Benoit Marchisio
Dans son premier roman, Tous coupables!, le jeune romancier français plonge la tête la première dans le monde de Deliveroo et Uber Eats. Des eaux où le scandale n’est jamais loin.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser à la livraison de repas à domicile? Je voulais écrire un thriller, et je suis parti d’un constat: alors qu’on est toujours prêts à se battre pour sanctuariser notre vie privée, on donne des informations très personnelles aux livreurs. Ils connaissent le nom/prénom de la personne, où elle habite, à quel étage, le digicode, son régime alimentaire, etc. Qu’est-ce qui se passerait s’ils utilisaient ces infos pour autre chose? Je ne suis donc pas parti des conditions de travail des livreurs, mais j’y suis forcément arrivé.
Et qu’avez-vous découvert? Il y a une rupture entre le début des applications et aujourd’hui. Vers 2016, c’était plutôt un moyen facile de se faire de l’argent rapidement. Petit à petit, la politique des applications s’est durcie, le tarif minimum de la course a été supprimé, les trajets se sont allongés, les scooters ont remplacé les vélos. Et le phénomène des loueurs de comptes est arrivé, ces personnes qui créent des microentreprises puis louent leurs comptes à des sans-papiers ou des mineurs en échange d’un pourcentage sur les courses effectuées. La concurrence a explosé avec eux.
À leur arrivée, ces plateformes de livraison faisaient miroiter la liberté, les horaires flexibles, un travail sans patron…
C’est un échec, selon vous? La liberté que promettaient ces applications a beaucoup séduit et continue de séduire, mais tu te rends rapidement compte des contraintes qui pèsent sur toi. On arrive à un stade où l’application réfléchit pour toi, te note et évalue ton temps de livraison, bien souvent sous-estimé. Ce qui conduit à des drames