Allemagne, uniformes et défilés
Non, les Schützenfesten ne sont pas ce que vous croyez. La preuve avec les photos d’arne Piepke.
Des uniformes, des défilés et des fusils en bois.
Le photographe Arne Piepke s’est penché sur la tradition allemande de la Schützenfest, et cela valait le détour.
De loin, on pourrait s’inquiéter face à ce qui ressemble à une procession militaire allemande d’une autre époque. Mais de près, on remarque les noeuds papillons et les cravates. Les vestes mal coupées, les chapeaux parfois trop grands, ou trop petits, et souvent de travers. Et les moustaches. Ceci n’est ni une procession militaire ni un rassemblement de l’extrême droite allemande. Ceci est la parade annuelle du Schützenfest.
Les Schützenfesten sont des sortes de fêtes de village organisées par les Schützenverbands, des associations d’hommes qui se réunissaient à l’origine pour défendre leur village. Certaines ont été créées il y a plusieurs centaines d’années, comme la St. Hubertus Schützenbruderschaft Brilon, née en 1417, puis elles se sont transformées avec les siècles en clubs de tir, et la tradition d’une fête annuelle de trois jours est née. Près de 15 000 villages allemands en organisent aujourd’hui et attirent enfants, ados, parents et grandsparents. Même les jeunes qui ont quitté la campagne reviennent exprès pour l’occasion.
L’événement principal de ce week-end prolongé est une compétition de tir où les participants visent un oiseau accroché à plusieurs mètres du sol. Celui qui arrive à en faire tomber le dernier morceau devient le Königsschießen, le roi du tir, et donc de la fête qui suit. Les Schützenfesten se distinguent aussi par leurs immenses parades au rythme de la fanfare, qui passent généralement devant les monuments aux morts des guerres mondiales, avant de se terminer à l’église. “Elle est pleine à craquer ce jour-là, alors que d’habitude, ce n’est pas du tout le cas. Mais dès qu’ils sortent, ils ne cherchent qu’à trouver une bière”, raconte le photographe Arne Piepke. Une sorte de mélange entre Saint-nicolas-du-chardonnet et l’oktoberfest, donc.
C’est justement ce contraste qu’arne Piepke a tenté d’explorer avec son appareil. Malgré leur histoire, les Schützenfesten se heurtent au monde moderne, pas toujours en accord avec leurs traditions. Par exemple, alors qu’un vrai oiseau était utilisé pour le concours de tir, celui-ci est désormais remplacé par une réplique en bois, tout comme les fusils tenus lors du défilé. Dernière résistance aux évolutions sociétales, les femmes ne sont en général toujours pas autorisées à prendre part au concours de tir, et dans les rares cas où elles le sont, les ordres de passage font qu’il est presque impossible pour elles de gagner.
Comment faire coexister le monde moderne et ces traditions? Lukas Schnier, un Schützenbruder de Brunskappel, s’inquiétait auprès de Piepke: “Le Schützenfest change. Il faut s’adapter. Mais il faut que ça garde son âme. Si on continue à avoir encore plus de règles par rapport aux armes, il y a un moment où ça ne sera plus amusant, ce sera ridicule. Et si on veut du ridicule, on va au carnaval.” Une activité peut-être moins inquiétante, de loin.