Demain, la beuh légalisée?
C’est la question que se pose enfin la France, des décennies après tous les autres pays, via Caroline Janvier, députée LREM du Loiret.
Après 50 ans de politique répressive sans résultat, une consultation publique vient d’être lancée pour réfléchir à une autre façon de légiférer sur le cannabis en France. Le point avec Caroline Janvier, députée LREM du Loiret et rapporteuse thématique de la mission d’information sur le sujet.
Dans un récent article du Parisien, 50% des maires d’île-de-france se positionnaient pour une légalisation de la consommation de cannabis en France. L’approche du monde politique est-elle en train de changer? Il est certain que les mentalités bougent enfin. On l’a vu avec la prise de position d’arnaud Robinet, le maire de Reims, lui aussi favorable, avec d’autres édiles qui ne sont pas en Île-de-france, à une évolution de la loi. L’échec de 50 ans de prohibition n’est plus à démontrer. Depuis le début, on a eu en France une approche morale et caricaturale. En partie liée au contexte de la loi de 1970, votée dans l’émotion après la mort par overdose d’une jeune fille, Martine, à Bandol. Depuis, chaque initiative qui osait remettre en cause cette loi, l’une des plus répressives d’europe, était taxée de complaisance ou de laxisme. Avec cette consultation, on essaye d’avoir une approche moins morale et plus pragmatique. Parce que personne ne peut aujourd’hui nier que la prohibition n’a pas fait baisser la consommation en France, au contraire, et qu’elle se retrouve de plus en plus isolée au sein des pays occidentaux.
On a le sentiment que c’est longtemps resté, pour les élus, une question à éviter... Oui, un élu m’a d’ailleurs dit: ‘Attention, c’est dangereux comme sujet et cela va nuire à ta réputation.’ Un autre, un maire, médecin de profession, plutôt favorable, m’a prévenue: ‘C’est un sujet périlleux sur lequel tu n’as rien à gagner électoralement.’ En gros, il n’y a que des balles à prendre. Certaines personnes ont d’ailleurs reproché à Benoît Hamon sa prise de position favorable à la légalisation avant l’élection présidentielle de 2017 et ont critiqué une erreur stratégique qui expliquerait son score de 6% au premier tour. Moi, je crois au contraire que si on sort de la caricature, on peut avoir un débat serein. Il y a aujourd’hui une nouvelle génération de députés qui s’est émancipée des vieux tabous sur la drogue. On nage en pleine hypocrisie depuis un demi-siècle. La politique actuelle sur le sujet coûte près d’un milliard d’euros à la police et à la justice par an, et on perd des recettes sur un marché de plus de 2,5 milliards d’euros. Je suis sûre que ce sera une vraie question pendant la campagne de 2022. Tous les partis vont devoir se positionner, pas seulement les écologistes ou la gauche.
En attendant, depuis septembre, le gouvernement a mis en place l’amende forfaitaire de 200 euros pour soi-disant ‘responsabiliser les consommateurs’. Est-ce une nouvelle mesure qui va faire la preuve de l’échec de la politique en France? Oui, parce qu’elle ne se concentre que sur une partie de la question, le trouble à l’ordre public, sans s’attaquer au trafic et aux trafiquants. Pour moi, cette amende est le baroud d’honneur de la politique du tout répressif. Une mesure qui va, de plus, à l’encontre du sens de l’histoire. En France, on a déjà pris du retard sur le cannabis thérapeutique et sa production, ce qui nous oblige à en importer. Il ne faut pas se retrouver dans la même situation avec le cannabis récréatif, donc il faut créer un modèle à la française.
Quel pourrait être ce modèle? On va devoir trouver le bon équilibre, notamment sur la question de la protection des moins de 25 ans, et les risques comme le décrochage scolaire. Il va falloir se situer quelque part entre le modèle de l’uruguay, où le niveau des taxes publiques et les réglementations poussent les consommateurs à rester fidèles au marché noir, et certains États américains, où le marketing des acteurs du marché est très agressif et où il n’existe aucun objectif de santé publique.