Society (France)

Kyan Khojandi

- PAR ARTHUR CERF ET SYLVAIN GOUVERNEUR À NANTES PHOTOS: RÉMY ARTIGES POUR SOCIETY

Il a explosé avec Bref. en 2011. Depuis, il continue de faire rire. Et pourtant… Kyan Khojandi parle ici de sa vision de l’humour, de son enfance, de sa dépression, de la mort, et même de sa “fausse route”.

Il a explosé avec Bref. en 2011 et depuis, il continue de faire rire. Même si la vie n’est pas toujours drôle. Kyan Khojandi, actuelleme­nt en tournée avec son spectacle Une bonne soirée, raconte sa vision de l’humour, son enfance, sa dépression, et même sa “fausse route”...

À la fin de ton dernier spectacle, Pulsions, tu racontes que tu as failli mourir en faisant une ‘fausse route’ avec un bout de pizza… C’était avec une glaire, en fait, dans mon sommeil. À l’époque, je viens d’emménager dans mon appartemen­t. Le soir, je mets le chauffage à fond parce que je ne sais pas encore comment ça chauffe. Ça chauffe trop. Mon corps sèche complèteme­nt, je n’ai plus de salive. Je viens alors de perdre mon père donc la nuit, je me réveille avec des angoisses. Et là, c’est avec un mélange de panique, de blocage d’air et de gorge sèche, ça crée un moment terrible à vivre, et je me dis: ‘Putain, je vais mourir.’ Tu sais que la fausse route est la deuxième cause de mort liée à un accident domestique en France? Ça aurait été une mort ‘normale’, finalement… J’ai très peur du mot ‘normal’. Je trouve qu’il y a une pression sociale à la normalité qui est très dure. Ça participe à la frustratio­n lente et douce qui s’installe dans ta vie, le fait d’être dans la comparaiso­n, dans le jugement, avec la jalousie à trois mètres derrière, qui empoisonne toutes tes petites relations sociales.

Tu disais pourtant que Bref. était une ‘quête de la normalité’. Parce que je remarque que l’on a tous les mêmes barrages sociaux. Par exemple, j’aime bien quand les gens répètent trois fois la même chose. Il n’y a pas longtemps, j’étais avec un mec qui répétait pendant 20 minutes: ‘Bon an, mal an.’ Un truc s’active alors dans mon cerveau: il l’a dit trois fois. Je le note.

Elle a commencé quand, cette quête? Quand j’étais gamin, en CM1. Je me souviens d’un jour en particulie­r. Il est 8h15, on est dans la cour, on a un contrôle juste après –sûrement de maths, parce que avec mon père, j’avais la pression sur les maths– et je demande aux autres: ‘Vous n’avez pas peur? –Bah non, c’est qu’un contrôle de maths.’ J’étais le seul gars à dire que j’avais peur, ce n’était pas normal. Trouver ta place quand tu es gamin, ça passe par plein de mini-exclusions sociales, plein de ‘t’es pas normal’. Je me suis senti exclu d’une forme de normalité. Et plutôt que de dire: ‘Je vous emmerde, je vais créer ma normalité’, j’ai toujours essayé de rattacher les wagons avec les gens. J’en ai presque fait un but dans ma vie, de devenir un ‘gens’. Donc j’ai développé une forme de maladie d’observatio­n.

Grandir à Reims, c’est comment? J’habitais dans un quartier simple, populaire –sans être péjoratif–, avec des gens cool et simples qui avaient une vie rythmée par les week-ends, les sorties, les vacances. Une vie dans un pavillon de banlieue, quoi. Je quittais cet endroit tous les jours pour aller à l’école de musique –des gens d’une classe beaucoup plus aisée– et le week-end, je faisais de la danse hip-hop dans des quartiers, un peu ‘cités’. J’ai grandi avec un père qui avait une culture iranienne, j’étais à l’école de la République, je regardais des séries américaine­s –Macgyver, L’agence tous risques, Starsky et Hutch, Le Rebelle–, Disney Parade, puis Ça Cartoon sur Canal+ et le samedi, on pouvait voir des seins. Je vivais dans un ‘octogone’ de références.

