Society (France)

Allemagne, uniformes et défilés

- – PAR ANTON STOLPER

Non, les Schützenfe­sten ne sont pas ce que vous croyez. La preuve avec les photos d’arne Piepke.

Des uniformes, des défilés et des fusils en bois.

Le photograph­e Arne Piepke s’est penché sur la tradition allemande de la Schützenfe­st, et cela valait le détour.

De loin, on pourrait s’inquiéter face à ce qui ressemble à une procession militaire allemande d’une autre époque. Mais de près, on remarque les noeuds papillons et les cravates. Les vestes mal coupées, les chapeaux parfois trop grands, ou trop petits, et souvent de travers. Et les moustaches. Ceci n’est ni une procession militaire ni un rassemblem­ent de l’extrême droite allemande. Ceci est la parade annuelle du Schützenfe­st.

Les Schützenfe­sten sont des sortes de fêtes de village organisées par les Schützenve­rbands, des associatio­ns d’hommes qui se réunissaie­nt à l’origine pour défendre leur village. Certaines ont été créées il y a plusieurs centaines d’années, comme la St. Hubertus Schützenbr­uderschaft Brilon, née en 1417, puis elles se sont transformé­es avec les siècles en clubs de tir, et la tradition d’une fête annuelle de trois jours est née. Près de 15 000 villages allemands en organisent aujourd’hui et attirent enfants, ados, parents et grandspare­nts. Même les jeunes qui ont quitté la campagne reviennent exprès pour l’occasion.

L’événement principal de ce week-end prolongé est une compétitio­n de tir où les participan­ts visent un oiseau accroché à plusieurs mètres du sol. Celui qui arrive à en faire tomber le dernier morceau devient le Königsschi­eßen, le roi du tir, et donc de la fête qui suit. Les Schützenfe­sten se distinguen­t aussi par leurs immenses parades au rythme de la fanfare, qui passent généraleme­nt devant les monuments aux morts des guerres mondiales, avant de se terminer à l’église. “Elle est pleine à craquer ce jour-là, alors que d’habitude, ce n’est pas du tout le cas. Mais dès qu’ils sortent, ils ne cherchent qu’à trouver une bière”, raconte le photograph­e Arne Piepke. Une sorte de mélange entre Saint-nicolas-du-chardonnet et l’oktoberfes­t, donc.

C’est justement ce contraste qu’arne Piepke a tenté d’explorer avec son appareil. Malgré leur histoire, les Schützenfe­sten se heurtent au monde moderne, pas toujours en accord avec leurs traditions. Par exemple, alors qu’un vrai oiseau était utilisé pour le concours de tir, celui-ci est désormais remplacé par une réplique en bois, tout comme les fusils tenus lors du défilé. Dernière résistance aux évolutions sociétales, les femmes ne sont en général toujours pas autorisées à prendre part au concours de tir, et dans les rares cas où elles le sont, les ordres de passage font qu’il est presque impossible pour elles de gagner.

Comment faire coexister le monde moderne et ces traditions? Lukas Schnier, un Schützenbr­uder de Brunskappe­l, s’inquiétait auprès de Piepke: “Le Schützenfe­st change. Il faut s’adapter. Mais il faut que ça garde son âme. Si on continue à avoir encore plus de règles par rapport aux armes, il y a un moment où ça ne sera plus amusant, ce sera ridicule. Et si on veut du ridicule, on va au carnaval.” Une activité peut-être moins inquiétant­e, de loin.

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 ??  ?? Hans Dieter Baller rêve d’être un jour sacré roi du tir.
Page de droite. En haut: Petit déjeuner à Warstein. Les deux chaises sont réservées au couple royal.
En bas: L’oiseau, ici un aigle prussien, est décroché de la salle des fusils pour être apporté sur le lieu de la compétitio­n de tir.
Hans Dieter Baller rêve d’être un jour sacré roi du tir. Page de droite. En haut: Petit déjeuner à Warstein. Les deux chaises sont réservées au couple royal. En bas: L’oiseau, ici un aigle prussien, est décroché de la salle des fusils pour être apporté sur le lieu de la compétitio­n de tir.
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 ??  ?? À Olsberg, avant la compétitio­n de tir. L’oiseau, un aigle impérial, porte une couronne, un sceptre et une pomme.
À Olsberg, avant la compétitio­n de tir. L’oiseau, un aigle impérial, porte une couronne, un sceptre et une pomme.
 ??  ?? Carolin Dreisbach, vainqueur de la coupe féminine 2002 de Langewiese. Elle est membre du club de Sauerland, le seul où les femmes sont autorisées à tirer.
Carolin Dreisbach, vainqueur de la coupe féminine 2002 de Langewiese. Elle est membre du club de Sauerland, le seul où les femmes sont autorisées à tirer.
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 ??  ?? Dernier tir à Warstein. Le nouveau roi s’appelle Marc Groom.
Page de droite. En haut: À Oberkirche­n, le “tir des dandys” sert à désigner le vice-roi. Seuls quelques clubs organisent ces compétitio­ns où les participan­ts doivent tirer sur une figurine en bois souvent inspirée du bouffon de la cour médiévale.
Dernier tir à Warstein. Le nouveau roi s’appelle Marc Groom. Page de droite. En haut: À Oberkirche­n, le “tir des dandys” sert à désigner le vice-roi. Seuls quelques clubs organisent ces compétitio­ns où les participan­ts doivent tirer sur une figurine en bois souvent inspirée du bouffon de la cour médiévale.
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 ??  ?? Kriemhilde et Hans-georg Vogt célèbrent le cinquantiè­me anniversai­re de la victoire de Hans-georg, élu roi en 1968.
Kriemhilde et Hans-georg Vogt célèbrent le cinquantiè­me anniversai­re de la victoire de Hans-georg, élu roi en 1968.
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 ??  ?? Felix Hagedorn et Nicole Erwald, couple royal 2017/18, posent à la table du roi dans la salle de tir Warstein. Au-dessus d’eux, la devise des tireurs: “Foi, coutumes, terre natale».
Felix Hagedorn et Nicole Erwald, couple royal 2017/18, posent à la table du roi dans la salle de tir Warstein. Au-dessus d’eux, la devise des tireurs: “Foi, coutumes, terre natale».

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