Stylist

“la parole publique Ne se doit plus d’être maligne, intelligen­te”

-

omme la quille approche à grands pas, que l’heure n’est plus au sérieux, tu voudrais proposer au lecteur un petit divertisse­ment, un jeu digne de nos vieux cahiers de vacances. Celui-ci aura pour but d’évaluer la qualité de l’année écoulée à l’aune des grandes phrases qui l’ont marquée. Voilà comment nous allons procéder : toi, tu proposeras, tout au long de cette chronique, un florilège des plus extraordin­aires déclaratio­ns. Et celui qui la lit devra deviner qui a eu l’audace de les prononcer, puis aller vérifier la réponse en bas de page (surprises garanties). Commençons par une phrase qui te plaît particuliè­rement. Qui a eu la bonne idée de dire: 1.«Comment peut-elle satisfaire le pays, si elle ne satisfait pas son mari ? » Un indice, puisque nous sommes en plein échauffeme­nt : misogyne, raciste, blond peroxydé. Montons d’un cran maintenant : 2. « Nous poursuivro­ns les terroriste­s partout. Ils sont à l’aéroport, ce sera à l’aéroport. S’ils sont aux toilettes, on les butera aux chiottes.» Tu laisses le lecteur apprécier à sa juste valeur l’aimable tournure que prend parfois la parole politique, elle qui semble aujourd’hui tout à fait débarrassé­e de la moindre ambition littéraire. La prochaine est simple, mais tu ne résistes pas à l’envie de la coucher par écrit, pour mieux le savourer : 3. « Je suis arrivé comme un roi, je repars comme une légende.» Ce qu’il faut noter, c’est la victoire du slogan publicitai­re. Nous vivons

Cdans un mauvais film dont Jacques Séguéla aurait écrit tous les dialogues. La parole publique ne se doit plus d’être maligne, intelligen­te. Il suffit qu’elle sonne fort. Que l’écho de mots outrancier­s frappe les mémoires, qu’il laisse un impact définitif. 4. «Aujourd’hui, il nous faut des jeunes qui aient envie de devenir des milliardai­res.» Il ne faut plus désirer être riche, mais bien vouloir nager dans une piscine de diamants. Autre déclaratio­n politique qui te semble formidable et que tu voudrais partager. 5. «Je prends du Viagra et je l’ai bien dure.» Eh oui, être un homme et présider à sa destinée, c’est avoir une belle puissance phallique, tout le monde le sait. Mais pourquoi tant de démesure, tant de mots démonstrat­ifs, jusqu’au ridicule. Peut-être justement parce que notre pouvoir diminue. Tu parles d’un pouvoir effectif, celui que les humains peuvent opérer sur leur monde réel. Il ne reste alors que des espoirs, des voeux, des phrases auxquelles on voudrait croire, des sentences magiques aux facultés performati­ves (ou pas). Il y a quand même une exception à cette règle. Il existe un personnage public qui n’a pas cédé à cette folie. En homme normal n’exagère jamais. Lui, il aura juste dit: 6. «Oui, ça va mieux.» Et à ce moment-là, tout le monde a trouvé qu’il en faisait trop…

Newspapers in French

Newspapers from France