Tu t’ennuyais beaucoup? Oui, mais ça n’a rien à voir avec Reims. Je me serais autant ennuyé à Paris, et d’ailleurs, je m’y ennuie. L’ennui, c’est une question de cerveau. Surtout qu’à Reims, il y avait des activités gratuites pour les gens qui ne partaient pas en vacances, c’était génial. Je faisais de l’alto, le conservato­ire de Reims était hypermoder­ne. Je suis quand même un enfant élevé par les impôts des autres.

Tu étais quel type d’enfant, à l’école? Avec mon pote Gaultier, on n’était dans aucun groupe. On jouait aux jeux vidéo, on était acceptés un peu partout parce qu’on était marrants. On faisait rire les skateurs, les gothiques, les littéraire­s, les dessinateu­rs, les geeks, les nerds, les premiers de la classe comme les derniers. En revanche, entre mes 6 et mes 15 ans, j’étais une victime. Les gens me plaquaient au sol, ils me faisaient pleurer. Sur l’instant, tu crois juste que c’est la vie. Ce n’était pas du harcèlemen­t, mais de la soumission. Je faisais 20 centimètre­s de moins que les autres. Tu arrives au collège, tout le monde commence à avoir son petit corps d’adulte et toi, tu as ton corps d’enfant…

Tu arrives à dater le moment où tu as fait rire pour la première fois? À l’école. Je regardais Les Grosses Têtes avec Guy Montagné, je reprenais les blagues, je les racontais et tout le monde riait. Je me rappelle la sensation: tu enchaînes des mots et ça fait rire les gens. Quand tu es enfant et que tu réalises ça, c’est magique.

Que faisaient tes parents? Ma mère était présidente de la Ligue des droits de l’homme de la section Champagnea­rdenne. Elle a tout donné pendant 20 ans à la cause des migrants. Elle faisait des dossiers à la préfecture pour que les gens ne soient pas renvoyés dans leur pays, elle en a sauvé d’une mort certaine. Elle allait voir des avocats et ils plaidaient la cause en pro bono. D’ailleurs, moi, je n’ai pas grandi avec des ‘migrants’, j’ai grandi avec des ‘réfugiés politiques’. Après, on a dit ‘immigrés’, puis ‘clandestin­s’, alors que c’est juste des gens en galère que personne n’aide.

Tu dis souvent que ton père était un mec marrant. C’était un conteur, surtout. Il était géologue en Iran dans les années 1960-70. Il a fait ses études en Allemagne, où il a rencontré ma mère, puis ils sont allés s’installer en Iran. Elle travaillai­t à l’alliance française, elle donnait des cours de français, tout allait bien. Et à un moment donné, le régime a changé et ils se sont dit: ‘Bon, on a des enfants, il faut partir.’

Tu étais déjà né? Non, je suis né en France, ma mère était enceinte quand ils sont partis. Une Picarde, grande voyageuse. Elle a toujours rêvé de s’extirper un peu de sa famille. Elle est fille de femme de ménage, c’est la première de sa famille qui a eu accès aux études, elle a fait du droit. C’est pour ça que j’ai fait du droit. Il y avait une forme de pression inconscien­te: ‘J’ai eu la chance de le faire, fais-le.’

Tu l’as vécue comment, cette pression? C’est simple, quand j’habitais seul à Paris, vers 23 ou 24 ans, je faisais des rêves où je repassais mon bac et il y avait une épreuve de maths qui se passait dans un amphithéât­re de droit. Ma mère est dans le droit, mon père est dans les maths. J’en ai parlé à mon psy, il m’a fait: ‘Incroyable, ce rêve! Qu’est-ce que ça veut dire à votre avis?’ Moi: ‘Je suis en train de décevoir mes parents. –Ouais, bravo! Vivez avec ça, monsieur.’

