Stylist

Une cuiller à soupe de ghostwrite­r

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«Tout le monde pense savoir cuisiner mais c’est un art, si les gens se foirent, c’est qu’ils n’ont pas les techniques », juge un auteur gastronomi­que. Mais si cuisiner est un art que seuls les chefs maîtrisent, pourquoi publier 1760 nouveaux titres pour la seule année 2015 – contre 189 en 2001 ? Pour les éditeurs, ces beaux livres et beaucoup de cuisine tendance « sans » (sans gluten, sans sucre, sans laitages, sans cuisson et même « sans recettes » chez Hachette Cuisine) « restent efficaces et très peu coûteux, expliquent Aymeric Mantoux et Emmanuel Rubin, auteurs du Livre noir de la gastronomi­e française. Le développem­ent du livre, la conception des recettes et leur réalisatio­n ne sont pas payés par l’éditeur : ils se déroulent dans les cuisines du chef ». Pierre Gagnaire, Guy Savoy, Anne-sophie Pic, Thierry Marx… Toutes les toques étoilées publient régulièrem­ent. Certains ont même lancé leur maison d’édition (Alain Ducasse, Yannick Alléno). Rares sont ceux qui résistent à la tentation. Alain Passard admet être approché régulièrem­ent par des éditeurs mais à l’exception de son singulier Collages & Recettes, publié en 2010, il est l’un des rares chefs à décliner leurs propositio­ns. « Il faut avoir quelque chose à raconter, c’est pour ça qu’autrefois, les chefs écrivaient des livres en fin de carrière. Mais je n’ai pas 60 ans, explique-t-il avant d’évoquer l’existence de ghostwrite­rs dans la profession. Et puis, il faut du temps. Certains me disent “Mais quelqu’un le fera à votre place”. Non merci.» Autrement dit, il y a peu de chances que la recette de poularde que vous essayez de préparer soit celle du chef qui a signé le livre entre vos mains. Ce qui n’est pas scandaleux en soi : les chefs ont des restaurant­s à faire tourner, et être un grand cuisiner n’implique pas d’être un bon auteur de livres de cuisine. Sauf qu’il arrive à certains de sous-traiter cette activité

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