? Et surtout, vous voulez vraiment que l’on sache que c’est vous, l’auteur(e) de ce torchon? Lectrices, lecteurs, ensemble, renvoyons ces photos de classe sans classe aux oubliettes de la littérature.
NOS PROPOSITIONS
À l’instar du CV anonyme, mise en place, en vertu d’une volonté de non-discrimination dans une société toujours prompte à sélectionner au faciès, du livre anonyme, sans photo et éventuellement sans nom d’auteur(e). Voire sans texte. Création d’une banque de photos gratuites comprenant uniquement des portraits non gênants d’hommes et de femmes, de façon à proposer une alternative de qualité au physique des auteur(e)s, fournie par des professionnels de la pose. Création du Goncourt sans photo d’écrivain, récompensant le meilleur livre sans photo d’écrivain en quatrième de couverture.
Ont déjà signé la pétition:
Roman Polanski, Christine Bouquin, Henri Papier, Jean-paul Couve et 65 470 autres