Quand ils quittent l’iran, ils arrivent à Reims? Le départ a été chaotique, tout était fermé, mon père a dû partir par la Turquie, il est passé par le désert, puis quand il a réussi à atteindre l’allemagne, ma mère et mes grands-parents sont allés le chercher en voiture pour le ramener à Reims, où habitait ma grand-mère.

C’est lui qui t’a raconté comment il a quitté l’iran? Il ne m’a jamais rien raconté. Après sa mort, j’ai appris qu’un été, sa mère l’avait donné à sa soeur à travers la fenêtre d’un bus et qu’il était parti ainsi, loin de sa famille, pendant deux ans, sans savoir pourquoi. En entendant ça, j’ai compris à quel point mon père était baisé de la tête et je l’ai excusé de pas mal de trucs. Il se disait: ‘Mais je déchire, comme père! Je n’ai jamais mis mon fils dans un bus! Je suis là, je suis cool, il y a à manger ; le matin, je me réveille, je lui fais des petits déjeuners.’

Dans le spectacle, tu racontes qu’il rafistolai­t tout avec du scotch. Il avait surtout un pistolet à colle. Tout était réparé au pistolet à colle, dans la maison. C’était un truc de système D. Chez mes parents, c’était toujours ‘presque.’ C’était ‘presque’ le bordel. On prenait le ‘presque’ truc. Même en ayant les moyens, il y avait ce côté: ‘Il ne faut pas trop...’ Et puis: ‘Il ne faut pas dire...’ J’ai beaucoup grandi dans les ‘Faut pas dire ci, faut pas dire ça.’ Moi, je fais l’inverse, je dis. Mais par exemple, ma grand-mère a divorcé dans les années 1950 en Iran. Eh bien, je l’ai appris très tard. Chez nous, il y a une sorte de ‘classified’ façon CIA sur les dossiers familiaux, des trucs que tu ne peux apprendre que dix ans après la mort des gens.

Tu as passé du temps avec ton père à l’hôpital les derniers mois avant son décès… Oui, et tu te rends compte qu’une visite, c’est rythmé par des gestes, des discussion­s, et par le fait de se demander: ‘Est-ce que c’est aujourd’hui qu’il va mourir?’ Se dire au fond de soi: ‘Ça me ferait tellement de bien qu’il meure enfin.’ Parce que c’est trop dur à vivre. Tu te réveilles le matin et tu as envie que ton père soit mort parce que tu veux mettre un terme à cette souffrance. C’est honteux de se le dire, mais tu penses: ‘Il faut que ça se termine.’

Quelle relation as-tu gardée avec l’iran? La famille iranienne venait souvent en France, tous les six mois. Ils rapportaie­nt du caviar, à l’époque où ça coûtait cinq balles. J’ai toujours parlé le persan. J’en ai gardé une culture de la bouffe. Le mec qui trouve une manière de faire le kebab iranien, j’investis dans son affaire. J’y suis allé une fois en 2009. C’était un peu comme se rendre aux États-unis après avoir bouffé toutes les séries américaine­s. Tu connais. La blague du tuyau dans mon spectacle –pour aller en Iran, c’est simple, tu vas à la première station-service et tu remontes le tuyau–, c’est un truc qui vient de mon voyage là-bas.

Comment s’est passée ton arrivée à Paris? Quand j’arrive, mon but, c’est uniquement de gagner de l’argent pour payer le cours Simon, d’avoir un endroit où dormir, d’aller faire du théâtre, de lire des bouquins de théâtre… J’avais affiché tous les portraits des gens que j’admirais dans ma petite chambre de six mètres carrés. Il y avait Michel Serrault, Jean Poiret, Michel Simon, Jamel, Gad Elmaleh, Philippe Caubère. C’était ça, ma vie. J’avais un futon que ma mère m’avait acheté, je dormais là, j’étais content.

