“Longtemps, ma vie a été un grand n’importe quoi”
Samba Gassama, 27 ans, cryothérapeuthe
“Pendant le confinement, il y a une vidéo qui a beaucoup tourné à Ivry. Des policiers contrôlaient deux petits qui passaient. Après leur avoir dit de rentrer chez eux, ils les ont gazés puis frappés. Un de mes amis s’est fait tirer dans la jambe au Flashball en bas de chez lui. Ces histoires de violences policières, on les vit tous les jours dans nos quartiers. Quand j’étais jeune, je me suis fait gazer plusieurs fois, à bout portant. Je me rappelle m’être fait traiter de ‘petit singe’, on m’a dit ‘rentre chez toi en Afrique’. Un jour, alors que j’étais au commissariat d’ivry parce que j’avais fait une bêtise, un policier s’est mis à me gifler. Je me suis levé, le type m’a plaqué contre le mur, forcé à me rasseoir, menotté et m’a filé de nouvelles gifles. Je devais avoir 15 ans. Je crois qu’être noir ne m’a pas aidé, ce jour-là. Quand ils s’en prennent à un jeune Noir, les policiers se disent qu’il ne fera pas d’histoires. Un Blanc, il peut faire un scandale. Je connais une policière à Champigny-surmarne, je parle souvent de ça avec elle. Elle me dit qu’il y a, dans certains commissariats, une manière de faire qui engraine. Pour moi, la police n’est pas raciste, mais il y a des racistes dans la police. C’est comme dans la rue. Il y a des bons et des mauvais.
Je suis né et j’ai grandi à Ivry, dans une cité. Longtemps, ma vie a été un grand n’importe quoi. En 2018, pendant la Coupe du monde, j’étais en prison. Je purgeais une peine de huit mois. Cette vie, l’argent facile, c’est moi qui l’ai choisie. Personne d’autre, et surtout pas la France. En prison, j’ai décidé que ma vie devait changer. J’ai monté une association en sortant. Avec Solidaritess, on vient en aide aux plus démunis. Depuis, ma vie a changé et le regard des gens aussi. Je pense que la société est, dans l’ensemble, plus ouverte que par le passé. Être noir ne signifie plus nécessairement que les portes se referment. Regardez Sibeth Ndiaye. Ou Barack Obama.
Le 2 juin, avec mes amis et mes frères, on s’est envoyé des messages sur Snapchat: ‘Qui vient?’ Généralement, dans une manif, on a l’impression que chacun défend sa petite cause. Là, les gens demandaient tous la même chose. À un moment, on m’a passé une pancarte. Je l’ai brandie comme ça, dans un réflexe. Et puis je l’ai retournée. Fallait quand même que je sache ce qui était écrit dessus. ‘L’état français échoue à comprendre la réalité de nos vies.’”