Society (France)

En Afghanista­n, enfin libres

- •MARIE BOSSARD

En Afghanista­n, 90% des femmes subissent des violences conjugales. Au point que pour certaines d’entre elles, tuer leur mari a été la seule voie pour échapper à l’horreur. La photograph­e Kiana Hayeri les a rencontrée­s en prison, où elles revivent.

EN AFGHANISTA­N, 90% DES FEMMES SUBISSENT DES VIOLENCES CONJUGALES. AU POINT QUE POUR CERTAINES D’ENTRE ELLES, TUER LEUR MARI A ÉTÉ LA SEULE VOIE POUR ÉCHAPPER À L’HORREUR. LA PHOTOGRAPH­E KIANA HAYERI LES A RENCONTRÉE­S EN PRISON, OÙ ELLES REVIVENT.

Nafas, 20 ans et un immense sourire, porte un enfant dans ses bras et respire la joie de vivre. L’image pourrait paraître banale si elle ne se déroulait pas en prison, en Afghanista­n. Lorsqu’elle avait 12 ans, Nafas a été forcée d’épouser un homme de 17 ans plus âgé qu’elle. Puis, après de trop nombreuses années de violences conjugales, elle lui a tiré dessus et l’a tué. Aujourd’hui, elle purge une peine de seize ans de prison à Hérat, à l’ouest du pays, en compagnie d’une vingtaine d’autres femmes condamnées elles aussi pour avoir tué leur conjoint. La cause est facile à établir: en Afghanista­n, où la majorité des mariages sont arrangés, 90% des femmes sont victimes de violences domestique­s, selon une étude menée en 2008 par l’institut des Étatsunis pour la paix. “Ces femmes n’ont pas énormément de soutien, d’abri. Certaines ne pouvaient même pas sortir de chez elles. Elles considèren­t que tuer leur mari était le seul moyen de s’en sortir”, explique Kiana Hayeri, photograph­e irano-canadienne.

En s’immergeant, l’an passé, deux semaines dans cette prison, qui ressemble davantage à un refuge qu’à un environnem­ent carcéral, elle a réussi à obtenir progressiv­ement la confiance des détenues et à découvrir leurs histoires.

“On dirait une communauté, témoigne la photograph­e. Tout le monde considère qu’elles sont plus libres et davantage en sécurité en prison qu’à l’extérieur.” Kiana Hayeri prend l’exemple de l’une d’entre elles, Foroozan. Mariée pendant quinze ans à un homme plus vieux qu’elle de 25 ans, elle a vécu sous ses coups et ses interdicti­ons –elle n’a pas pu sortir de chez elle plus de quinze fois. Jusqu’à ce qu’un matin, le voyant agresser l’une de ses deux filles, elle le tue à coups de pelle. Condamnée à seize ans de prison, Foroozan “y a appris elle-même à lire et à écrire, et a même étudié l’anglais. Elle considère que la prison est une opportunit­é pour améliorer sa vie”. Souvent, ces femmes peuvent aussi gagner un peu d’argent en détention. Certaines détenues, comme Nafas, sont en effet payées par des gardes pour s’occuper de leurs enfants durant la journée. D’autres participen­t à des ateliers de couture ou de coiffure. Publié dans le New York Times, le travail de Kiana Hayeri a permis d’alerter sur le sort des femmes en Afghanista­n. Pour autant, dit-elle, il y a encore fort à faire. “Sur l’échelle des priorités dans le pays, ce sujet se trouve hélas encore tout en bas.”

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France