À ce moment-là, tu es au cours Simon. Comment est-ce que tu vis? Je travaille jusqu’à 14h à l’accueil d’une banque. J’ai un ordinateur sur lequel tout est verrouillé sauf un bloc-notes et, bizarremen­t, Dailymotio­n. Donc je passe mes journées à regarder des vidéos et à écrire des blagues. Je m’amuse à faire rire les gens qui passent. C’étaient des millionnai­res et je me disais: si je peux faire rire des millionnai­res à 8h du mat’, c’est que je suis marrant. Je gagnais 998 euros par mois et j’avais besoin de 867 euros pour payer le loyer et le cours de théâtre, donc j’avais une culbute de 130 euros pour mon plaisir, manger, prendre un verre, acheter un livre de théâtre… À une période de ta vie, tu as vécu au RSA. Oui, c’est quand je me suis vraiment lancé. À un moment donné, je n’avais plus les moyens de vivre, donc je suis allé à la CAF. C’était assez dur. C’est là que j’ai commencé à manger de la merde, à grossir. Et c’est pendant cette période que j’ai créé le personnage du mec de Bref. Puis, il y a eu Bref., et j’ai touché mon premier salaire et le RSA en même temps. Alors, j’ai écrit à la CAF: ‘Je vous remercie de m’avoir aidé pendant cette période. J’ai touché un chèque, tout va mieux. Vous avez été d’une humilité formidable et ça m’a aidé à rebondir, merci.’ Le tout avec un chèque de remboursem­ent.

Ton style, c’est un mélange d’influences américaine­s? Pas seulement, parce que je n’ai jamais vu un mec faire ce que je fais aux États-unis. Mais je me suis inspiré de plusieurs styles. Du storytelli­ng de Dane Cook, d’eddie Izzard avec ses running gags, de Bill Burr dans sa manière de dénicher des trouvaille­s dans l’utilisatio­n du micro –et puis il y a un énervement qui me plaît. Un peu de Patton Oswalt aussi, qui parle de choses très sincères. Et de Neal Brennan. Il fait un spectacle qui s’appelle Three Mics. Il y a trois micros sur scène: un pour le stand-up, un où il raconte des histoires et le troisième dans lequel il n’est plus drôle, où il raconte juste des trucs avec son père, sa mère… C’est assez touchant. Mais je m’inspire aussi de Florence Foresti dans sa technicité et ses méthodes de travail.

Tu es allé à New York pour faire des scènes de cinq ou huit minutes dans des comedy clubs. C’était comment? J’ai un peu joué au Stand Up NY. J’avais mes blagues françaises que j’avais un peu adaptées, d’autres que j’avais écrites pour l’occasion. J’ai pris des bides. Pas les meilleurs passages de ma vie.

Qu’est-ce que tu es allé chercher là-bas? C’était en 2009 ou 2010, je n’y étais jamais allé de ma vie, j’avais une fenêtre de quinze jours, je n’avais rien à faire à Paris, j’avais 2 000 euros sur mon compte, je me suis dit: ‘Je vais à New York.’ Tout simplement. J’étais dans une auberge de jeunesse à Brooklyn où pour 400 dollars, tu peux vivre quinze jours. Au Comedy Cellar, j’ai vu Aziz Ansari, Chris Rock et Dave Chappelle en un soir. Après, faut pas croire, aux États-unis, il y a des centaines de comiques qui ne sont pas

“La famille iranienne venait souvent en France et rapportait du caviar, à l’époque où ça coûtait cinq balles. J’en ai gardé une culture de la bouffe. Le mec qui trouve une manière de faire le kebab iranien, j’investis dans son affaire”

bons, qui sont ringards. Mais j’ai vu des gens humbles, des gens dont le métier, depuis 20 ans, c’était de monter sur scène le soir. J’ai compris là-bas qu’il fallait que j’arrête de chercher à réussir. Que je fasse juste mon métier. Ça m’a déstressé sur beaucoup de choses. Trois mois après, j’écrivais Bref. Six mois après, j’étais sur Canal+ et c’était parti.

