FRONT POPULAIRE
“Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la photographie et que je voyais tous mes amis publier le même genre d’images, je me suis dit que j’allais essayer de me diversifier”, raconte le grec Georgios Schieich, jeune diplômé de l’université de Malte, option jeux digitaux. “Ce que j’ai fait, en décidant de me concentrer sur le haut de ma tête.” Pour le dire encore plus clairement: Georgios Schieich publie des photos de son front sur Instagram. Et rien d’autre. Banales et répétitives, les cartes postales décadrées de ce Steve Reich du selfie ésotérique ont vite dépassé leur fonction d’expérimentation de dortoir pour se constituer en vaste journal intime partagé: avec plus d’un millier de clichés publiés en six ans, le feed hypnotique de l’hommemystère de Malte tient désormais de l’odyssée métaphysique à la Noah Kalina (“Ma principale inspiration”) ou Richard Linklater. Et si ses uniques points d’entrée demeurent pour le moment l’évolution capillaire de son auteur (“J’ai entendu beaucoup de théories qui disent que je veux simplement surveiller le déclin de ma ligne frontale”) et des décors souvent insignifiants (bars, chambres à coucher, éléments architecturaux), la levée éventuelle de l’anonymat pourrait venir bouleverser les règles de cette quête au long cours –ou pas. “J’ai prévu de montrer mon visage, ça ne me fait pas peur, conclut cet architecte du temps qui passe. Mais mon but, c’est la persévérance. Même si l’idée est absurde, au fond, les gens apprécieront toujours ma détermination.”