Society (France)

“Je me suis demandé si j’étais légitime”

Anne Der Haroutioun­ian, 30 ans, architecte

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“Je suis d’origine arménienne, ma famille est arrivée en France après le génocide. Les discours sur ce sujet, surtout de ma mère, institutri­ce à Montreuil, ont nourri mon enfance. C’est ancré en moi, j’ai une sensibilit­é pour les questions liées au racisme.

J’ai fait une école d’architectu­re. Dans ma promotion, il n’y avait qu’un ou deux Noirs et pas plus d’arabes. J’étais en plein dans une machine de reproducti­on sociale. Dans le dernier cabinet pour lequel j’ai travaillé, j’ai eu des débats houleux avec certains collègues à propos de ce qu’on appelle le ‘racisme anti-blanc’. Il y a eu un cas de harcèlemen­t sexuel, aussi, aucune mesure n’a été prise et j’ai démissionn­é. Inconsciem­ment, si je suis allée manifester le 2 juin, c’est pour déranger tous ces gens dans une situation d’impunité totale, les racistes comme les sexistes.

Au départ, je me suis demandé si j’étais légitime pour y aller, parce que je n’ai pas grandi en banlieue, je ne suis ni noire ni arabe. Moi, la femme d’origine arménienne, est-ce que je pouvais militer sur un autre terrain que celui de mes origines? Mais j’ai le sentiment que cette question s’est vite dissoute. Les gens s’en fichent. Avec tous ces jeunes de 15 ou 16 ans, je pense que ce mouvement ne va pas retomber comme ça. J’aime cette idée d’une sorte de ‘génération Adama’ parce que c’est enthousias­mant, ça crée une forme de responsabi­lité vis-à-vis de l’époque.”

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