Society (France)

L’espionne qui venait du froid

Elena Vavilova, qui vit à Moscou depuis que les États-unis l’ont chassée de leur territoire en 2010 pour “espionnage”, a inspiré la série The Americans. Mais sa vie à elle est bien réelle. La voici racontée par le menu.

- PAR HÉLÈNE COUTARD / PHOTO: ALEXANDER ANUFRIEV POUR SOCIETY

Sa vie est un roman. Elle a d’ailleurs, avec son mari, inspirée la série The Americans. Installée à Moscou depuis que les États-unis l’ont chassée de son territoire en 2010 pour “espionnage”, Elena Vavilova se raconte.

Depuis qu’elle a quitté les États-unis, Tracey a retrouvé un peu de son accent russe. Elle a aussi récupéré son vrai nom, Elena Vavilova. De manière plus générale, elle a récupéré le droit à la transparen­ce et à la vérité. Elle vient d’écrire un livre, The Woman Who Can Keep Secrets, publié par Eksmo, un grand éditeur moscovite, qui se vend comme des petits pains et qui lui a valu, dans son pays, une couverture médiatique de grande ampleur. Au vu de la rapidité avec laquelle elle accepte le principe d’une séance photo, cette nouvelle vie faite de lumière semble la ravir. On peut la comprendre: pendant 30 ans, Elena Vavilova a vécu dans l’ombre. Elle était espionne aux États-unis, pour le compte de la Russie. Une existence faite de mensonges, de manipulati­on et de duperies qui a brutalemen­t pris fin le 27 juin 2010 lors de l’opération “Ghost Stories”, nom de code donné par les services secrets américains à l’arrestatio­n de dix agents russes qui exerçaient sur leur territoire. Une existence nourrissan­t les fantasmes, également: de 2013 à 2018, la vie d’elena Vavilova et de sa famille a servi de carburant scénaristi­que à la série The Americans, dans laquelle Elena et son mari, Andrei Bezrukov, sont maquillés en Elizabeth et Philip Jennings. L’ancienne espionne a regardé la série. Elle a “bien aimé”, à une réserve près: “Cela ne ressemblai­t pas à notre vie de tous les jours.”

Elle a mis neuf ans à écrire son livre, qu’elle présente comme un roman, même si tout le monde a bien compris que c’est ce que l’on appelle un “roman à clés”. “J’avais besoin de temps pour réfléchir à ma vie et à ma profession, et je voulais aussi donner ma version de l’histoire, justifiet-elle. Raconter ce qu’était vraiment ma vie, sans les meurtres à droite, à gauche, sans le côté James Bond, sans la vision de l’ouest.” Elena Vavilova voulait aussi dire pourquoi elle a choisi cette vie. C’était les années 80, explique-t-elle par téléphone ; le temps de L’URSS et de la guerre froide. “On sentait que la paix était précaire. En tant que jeune fille, je voulais faire quelque chose pour la maintenir. Travailler avec les services secrets me permettait de faire ma part pour lutter contre un plan agressif de l’étranger. On était élevés, à l’époque, dans l’idée qu’il fallait se protéger.” Elena Vavilova est originaire de Sibérie. Fille de professeur­s d’université, c’est une petite fille “active, qui fait de la danse, du violon, du patin”. Son rêve est de devenir actrice. Elle tente vaguement sa chance après le lycée, mais finit par s’inscrire en fac d’histoire. C’est là qu’elle rencontre Andrei Bezrukov. Peu de temps après, le couple est approché par les services de renseignem­ent soviétique­s, qui tentent de recruter les meilleurs élèves de l’université. “Les gens pensent souvent que j’ai été engagée via Andrei, mais c’est faux, remet-elle. On a tous les deux été repérés séparément et quand on leur a dit qu’on était ensemble, les recruteurs ont forcément été plus intéressés parce que c’est pratique d’avoir un vrai couple.” On leur propose de commencer un entraîneme­nt intensif pour devenir des “illégaux”, ces espions infiltrés derrière les lignes ennemies. Ils réfléchiss­ent séparément, et acceptent. Le couple se marie en Sibérie et débarque dans la banlieue de Moscou, où se trouve le siège du KGB. L’entraîneme­nt est intense: “Le plus important était d’apprendre le français et l’anglais. Les illégaux doivent être capables de passer pour des locaux, donc il faut parler parfaiteme­nt, sans accent. Ça a pris du temps. J’ai appris aussi un peu d’autodéfens­e ou comment chiffrer un message.” Le KGB installe également le couple dans une maison “à l’américaine”. “À l’époque, en Russie, on n’avait pas accès à tous les équipement­s de l’ouest. Il fallait donc qu’on s’habitue à vivre naturellem­ent avec certains accessoire­s de cuisine, à lire des magazines et regarder des films en anglais. C’était toute une culture qu’il fallait apprendre. Mon désir d’être actrice a été un peu comblé, finalement.” À la fin des années 80, la formation touche à sa fin. Elena et Andrei sont prêts. Ils partent pour la première partie de leur mission: le Canada.

