Speedster

INSTINCT DE SURVIE

- Texte Josué Chevrel Archives Porsche

Francfort, le 9 septembre 1993. Trente après la 901… Sur le stand Porsche de l’Internatio­nale Automobil-Ausstellun­g, une nouvelle itération de la 911 est dévoilée au public, que Wendelin Wiedeking présente comme « la voiture qui déterminer­a si Porsche a un avenir. » Et trente ans plus tard, il est évident que la génération 993 a brillammen­t concrétisé tous les espoirs qui avaient été fondés sur elle. Dernière de la dynastie aircooled, elle portait déjà, dans chaque phase de son développem­ent, la vision de la 911 d’après…

Àson lancement en 1988, 25 ans après la première de la 911, Heinz Branitzki, alors président du directoire, présentait la nouvelle 964 comme « la 911 des 25 prochaines années. » En était-il vraiment convaincu ? Tous les gens en poste entre Zuffenhaus­en et Weissach savaient bien que la 911, même revisitée sous cette forme, arrivait au bout de ses capacités à maintenir des prestation­s décentes face à des samouraïs à la conquête du monde avec des katanas aussi affûtés que leurs Supra, NSX, 3000 GT et autre 300 ZX… Lorsque Ulrich Bez a pris ses fonctions à la tête du R&D en octobre 1988, il a lancé le chantier 993, qu’il imaginait comme une 911 radicaleme­nt nouvelle. La situation économique de l’entreprise, usée par le naufrage du marché américain et le dispendieu­x développem­ent de la 959, l’a ramené à la réalité. En bon comptable, Branitzki est aussi frileux qu’anxieux par rapport à la nouveauté. Surtout par rapport à la dépense qu’implique une nouveauté. « Nous n’avons droit qu’à un essai parce que chaque nouvelle voiture coûte des milliards de marks. » D’où les non-décisions qui ont caractéris­é son mandat. Dès son arrivée à la succession de Helmuth Bott à la tête du R&D, Ulrich Bez a dû prendre des décisions et fixer un cap, consistant d’abord à mettre la priorité sur le contenu émotionnel et rétablir Porsche dans son statut de référence du marché. Redéfinir ce qu’est une Porsche, en termes d’ingénierie et de design. On a demandé au respecté Peter Falk son avis sur la question, qu’il a résumé en un mot : agilité. Son mémo de vingt pages a servi de guide à la création de la 993.

Ulrich Bez avait un immense respect pour la 911, savait qu’elle était la colonne vertébrale de l’entreprise, mais était très critique envers la 964. Il fallait rectifier le tir en urgence ! Avec lui, il avait ramené de chez BMW un certain Harm Lagaaij, celui-là même qui avait dessiné la 924 dans les années 70 avant de partir chez Ford, puis BMW. Bez a lancé son designer dans d’inattendue­s exploratio­ns. Le concept offroad Panamerica­na signé Steve Murkett, dévoilé à Francfort en septembre 1989, légitimé par le palmarès de Porsche en Rallye-Raid mais controvers­é jusqu’au plus haut de l’organigram­me, a institué de nouveaux codes stylistiqu­es.

Lagaaij a confié à Tony Hatter, jeune recrue de 35 ans fraîchemen­t débauchée de chez Opel, le design de la prochaine 911 sous la supervisio­n de Dick Soderberg, son supérieur au Style, et de Bern Kahnau, désigné chef de projet 993. La Panamerica­na était une inspiratio­n. La supercar 959 et le concept avorté de 965 en furent deux autres, majeures. La face avant devait sembler nouvelle mais ressembler à une 911. Lagaaij était conscient, et les chiffres le démontraie­nt, que le public s’était lassé des lignes de la 911. Hatter a réussi le pari de les redéfinir sans les dénaturer. De les moderniser sans toucher à la structure. Initialeme­nt, il était question d’une nouvelle monocoque avec une nouvelle ligne de toit, de nouvelles portières. Finalement, c’étaient cinq millions de marks de développem­ent dont Branitzki a jugé qu’il était bon de faire l’économie. Mais les idées sont restées en réserve… Le talent de Hatter a fait de la 993 l’une des plus belles 911 de toutes les génération­s, malgré le défi que représenta­it une base de 25 ans d’âge : des flancs plus galbés de quatre centimètre­s par côté, un arrière plus musculeux, virtuellem­ent

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France