Stylist

L’ART DE VÉRIFIER

-

De nombreuses maisons prennent tout de même le temps de réaliser des beaux livres de façon rigoureuse. Les co-auteurs ont un accès illimité au chef et à ses cuisines, avec des recettes réalisées au rythme des saisons. Des ouvrages d’exception qui nécessiten­t un à deux ans de travail. Chihiro Masui, elle, s’immerge longtemps dans le quotidien et les cuisines des chefs. Elle discute avec eux de la subtilité d’une découpe ou d’une cuisson. « C’est une exception, souligne Sophie. La majorité des auteurs bricolent dans leur cuisine des dizaines de recettes, dans des délais souvent très courts.» Aux États-unis, les budgets plus conséquent­s permettent aux auteurs de mieux travailler. Il existe même là-bas des testeurs de recettes. Des gens dont le job est de vérifier qu’en suivant les indication­s, on arrive bien au résultat souhaité. Camille Labro, journalist­e au Monde et auteure de livres de cuisine, a traduit pour un gros éditeur américain le livre de Grégory Marchand. « J’étais impression­née par leur exigence. Une recipe tester (testeuse de recette ndlr) m’appelait régulièrem­ent pour savoir si c’était une cuillère ou deux, si c’était une cuillère rase ou bombée. Est-ce qu’elle pouvait remplacer le beurre par autre chose ? Les allers-retours étaient continuels entre la testeuse, le chef et moi. Grégory Marchand lui-même n’en revenait pas, il était ravi qu’elle teste toutes les recettes méticuleus­ement.» Sonia Ezgulian, ancienne journalist­e et restauratr­ice, dont les livres sont souvent cités comme modèles, a connu les affres des grandes maisons d’édition pressées. Depuis, elle prend son temps. Un livre, dit-elle, est une « jolie aventure d’une année ». Huit mois pour les photos, trois à quatre mois pour les textes. « Dans mes livres, il n’y a aucune de mes recettes de mon ancien restaurant. Elles sont plus difficiles à réaliser et nécessiter­aient deux pages d’explicatio­ns, beaucoup de photos etc. » Autant de contrainte­s que les éditeurs ne sont pas toujours prêts à accepter et qui pourraient intimider le lecteur. « Je donne tout quand je les écris, j’explique les moments critiques, je propose des ustensiles du quotidien et j’accepte l’imperfecti­on de certaines cuissons, je ne cherche pas à modifier le résultat final.» Sa tarte serpentin, réalisée il y a douze ans, a eu tellement de succès qu’elle circule encore sur les réseaux sociaux.

Newspapers in French

Newspapers from France