Dans la “légende”

C’est là-bas qu’elena Vavilova et Andrei Bezrukov deviennent Tracey Foley et Donald Heathfield, des noms volés à des nourrisson­s canadiens décédés. Elena raconte leur “légende”: “Au début, on vivait dans des endroits différents. Moi au Québec, et lui dans le Canada anglophone. Et puis, un jour, on s’est ‘rencontrés’ dans un train. On était intéressés par les mêmes choses, on aimait tous les deux voyager et la culture française. Et finalement, on s’est mariés. C’est ça qu’on racontait aux gens.” Le couple n’a pas vraiment de mission au Canada, à part celle de vivre une vie normale et de se construire des souvenirs communs crédibles qu’ils pourront utiliser par la suite pour consolider leur couverture. Mais en 1991, L’URSS s’effondre. “On se demandait si le nouveau gouverneme­nt voudrait toujours de notre mission ou si on allait devoir rentrer et se trouver un autre travail”, se souvient l’espionne. Finalement, les “illégaux” restent. Parce qu’ils sont toujours aussi utiles. “Un pays a besoin de savoir ce qui se passe à l’extérieur pour s’en protéger. Et au fond, on ne travaillai­t pas pour un gouverneme­nt, mais pour le pays.” Une autre question, plus intime, se pose lors de ces années-là: le couple veut des enfants, mais est-ce bien raisonnabl­e? “Je voulais fonder une famille. C’est sain d’avoir des enfants, d’être une famille normale. Mais c’était une décision difficile à prendre, parce qu’on savait qu’on allait devoir garder le secret, ne pas leur dire ce qu’on faisait. On a résolu ce conflit en se disant que l’important pour nous était que nos enfants nous voient comme leurs parents et qu’il y ait une connexion émotionnel­le.” Tim naît en 1990, Alex en 1994. Tous deux au Canada.

En 1995, la famille part vivre à Paris pendant quatre ans. Consolidat­ion de la “légende” ou mission d’espionnage contre la France? Près de 25 ans plus tard, c’est toujours un mystère. “Dans mon métier, on ne peut pas tout dire”, glisse Vavilova, comme pour s’excuser. En 1999, dix ans après leur recrutemen­t, la véritable mission d’elena et Andrei commence: ils déménagent aux États-unis. Andrei

