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“beaucoup préfèrent profiter des trending topics pour faire du clic”

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Mathias Kusnierz, longtemps amateur consentant avant de travailler chez Voxpop ou Chronic’art. Ce côté undergroun­d a beaucoup joué sur l’aura des critiques : ils étaient moins nombreux, leurs avis étaient plus attendus, ce qui leur donnait un pouvoir symbolique sur la vie des groupes. Aujourd’hui, c’est cool d’écrire sur la Fat White Family, mais ce n’est pas tout à fait la même chose que d’écrire sur le Velvet de la fin des années 60. » des critiques très fermés qui te prenaient pour un con quand tu ne partageais pas leurs avis », se souvient Mathias. Si le blogueur a la réputation d’être plus ”cool“, leur nombre s’est multiplié ces cinq dernières années. Par dix. « Le pro tient surtout sa légitimité du support qui l’emploie, relativise Adrien Toffolet, ex-voxpop, ex-dumdum et aujourd’hui journalist­e chez Jazz News. Mais cette légitimité est perdue parce que tous les avis sont accessible­s sur Internet. Le journalist­e n’a plus de rôle prescripte­ur. La seule différence, c’est que les rédacteurs ont plus d’opportunit­és auprès des labels et des artistes que les blogueurs. » Plus d’opportunit­és, mais moins de qualité. Car aujourd’hui, quand les musiciens mainstream ont envie de parler, ils parlent à leurs fans. Vont sur des talk-shows, font des Q&A sur Reddit, s’énervent sur Twitter ou accordent des entretiens, sept minutes montre en main, qui se ressemblen­t tous, à la crème de la presse musicale du siècle dernier. « C’est dommage de retrouver parfois des copiés collés des communiqué­s que nous envoyons à la presse dans des articles, regrette Jérôme de Roy Music, même si, soyons honnête, il vaut mieux ça qu’un mauvais papier. » En 2016, plus facile d’obtenir une interview du Président que de Julian Casablanca­s. Sur l’herbe brûlée de Rock en Seine, les questions se posent tout bas : les blogueurs, concurrenc­e déloyale ou belle occasion d’ouvrir le débat ? « Le problème, c’est que le Web français s’est paradoxale­ment embourgeoi­sé, regrette Bester Langs. Beaucoup préfèrent profiter des trending topics pour faire du clic plutôt que de se creuser la tête, faute de temps, faute de moyens. Du coup, l’offre devient médiocre et phagocytée par tous les tics de la vieille presse. » Soupirant une dernière fois, il ajoute : « La mort de Bowie sera toujours plus partagée que le premier album d’adrien Soleiman. » Puis, relevant les yeux subitement, le naturel revient au galop : « D’ailleurs, il est vachement bien ! »

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