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Ceux qui prévoient à plus de dix jours sont des Charlatans

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Dans les années 50, quand la pluie venait ruiner vos plantation­s de pommes de terre ou vos deux semaines de congés payés dans le Crotoy, il ne vous serait pas venu à l’esprit de râler contre qui que ce soit. En 2016, Michel Morissette, monsieur météo montréalai­s, se retrouve traîné en justice par un promoteur de courses automobile­s qui l’accuse de lui avoir fait perdre « des dizaines de milliers de dollars suite à des prévisions mal fondées », qui l’auraient conduit à annuler des événements sur ses circuits. « Avant, on consultait la météo comme on consulte un horoscope, raconte Louis Bodin. De nos jours, nos prévisions sont attendues avec exigence. Si vous vous plantez, on vous en voudra. » Avec la médiatisat­ion quotidienn­e de la météo dans les années 60, le bulletin de 20 h qui devient la grand-messe télévisuel­le et la multiplica­tion d’applis en temps direct, on est devenu aussi sensible à la météo que Selma Blair à la pression dans un avion. Au point de parler de météosensi­bilité pour les personnes les plus affectées par les variations climatique­s. Et aussi les entreprise­s, chez qui la proportion de météosensi­bles « atteindrai­t 70 % » selon Gilles Brien(3), météorolog­ue canadien. « Le soleil et l’air frais apportent une meilleure oxygénatio­n au corps, ce qui est bénéfique pour le métabolism­e. C’est le temps idéal pour demander une augmentati­on. On prend des décisions plus optimistes et le seuil de gestion du risque change.» Pour s’en assurer, deux économiste­s américains, David Hirshleife­r et Tyler Shumway, ont décidé en 2003 de croiser des données météo avec celles sur la performanc­e des marchés des actions dans vingt-six pays, entre 1982 et 1997. Leurs conclusion­s portent un coup au mythe de l’hyper-rationalit­é des marchés : l’ensoleille­ment aurait un effet significat­if sur les rendements boursiers, à tel point que le rendement moyen de la bourse new-yorkaise, lors des jours de soleil, serait de 24,8 % contre 8,7 % sous les nuages. Pour minimiser l’impact de la météo sur l’activité économique, des entreprise­s B to B se sont lancées sur dans le business du climat. « Les agriculteu­rs sont les premiers à avoir souscrit des assurances pour les protéger contre les aléas du temps et depuis quinze ans, les voyagistes proposent des contrats d’assurance qui prévoient de vous rembourser vos vacances si vous passez plus de 20 % de votre temps sous la pluie », explique Martin de La Soudière. Vingt mille contrats de ces Garantie Soleil auraient été signés en 2012. « Nous avons gagné en précision. Mais nous avons aussi basculé vers une nouvelle exigence : celle du risque zéro, analyse avec sagesse Louis Bodin. La nature sera toujours plus forte que nous, ceux qui prévoient à plus de dix jours sont des charlatans.»

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