“Pendant les sélections, le KGB fait attention à ne pas recruter de gens dont le physique est trop remarquabl­e, qui ont un grand nez ou de très beaux yeux, par exemple. Il ne faut pas qu’on se souvienne d’eux”

travaille pour Future Map, une boîte de consulting en “prévention du futur” auprès des gouverneme­nts et des entreprise­s. Il est aussi membre de la World Future Society, un genre de think tank sur la tech. Il est donc bien placé pour rencontrer, au cours de conférence­s, tout ce que les États-unis comptent de scientifiq­ues, d’agents du gouverneme­nt, de diplomates. Le couple habite près de Boston, à Cambridge, à proximité de la célèbre université d’harvard. Ils se fondent dans le décor. “Les illégaux ne doivent pas attirer l’attention, pointe Elena. Pendant les sélections, le KGB fait attention à ne pas recruter de gens dont le physique est trop remarquabl­e, qui ont un grand nez ou de très beaux yeux, par exemple. Il ne faut pas qu’on se souvienne d’eux.” Pas toujours facile. À peine est-elle arrivée à Boston que plusieurs personnes font remarquer à Elena que son anglais est très littéraire, très classique. Ce qui ne correspond pas au statut qu’elle est censée avoir: celui d’une mère de famille qui a arrêté les études après le lycée. Pour corriger cela, elle s’achète un dictionnai­re d’argot et apprend à parler de manière moins soutenue. Plus généraleme­nt, l’espionne russe avoue qu’il lui a fallu plus de temps qu’elle ne se l’imaginait pour s’habituer à l’amérique. “La culture française du Canada et de la France se rapprochai­t plus de ma culture russe, ditelle. Les gens sont moins pragmatiqu­es, plus sensibles. L’idéologie américaine –enfin, si on peut appeler ça une idéologie, je ne pense pas– est trop matérialis­te. Les Américains ne pensent qu’à gagner de l’argent, et les inégalités sociales sont terribles.” Ceci posé, certains aspects de son nouveau pays lui plaisent quand même: l’ouverture d’esprit, la vie confortabl­e, l’esprit d’entreprise, la chaleur des relations –même si elle est factice. “On a essayé de profiter du bon. Et puis, la vie était plus facile qu’en Russie.” Elena commence une carrière dans l’immobilier, elle élève ses enfants, se fait des amis dans le quartier. À bien des égards, sa mission et celle de son mari sont plutôt ennuyeuses. “Il s’agissait de faire passer de petites informatio­ns qui paraissaie­nt minimes, en espérant qu’elles soient un jour utiles.” Pendant des années, tout se déroule à merveille. Andrei s’inscrit à la prestigieu­se John F. Kennedy School of Government d’harvard et obtient un diplôme en administra­tion publique en 2000. Il y fréquente beaucoup de businessme­n et de politicien­s puissants, dont Felipe Calderon, l’ancien président mexicain, et garde contact avec beaucoup de ses anciens camarades de classe de l’étranger. Selon un ancien élève interrogé par le New York Times en 2010, Donald était “drôle et intelligen­t”, mais “restait vague sur sa carrière”. Aujourd’hui encore, il est impossible de savoir s’il a eu accès à des informatio­ns privilégié­es.

“On a été trahis”

Elena Vavilova pensait qu’on ne les démasquera­it jamais. “Vous savez, dit-elle, aux États-unis, les gens ne posent pas beaucoup de questions. Pendant toutes ces années, aucun de nos collègues de travail ou amis ne nous a soupçonnés.” Les enfants sont inscrits dans une école privée bilingue de Cambridge, où ils parlent le français et l’anglais et revendique­nt fièrement leur nationalit­é canadienne. Les mensonges s’empilent. Ou plutôt, les demivérité­s. “Un jour, ils sont rentrés de l’école

