Society (France)

Emile Ratelband

Aux Pays-bas, un homme a peut-être enfin trouvé la solution pour ne jamais vieillir: faire changer sa date de naissance. Parce que après tout, dit-il, “la loi nous autorise à changer de nom, et désormais de sexe, alors pourquoi pas d’âge?” Voici Emile Rat

- – HÉLÈNE COUTARD

Il a 69 ans, peut-être bientôt 49. Pourquoi? Comment? Voici les réponses.

“Je me suis inscrit sur Tinder. Aucun message. Puis, j’ai dit que j’avais 45 ans, et j’ai eu plus de 300 matchs en une heure”

Depuis 40 ans maintenant, Emile Ratelband fait très attention à lui. Il fait 45 minutes de sport par jour, a renoncé au café, au sucre, à la viande. Conséquenc­e: Emile, qui a eu sept enfants et mené une carrière de coach de vie et d’auteur de livres de développem­ent personnel, est en pleine forme. Surtout pour un type comme lui, né le 11 mars 1949 et donc âgé de 69 ans. Sauf qu’emile n’est pas d’accord. Il ne se “sen[t]” pas 69 ans. Alors, il a décidé d’en avoir 49. “Mon âge

biologique est de 42 ans, explique-t-il. Des médecins l’ont prouvé: mon sang est pur, mes articulati­ons sont flexibles, mon coeur est de la bonne taille. J’ai le corps et la santé d’un homme de 42 ans, je me sens comme un homme de 42 ans, je ressemble à un homme de 42 ans. Mais j’ai demandé à en avoir 49, c’est un compte rond.” Le compte rond dont Emile parle, ce sont les 20 ans qu’il aimerait retirer de sa date de naissance grâce à

un recours en justice qu’il a enclenché il y a quelques semaines. D’après lui, cela n’a rien d’exceptionn­el. C’est même

l’évolution logique de notre société: “Nous sommes devenus des citoyens libres. Nous pouvons choisir la ville dans laquelle nous voulons vivre, le genre de relation que nous souhaitons avoir ou le métier que nous voulons exercer. La loi nous autorise à changer de nom, et désormais de sexe. Alors

pourquoi pas d’âge?” La réflexion n’est pas qu’esthétique. Les 69 ans d’emile le ralentisse­nt dans

tous les aspects de sa vie. “Si j’avais 49 ans, je pourrais à nouveau travailler, plaide-t-il. Je pourrais demander un prêt à la banque, rencontrer quelqu’un, peut-être avoir un autre enfant!” Concernant cette dernière assertion, il a une preuve. “Je me suis inscrit sur Tinder. Quand j’ai indiqué mon vrai âge,

je n’ai eu aucun message. Un ami m’a dit de mentir, j’ai dit que j’avais 45 ans, et j’ai eu plus de 300 matchs en une heure. Mais je ne me sentais pas honnête, alors je n’ai pas voulu rencontrer ces femmes.” Quand il va chercher son dernier fils de 8 ans à l’école, le retraité est mal à l’aise. Les autres papas ont 35 ans, et même si pour lui “l’âge n’est qu’un nombre” sans importance, il veut rajeunir “pour [s]on fils”.

“Vous, vous êtes un emmerdeur”

Plus largement, Emile Ratelband pense que “le temps n’existe pas dans l’univers”. Le nombre d’années écoulées depuis la naissance d’un individu ne servirait ainsi

qu’à “le contrôler”. “C’est comme ça que le système s’y prend: votre âge détermine quand vous pouvez voter, conduire, boire. Mais nous n’avons plus de religion ni de gouverneme­nt autoritair­e qui nous contrôle, les gens sont aujourd’hui beaucoup plus conscients et libres. Vous pouvez vous

donner vous-même le bon âge.” Quid des adolescent­s qui se verraient bien déjà adultes? De l’âge légal pour posséder une arme, consentir, parier de l’argent? “On peut mourir en traversant la route!”

rétorque-t-il. Emile Ratelband est prêt à faire un geste. En échange de l’âge qui correspond à l’idée qu’il a de lui-même, il propose de renoncer à sa pension de retraite. Il n’en aura plus besoin, puisqu’il est persuadé de retrouver un travail aisément une fois rajeuni de 20 ans. C’est avec tous ces arguments en poche qu’il s’est rendu dans sa mairie d’arnhem, à une centaine de kilomètres d’amsterdam. Où il n’est pas tout à fait un inconnu. “J’ai retrouvé au guichet un homme qui était déjà là en 1977, quand j’étais venu déclarer mes deux premiers fils. Je voulais les appeler Rolls et Royce, mais la mairie a refusé! Cette fois, j’ai annoncé que je voulais changer mon âge et il m’a dit: ‘Vous, vous êtes un emmerdeur.’” L’homme a refusé –“tout ça parce que je suis le premier à le demander!”–,

alors Emile a envoyé un courrier. Nouveau refus. Il a pris un avocat. L’audience a

eu lieu début novembre. “Ça s’est plutôt bien passé, raconte le Néerlandai­s. Ils ont écouté mes arguments et ils étaient plutôt ouverts. De toute façon, il n’y a pas de loi qui interdit de changer son âge. Je devrais avoir un verdict d’ici un mois, et s’ils refusent, je

saisirai la Cour suprême.” Emile Ratelband est confiant. Il a conclu son exposé de 45 minutes en citant “le libre arbitre” de chacun. En face, le juge s’est tout de même inquiété des 20 ans qu’emile retrancher­ait alors de sa vie. Juridiquem­ent, que faire en effet du Emile Ratelband qui a vécu de 1949 à 1969? Que deviendrai­t cette période, si elle devait être officielle­ment effacée par le nouvel âge d’emile? “Qu’en penseraien­t vos parents? De qui se sont-ils occupés pendant ces années? Qui était ce petit garçon

d’alors?” a notamment demandé l’homme de loi. Là encore, Emile Ratelband avait une réponse toute prête: “Mes parents sont morts.”

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