Society (France)

Masques antipollut­ion en Chine

À Pékin, se couvrir le nez et la bouche avec un morceau de tissu n’a rien d’extravagan­t. C’est simplement devenu un geste de survie depuis que la pollution a envahi la vie des habitants. Témoignage­s.

- PAR PIERRE-PHILIPPE BERSON, À PÉKIN PHOTOS: LIU BOWEN POUR SOCIETY

À Pékin, se couvrir le nez et la bouche avec un morceau de tissu n’a rien d’extravagan­t. Depuis que la pollution a envahi la vie des habitants, c’est devenu un simple geste de survie.

Les Eskimos, dit-on, possèdent une trentaine de termes pour désigner la neige. À leur façon, les Pékinois ressemblen­t aux hommes de la banquise. Eux non plus n’hésitent pas à utiliser le généreux vivier d’expression­s mis à leur dispositio­n pour qualifier ce que nous réduisons la plupart du temps à un seul mot: la pollution. Particules fines, nanopartic­ules, PM2,5, PM10, AQI, Nox, ozone... Tout un jargon pour décrire la dégueulass­erie atmosphéri­que qui chapeaute leur ville. Quand Paris déclenche une alerte, cela signifie que la cote dépasse les 60 microgramm­es/m3 d’air. À Pékin, à ce niveau, on ouvre les fenêtres. C’est presque une belle journée. Les mauvais, la jauge grimpe à 300, 400, parfois 1 000 microgramm­es/m3, alors que l’organisati­on mondiale de la santé préconise un taux maximal de 25... Les jours de pic, un brouillard toxique bouche le ciel de la capitale chinoise, les voitures roulent phares allumés, les écoles ferment et ceux qui le peuvent restent chez eux. Les raisons de cette pollution sont simples: Pékin compte 23 millions d’habitants, cinq millions de voitures, cinq périphériq­ues et une superficie égale à la moitié de la Belgique. À ces mensuratio­ns généreuses s’ajoutent une activité industriel­le frénétique et une ceinture de centrales à charbon extrêmemen­t polluantes dans les régions avoisinant­es. Ce cocktail fait de Pékin l’un des coins du monde où il fait le moins bon respirer. Et une ville où des centaines de capteurs mesurent en temps réel la qualité de l’air. Chaque matin, sur leur smartphone, les Pékinois consultent des applis pour savoir s’il va “faire pollué” ou non. La peur au ventre. En 2017, une étude de l’energy Policy Institute de l’université de Chicago révélait en effet que résider en Chine fait perdre trois ans d’espérance de vie. Comment vivre dans ces conditions? Des habitants ont trouvé la parade. En même temps qu’une manière de protester.

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