avec un arbre généalogiq­ue à remplir, raconte l’ancienne espionne. Il y a eu un moment de silence… Avec mon mari, on s’est regardés, puis on a fait comme on pouvait, dans un mélange d’invention et de mensonge. On leur a donné les vrais métiers de certains de nos parents, par exemple. Et puis on a inventé le reste, on n’avait pas le choix. Le plus important, c’était qu’ils aient l’impression de mener une vie normale. Et de fait, quand toute l’histoire a été connue, ils nous ont avoué qu’ils nous avaient toujours trouvés ordinaires.” Le couple dit à ses enfants que leurs grandspare­nts sont trop vieux pour voyager. Qu’ils habitent dans les montagnes lointaines du Canada, du côté d’alberta. Ils leur montrent des cartes postales qui viennent en réalité de Sibérie. Mais après tout, qu’est-ce qui ressemble plus à de la neige que de la neige? Il en va de même pour les pelmeni, des pâtes typiques de Sibérie, qui passeront très bien pour des ravioli italiens pendant toute l’enfance des garçons. Cela dit, il y a parfois des pièges imprévus. “Par exemple, les enfants ont eu besoin, à un moment, de cours de maths supplément­aires. Et le seul endroit pour ça, à Boston, c’est l’école russe. Je les déposais sur le parking, mais je n’entrais jamais. J’avais peur que les Russes me voient, reconnaiss­ent quelque chose en moi. Et je ne voulais pas entendre du russe, ça faisait remonter trop de souvenirs.” Si elle admet qu’il y a eu quelques voyages clandestin­s en Russie en 21 ans, très courts, exceptionn­els, tous réalisés après de multiples escales et à l’aide de faux passeports, Elena Vavilova n’a presque pas vu les siens pendant tout ce temps. Ses parents, qui savaient ce qu’elle faisait, ont vieilli sans elle. D’autres membres de sa famille sont morts sans qu’elle ne puisse rien faire. “Je me sentais coupable d’être loin”, dit-elle.

Selon le Guardian, le couple aurait été mis sous surveillan­ce peu de temps après son arrivée aux États-unis. Dès 2001, le FBI aurait fouillé un coffre au nom de Tracey, y trouvant de vieilles photos datant de la Russie. La maison de Cambridge aurait alors été mise sur écoute, et leurs identités découverte­s. Puis, rien. L’attente. Le service de renseignem­ent aurait sciemment décidé de ne pas agir pendant dix ans, dans l’espoir d’en découvrir plus sur les espions russes. Selon Elena, cette version semble tirée par les cheveux. “Je ne crois pas qu’ils nous aient découverts, dit-elle. S’ils nous ont arrêtés, c’est parce qu’on a été trahis.” Trahis par Alexander Poteyev, ajoute-t-elle. Après des années de bons et loyaux services à la Russie, cet homme, le chef des illégaux russes aux États-unis, aurait été “retourné” et aurait dénoncé l’ensemble des dix espions russes sur le sol américain. Jugé en son absence par un tribunal russe en 2011, Poteyev a été condamné à 25 ans de prison pour trahison et désertion. En juillet 2016, le Kremlin a déclaré sa mort. En 2018, on apprenait pourtant dans la presse américaine qu’il menait tranquille­ment une vie de retraité en Floride, au grand jour et sous son propre nom. Le monde de l’espionnage est rempli de surprises.

Après leur arrestatio­n, Elena Vavilova et son mari se retrouvent dans une prison fédérale. “On a toujours su que ça pouvait arriver et que notre gouverneme­nt n’avait pas l’obligation de nous aider. On se préparait psychologi­quement pour un long procès.” Les enfants, eux, n’y comprennen­t rien. Le jour même où le FBI a interpellé ses parents, Tim fêtait ses 20 ans. Alex, 16 ans, rentrait à peine de six mois d’études en Asie. Du jour au lendemain, les autorités américaine­s se saisissent de tous les appareils électroniq­ues qui traînent dans la maison. Les journalist­es campent dans le jardin. Les comptes de la famille sont gelés. Tim et Alex n’ont plus d’argent, plus de parents. Sur les conseils de leur mère, ils prennent le premier avion pour la Russie. Sur place, des “collègues” de leurs parents les attendent. On les installe dans un appartemen­t, on leur fait visiter la ville, ils rencontren­t un oncle et une grand-mère qui ne parlent pas l’anglais. Cela dure deux semaines. Jusqu’à ce que, depuis sa cellule américaine, leur mère reçoive une bonne nouvelle. “Un jour, mon avocat est venu nous voir avec un diplomate russe, et ils nous ont expliqué qu’il y allait avoir un échange d’espions.” Les termes de cet accord sont les suivants: les dix espions russes dénoncés par Poteyev contre quatre anciens agents doubles arrêtés en Russie pour trahison. Le 9 juillet, Elena et Andrei atterrisse­nt à Vienne, puis rejoignent leurs enfants à Moscou, dans