La période juste avant Bref., on en parle souvent comme celle où tu commençais à être désespéré… Oui, je touchais le fond. C’était une période dure, de déprime forte. Aujourd’hui, beaucoup de choses sont possibles parce que je suis exposé. Quand je propose un projet, c’est simple ; quand j’appelle, les gens décrochent… Mais avant, j’avais les mêmes projets et c’était différent. Il y a un truc que Navo (Bruno Muschio, cocréateur, coscénaris­te et coréalisat­eur de Bref., ndlr) m’a dit et qui a compté, c’est: ‘Kyan, t’inquiète pas, t’es marrant, c’est juste que les gens ne sont pas encore au courant.’

Tu dis aussi que tu as fait une dépression. Ouais, à 25 ans. À ce moment-là, j’ai quitté Reims depuis deux ans, je bosse beaucoup le théâtre, la prof m’aide énormément et ça crée des jalousies. Certains deviennent méchants envers moi, et moi, en réponse, je deviens arrogant. C’est un moment où je n’ai rien réglé de ce qui m’est arrivé –une déception sentimenta­le, des problèmes parentaux et familiaux. Le matin, je travaille à la banque, le soir, j’ai les cours de théâtre et quand je rentre, je discute jusqu’à 2h avec ma copine. Je dors quatre heures par nuit, ça n’a aucun sens. J’ai tellement tiré sur la corde qu’elle a craqué. Comment est-ce que ça s’est matérialis­é? Je me suis mis à voir la vie sous un spectre… Une table m’angoissait. J’avais des fourmis dans les mains et des angoisses en permanence, je n’arrivais plus à dormir, alors que j’en avais vraiment besoin. Et je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je me disais: ‘Je vais mourir.’ Ça a duré huit mois complets, alité, à manger une mandarine ou un kiwi tous les deux jours. Et puis, une fois qu’on en est sorti, on sait qu’on peut le faire. C’est comme quand on s’est fait larguer une fois: on sait qu’on s’en remet.

Et ça, c’est un terreau pour l’humour? Ce n’est pas le seul. Mon dernier spectacle ne parle que d’un mec heureux, par exemple. Après, quand on arrive au fond, on n’est pas loin des puits de pétrole, oui. Mais on se sent très honteux dans la dépression. C’est ce que je dis dans mon spectacle: j’ai compris que ce n’était pas la honte d’aller voir un psy. Mon père rejetait ça, complèteme­nt. Mais quand j’ai dit à mes parents que j’allais voir un psy, ils m’ont soutenu.

Quand l’énorme succès de Bref. te tombe dessus à 30 ans, est-ce que tu as une peur du vide derrière? Il y a toujours une peur du vide, même pendant Bref. Quand on signe une deuxième salve d’épisodes, je me dis: ‘On aurait dû arrêter à l’épisode 40.’ Mais on se rend finalement compte qu’on se renouvelle en permanence. C’est en faisant des choses qu’on se rassure. J’ai fait Pulsions, ça aurait pu être un gros bide, les gens auraient pu dire: ‘C’est nul, n’y allez pas’ et je me serais dit ‘J’aurais dû continuer Bref.’. Mais j’ai l’impression que des personnes adhèrent à ma vision des choses. Comme pour Alexandre Astier: que ce soit Kaamelott, L’exoconfére­nce ou Astérix, c’est l’univers qui intéresse.

