Society (France)

Romain Grosjean

Le 29 novembre dernier, à Bahreïn, Romain Grosjean percutait un rail de sécurité à 220 km/h et passait 28 secondes dans un brasier. Peu après, il annonçait la fin de sa carrière en F1. Aujourd’hui, le pilote franco-suisse a repris ses esprits.

- – ALEXANDRE DOSKOV

Il y a quelques mois, il réchappait miraculeus­ement à un terrible accident de F1. Aujourd’hui, il se confie.

Désormais, partout où tu passeras, tu seras considéré comme le miraculé d’un crash effroyable. Tu penses quoi de cette étiquette? C’est comme ça. À la limite, je trouve que ça a permis aux gens de se rendre compte de ma carrière, plutôt que regarder juste les deux dernières années, durant lesquelles ma voiture a été un désastre.

Ce choc de 53G aura-t-il des conséquenc­es sur le long terme? Rien du tout! Et c’était même 58G, finalement. Ça rajoute un petit 10%. Aujourd’hui, la seule question, c’est ma main gauche. Il ne faut pas trop que je la bouge parce qu’il y a une zone qui a du mal à se refermer. Hier, le docteur m’a dit: ‘Ah, on voit le tendon.’ En même temps, quand elle a été immobile la nuit, le matin, elle est tellement rigide que je dois réapprendr­e à bouger les doigts et à faire des choses simples.

Cet accident part d’un contact avec Daniil Kvyat, qui était dans ton angle mort. À croire que vous avez les voitures les plus performant­es du monde, mais les pires rétroviseu­rs. Ils ne servent à rien, ils sont là pour faire joli parce que c’est marqué dans le règlement. Parfois, on passe pour des débiles, les gens disent: ‘Il a braqué sur l’autre!’ Un jour, asseyez-vous dans une Formule 1 et regardez dans le rétroviseu­r. Déjà à l’arrêt, c’est dur, alors à 300 km/h… On a demandé à ce qu’ils nous mettent un rétroviseu­r numérique, avec un écran. Ça nous aiderait.

La série documentai­re de Netflix Formula 1: Pilotes de leur destin (dont les deux saisons ont été diffusées en 2019 et 2020, ndlr) a relancé la popularité de la Formule 1 en montrant l’envers du décor. Certains épisodes te font passer pour un énorme gaffeur. Il y a notamment une scène où on voit deux membres de l’équipe Mclaren, avant un Grand Prix, parier sur le virage où tu auras un accident. Je m’en fous. Je pense qu’ils devraient avoir honte d’eux, mais c’est leur problème. Ils sont plus passés pour des cons qu’autre chose. Tu ne restes pas dix ans en Formule 1 par hasard. En revanche, ma marionnett­e aux Guignols de l’info (qui se crashait avec son Caddie de supermarch­é ou la poussette de ses enfants, ndlr), c’était très drôle. Je suis le premier à

rire de moi-même, là-dessus je n’ai aucun problème.

Tu as un parcours atypique pour un pilote de F1. À un moment, tu as fait les journées portes ouvertes d’une école de cuisine. Tu comptais réellement t’y inscrire?

En 2009, j’ai fait sept Grand Prix en F1 et j’ai été remercié. Je me suis dit que le sport auto, c’était terminé, et je me suis retrouvé à 23 ans sans rien, juste le bac. Comme j’aimais la cuisine, je suis allé faire les portes ouvertes de l’école Ferrandi pour voir si je pouvais devenir chef. On m’a gentiment expliqué que j’étais trop vieux. Il y avait deux années de formation où tu apprenais le luxe, l’anglais. Je leur ai dit: ‘Vous savez, j’ai traversé le monde, vécu dans des cinq étoiles et je parle l’anglais comme le français, donc bon...’ Ils n’ont rien voulu savoir.

Juste avant d’entrer en Formule 1, alors que tu étais déjà pilote, tu faisais aussi de la gestion de fortune dans une banque suisse... Je m’embêtais un peu entre les courses, je n’avais rien à faire à côté. J’ai eu l’opportunit­é d’entrer dans une banque privée, au début en tant que concierge. Puis je suis passé au back office, j’ai fait les archives, la réception, et à la fin, pendant un an et demi, j’étais assistant de gestionnai­re de fortune. Il fallait passer les ordres pour les clients, regarder les comptes, faire en sorte que ce soit bien dans les lignes de ce qu’ils demandaien­t en termes d’agressivit­é, qu’il n’y ait pas de débits dans différente­s monnaies…

Tu as tous tes points sur ton permis? On n’a pas de points en Suisse! Tu prends une amende, et voilà. Mais le permis peut vite sauter, donc sur l’autoroute, je roule à 122 au lieu de 120. Plus jeune, j’étais un petit peu plus con. J’ai eu des bonnes voitures dans ma vie. Maintenant, j’ai une voiture de papa, un 4x4 avec sept places.

Récemment, le pilote Sebastian Vettel a pointé du doigt le manque d’efforts de la F1 sur les sujets environnem­entaux. Tu trouves ça hypocrite? Ça reste des voitures de course qui roulent, brûlent de l’essence, de la gomme et tournent en rond pour finalement pas grand-chose, donc ce sport n’aura jamais une image positive à ce niveau-là. Après, un moteur de Formule 1 consomme aujourd’hui 40, 45 litres aux 100 kilomètres, en roulant à fond. N’importe quelle voiture un peu sportive à fond sur un circuit consommera­it plus. Alors oui, on envoie des tonnes d’équipement­s partout dans le monde, on voyage, les spectateur­s viennent… Mais en termes de technologi­e, ça fait évoluer les choses à une échelle bien plus importante.

“Plus jeune, j’étais un peu plus con (...) Maintenant, j’ai une voiture de papa”

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