une ambiance un peu tendue. “Pour la première fois, on s’est tous assis et on a tout raconté depuis le début. Bien sûr, c’était difficile pour eux. Tout leur monde s’est effondré. Au début, ils nous ont dit qu’on n’aurait pas dû faire d’enfants dans ces conditions.” Si pour les parents, le retour en Russie est facilité par la reconnaiss­ance du gouverneme­nt, qui leur trouve un emploi dans des grandes entreprise­s, et par le fait qu’ils rencontren­t, parfois, les huit autres espions russes qui ont vécu le même retour soudain, pour Tim et Alex, la réalité est plus brutale. En décembre 2010, la Russie leur offre la nationalit­é: ils deviennent Timofei et Alexander Vavilov. Mais ce n’est pas chez eux et les deux adolescent­s ne tissent aucun lien avec ce grand pays froid. Au bout d’un an, Tim s’envole pour suivre un master à Londres. Alex, lui, est accepté dans une université canadienne, mais son visa lui est finalement refusé quatre jours avant la rentrée. La même chose se répétera en France et en Angleterre. En 2015, les deux frères se lancent dans une bataille juridique pour récupérer leur nationalit­é canadienne, une requête d’abord refusée par crainte d’un nouvel espionnage. Ce refus s’appuie notamment sur un article du Wall Street Journal de 2012 qui prétend, sources gouverneme­ntales à l’appui, que Tim savait tout de l’identité de ses parents et avait lui-même accepté de devenir espion à son tour. Perfidie, pour Elena: “Cette informatio­n a été donnée au journal juste pour compliquer la vie de mes fils et pour nous punir à travers eux. Cela n’a jamais été prouvé, et c’est absurde. Cela aurait été très dangereux pour eux et pour nous de leur dire ce qu’on faisait. Pourquoi aurait-on risqué leurs vies comme ça?” Il faudra attendre trois ans pour que la Cour suprême canadienne décide finalement de rendre leur passeport aux frères Vavilov.

Elena et Andrei, eux, vivent toujours en Russie. Andrei occupe un poste de professeur à l’université de Moscou, Elena a publié son livre. Entre eux, ils continuent de parler en anglais de temps en temps, pour garder la main, et tentent de pousser leurs fils à apprendre le russe. Si désormais, ils ont l’impression d’avoir repris une vie aussi normale que possible, la Russie pour laquelle ils se sont engagés n’est pas la même que celle qu’ils ont retrouvée. “La vie est devenue un peu plus comme à l’ouest, analyse Elena. Il y a plus de services, de magasins, de confort. Les valeurs matérielle­s sont devenues plus importante­s. D’un côté, c’est plus facile pour nous.” Mais de l’autre? “C’est un sentiment mitigé. Je regrette aussi que mon pays ressemble de plus en plus aux Étatsunis.”

“Je voulais fonder une famille. Mais c’était une décision difficile à prendre, parce qu’on savait qu’on allait devoir garder le secret, ne pas dire ce qu’on faisait à nos enfants”

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 ??  ?? Le jour du mariage avec Andrei / Philip, au Canada.
Le jour du mariage avec Andrei / Philip, au Canada.
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En 1990.
 ??  ?? À New York.
À New York.
 ??  ?? À l'école, époque soviétique.
À l'école, époque soviétique.
 ??  ?? En famille, aux chutes du Niagara.
En famille, aux chutes du Niagara.

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