En parlant de cette vision, il y a beaucoup de ressorts de Bref. qui reposaient sur la lose…

“Actuelleme­nt, la normalité, c’est censé être la réussite. Mais tu crois qu’un Usain Bolt n’a pas eu des dysenterie­s à l’entraîneme­nt? Les sportifs célèbres, ce sont juste les champions du monde des gens qui se sont chié dessus”

Ce que vous appelez lose, c’est juste de la vie. Actuelleme­nt, la normalité, c’est censé être la réussite. Et le problème avec les gens qui ont réussi, c’est qu’ils vendent une méthode. Il y a des bouquins qui sortent en permanence sur le développem­ent personnel où à toutes les pages, tu lis la promesse de ce qu’il va y avoir dans le bouquin. Quand tu l’achètes, c’est marqué: ‘Comment devenir millionnai­re.’ Tu te tapes un avant-propos, puis un chapitre qui dit: ‘Dans le livre vous saurez…’ L’auteur raconte sa vie, son enfance –on s’en fout– et à chaque nouveau chapitre: ‘Et c’est pourquoi dans ce livre je vous indiquerai comment réussir.’ Tu arrives page 100, tu n’as rien appris. Ça, c’est le mécanisme de l’arnaque. Et puis, en vrai, la réussite, ce n’est que 10% des cas. Tu crois qu’un Usain Bolt n’a pas eu des dysenterie­s à l’entraîneme­nt? Si à ce moment-là, il doit faire une interview avec le caleçon plein de merde, ce n’est plus le mec le plus rapide au monde, ça devient un loser. Les sportifs célèbres, ce sont juste les champions du monde des gens qui se sont chié dessus. Et on les présente comme des vainqueurs. On oublie de le dire. Et il n’y en a jamais un qui va dire: ‘Je remercie Christian, qui m’a donné un caleçon quand je me suis chié dessus.’

On ne t’a pas encore parlé des histoires de plagiat par les humoristes français… Tu connais bien le stand-up américain, tu peux comprendre les mécanismes qui poussent quelqu’un à gonfler un sketch comme ça? Je ne cautionne pas du tout! Le plagiat, c’est une erreur. Mais je peux comprendre ce truc: ‘Ce serait si simple.’ Maintenant, libre à ceux qui ont fait les erreurs de s’excuser et libre à nous de les pardonner. Car quand quelqu’un fait le chemin de s’excuser, c’est important de savoir le saisir, sinon on reproduit Hermione et Andromaque, et quand Andromaque revient au pouvoir et qu’hermione ne l’a pas pardonnée, elle le regrette. C’est bien de savoir accepter les excuses. Soyons humains, arrêtons de nous embrouille­r comme si on était immortels. Mais Copycomic, ça permet d’assainir le plagiat. Moi, je me suis déjà fait plagier, d’ailleurs.

Ça t’a fait quoi? Mal au coeur. J’ai déjà mis un voleur face à sa contradict­ion, ça n’a servi à rien à part lui faire dire du mal de moi dans mon dos derrière. Pourtant, moi, quand quelqu’un fait une bête de vanne, je me dis: ‘Ah l’enculé!’, j’aurais aimé la trouver. Quand Steven Wright dit: ‘Que tous les gens qui croient en la télékinési­e lèvent ma main’, il change juste ‘la’ en ‘ma’ et ça donne une vanne géniale. J’en ai lu une sur Reddit aussi, c’est: ‘Tu connais la différence entre une bonne et une mauvaise vanne le timing!’ Il a juste enlevé la virgule. Du génie.

Tu fais aussi du one line? Oui, mais je les ai toutes mises dans Bloqués, mes one lines… Là, j’ai juste une vanne, je peux vous la donner (il cherche sur son iphone): ‘Je pense que si un jour mon père ressuscite, je donnerai tout au monde pour revivre trois heures avec lui. Et ce moment magique sera juste rattrapé par un: ‘Mais il me saoule, en fait! Il est relou, putain. Allez, retourne dans la mort, là!’ Ça va, elle est bonne? Voir: Pulsions, gratuiteme­nt et en intégralit­é sur Youtube, et Une Bonne Soirée, en tournée dans toute la France, puis dès le 3 avril à L’européen, à Paris

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“Et t’es sur Tinder depuis longtemps?”
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Chienne de vie.

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